Je veux juste qu'il m'aime... (Pietro & Kate) 

Un cri déchirant la tira du sommeil. Encore. Ce devait être la troisième fois qu’elle s’éveillait cette nuit et devait, ensommeillée, sortir de son lit pour calmer ces pleurs suraigus. Elle n’en pouvait plus. Se retournant sur le ventre, elle plaqua un oreiller sur sa tête pour s’isoler du bruit, mais rien n’y fit. Grognant, elle rabattit alors la couverture et s’assit au bord du lit, le temps d’enfiler ses chaussettes molletonnées et de passer les bras dans un pull épais. Il faisait toujours trop froid dans sa chambre, raison pour laquelle le nourrisson était enveloppé dans une multitude de draps qui ne laissaient voir que la forme ronde de son visage tordu par les cris qui s’échappaient de sa si petite bouche. Elle le prit dans ses bras avec mille précautions et le berça lentement en fredonnant une comptine ridicule. Attrapant sa baguette, elle fit apparaître un biberon tiède et l’approcha des lèvres de l’enfant qui tourna la tête. Il n’avait pas faim. Elle approcha son nez des couches et renifla prudemment. Il n’avait pas besoin d’être changé. Mais que voulait-il alors ? Soupirant, elle plaça le dos de sa main sur son front qui était à température normale. Peut-être avait-il trop chaud ? Elle entreprit de retirer un drap mais les cris redoublèrent et elle s’empressa de le refermer comme un cocon. Elle ne savait pas quoi faire, elle était épuisée et devait donner cours le lendemain matin. Allumant sa baguette, elle éclaira une horloge placée près du berceau et y lu l’heure avec agacement. Trois heures et sept minutes. Beaucoup trop tôt. Se mordillant la lèvre inférieur, elle se tourna vers la fenêtre et observa le lac. Une idée lui vint en tête, et elle s’en voulu déjà de l’avoir envisagée. Pourtant, une minute plus tard, elle enfilait une robe de chambre par-dessus son pyjama et quittait sa chambre comme une ombre dans la nuit.

Kate avait décidé d’adopter Maximilien à la demande de Pietro, le cousin de cet enfant né moldu. Enfin, il ne lui avait pas demandé de le faire, simplement de trouver une solution pour qu’il ne passe pas sa vie à l’orphelinat. C’est elle qui a pris la décision de devenir sa tutrice, d’être une mère pour cet enfant et de le protéger de sa vie. Philipp n’était pas au courant, bien entendu, elle avait bien trop peur de ce que lui ou un de ses sbires pourrait faire à Max. Si on apprenait qu’elle avait adopté un né moldu… elle ne donnait pas cher de sa peau. Pourtant, elle ne regrettait rien. Certes, elle passait des nuits horribles à cause de Maximilien, devait lui changer ses couches et le nourrir entre deux cours, le cachait dans sa chambre le reste du temps… Elle se sentait horrible mais ne savait pas quoi faire de plus pour lui. Elle ne pouvait pas démissionner pour s’occuper de lui, et encore moins le prendre en cours pour être sûre de ne pas rater quelque étape importante. Et, évidemment, elle avait lancé nombre d’assurdiato sur sa chambre et son bureau pour que personne d’autre ne soit réveillé par les cris inhumains qui sortaient de sa bouche. Mais malgré tout ça, il lui suffisait de croiser le regard de Max, entendre son rire, voir son sourire, pour se dire que ça en valait la peine. Il en valait la peine. Elle aimait le tenir contre elle, lui chanter des berceuses, jouer avec lui, sentir ses petits doigts se refermer sur son pouce. Chaque jour, il semblait s’attacher un peu plus à elle, la considérer comme sa mère. Mais elle savait que ce n’était pas encore totalement le cas et que Max lui préférait une autre personne. Pietro.

Avançant sur la pointe de ses chaussettes, Kate resserra sa prise autour de Maximilien et posa la main sur la porte qui donnait sur les appartements du nouveau professeur d’êtres inférieurs. Depuis la mort de Ralica quelques semaines plus tôt, Philipp et Kate avaient choisi de refiler le poste à l’ancien professeur adjoint, qui s’était montré très doué et satisfaisant. Aujourd’hui, elle se réjouissait de cette décision, n’ayant qu’un couloir à traverser pour arriver chez lui et non plusieurs pays. Levant une main, Kate frappa quelques coups sur la porte, craignant que Pietro ne l’entende pas mais ne voulant pas non plus réveiller ses voisins. Si quelqu’un la surprenait là avec un gosse emmailloté dans ses bras… Non, elle ne devait pas penser à ça. C’était déjà bien beau que Maximilien ait accepté sa tétine et ne braille plus comme un possédé. Assez rapidement, elle entendit des bruits venant du salon qui se trouvait sous la chambre de son collègue, comme tous les appartements du personnel. Soulagée, elle attendit qu’il lui ouvre et, sans préambule, lui colla le môme dans les bras. Je suis désolée de te réveiller si tôt, mais j’en peux plus ! Il n’arrête pas de pleurer et il n’y a que toi qui puisse le calmer. Tout en disant cela, elle s’avança dans le salon sans y avoir été invitée et se laissa choir dans un fauteuil, épuisée jusqu’à la corde. Je vais être une horrible mère… Démoralisée, elle se plia en deux, coudes sur les genoux et mains sur les yeux. Si déjà maintenant elle râlait sur son gosse, que ferait-elle quand il sera enfant ? Adolescent ?

CODE BY TIC TAC

Elle se rappelait de l'ancien professeur qui occupait ces appartements, cette femme horrible et complètement folle qui s'était fait influencer par les monstres au tatouage de corbeau. Elle se rappelle l'avoir tolérée, voire appréciée quand elle avait été embauchée à l'Institut, l'avoir même défendue quand certains lui reprochaient d'avoir engagé une telle créature. Et à présent elle se souvenait du jour de sa mort, se demandait si elle aurait été capable de la tuer elle-même au lieu de laisser un autre qu'elle s'en occuper. Elle n'avait rien fait pour l'en empêcher en tout cas, n'avait pas levé le petit doigt pour sauver cette femme qui s'amusait à torturer les étudiants quand les directeurs ne regardaient pas. Elle n'avait même pas tressailli quand le dernier souffle de vie lui avait échappé et se souvenait du soulagement qu'elle avait ressenti, se disant qu'il y avait une menace de moins sur cette terre. Elle s'endurcissait, ne ressentait plus la même chose qu'avant la mort de son frère, et ça lui faisait peur. Elle ne voulait pas devenir à son tour un monstre froid, sans émotion et sans scrupules. Elle ne voulait pas savoir si elle était capable à présent de tuer, sachant qu'elle pouvait assister à un meurtre sans ressentir la moindre compassion pour la victime.

À présent, c'était Pietro qui vivait ici et Kate s'en félicitait. En n'ayant pas agi quelques semaines plus tôt, elle lui avait offert une chance d'avoir un bon travail et de rester près de son cousin, près d'elle, près de ses amis et collègues. Certes, quelqu'un était mort pour permettre cela, mais ce n'était que Ralica... Cette femme méritait-elle seulement qu'on ait de la compassion pour elle ? De la pitié ? Non, pas du point de vue de Kate du moins. Elle, elle ne ressentait que de la satisfaction en sachant que ce cours serait à présent donné par un allié. Assise sur le canapé de Pietro, elle se félicitait de cette inaction, tout en savourant le calme de Maximilien. Un sourire en coin lui fendit le visage quand le nouveau professeur l'appela "maman Kate". Il te réclame sans cesse, tout simplement. Elle releva la tête et le regarda fermer la porte et lancer quelques assurdiato. Comme elle, il avait rapidement adopté ce réflexe et tous deux n'oubliaient jamais d'isoler les pièces où se trouvait leur pupille. Cette mesure de sécurité était absolument nécessaire pour que personne n'apprenne la présence de Maximilien dans leurs appartements et leurs bureaux et ils ne désiraient en aucun cas prendre ce risque en omettant les sortilèges.

Elle releva la tête en sentant une main se poser sur son épaule et regarda Pietro s'asseoir près d'elle, un Max apaisé entre les bras. Définitivement, c'était lui que l'enfant voulait voir... Elle affirma qu'elle ferait une mauvaise mère, se détestant de déjà déléguer et péter les plombs après seulement quelques nuits dérangées par les pleurs de l'enfant. Évidemment, Pietro ne vit pas les choses sous cet angle et clama le contraire, mais elle n'était pas convaincue. Elle n'avait jamais été capable de veiller sur quelqu'un et voilà qu'elle se mettait en tête d'éduquer un enfant, un nourrisson ! C'était insensé. Il m'adore peut-être, mais c'est toi qu'il réclame chaque nuit et je ne parviens même pas à le calmer. Je viens te réveiller à trois heures du matin, je te le refiles comme si c'était un déchet... Je sais pas si j'aurais la patience nécessaire pour l'élever et faire de lui quelqu'un de bien. Elle était sérieusement en train de remettre sa décision en question, se demandait s'il ne serait pas mieux dans une autre famille, chez des gens qui sauraient comment s'y prendre. Elle, elle n'avait jamais été réellement douée avec les enfants, les avait fui comme la peste dès qu'ils se mettaient à pleurer ou à faire des caprices. Comment avait-elle pu croire une seconde qu'elle en serait capable ? Qu'elle serait ce qu'il y avait de mieux pour lui ? Tout ça n'avait été que des illusions...

CODE BY TIC TAC

Les paroles de Pietro réconfortèrent un peu Kate, tout en la faisant se sentir mal. Toute sa vie, elle avait été seule, elle avait appris à se débrouiller seule et détestait demander de l'aide aux autres. Elle avait l'impression que ça équivalait à avouer ses faiblesses et ses incapacités, que les autres la considéreraient moins bien si elle allait quérir de l'aide auprès d'eux. De plus, elle en avait déjà assez demandé récemment, et pour quel résultat ? Son frère était mort, Derek courrait toujours et elle ne parlait plus à Philipp. Non, elle préférait se débrouiller seule, se prouver à elle-même qu'elle était capable, quitte à tomber un jour parce qu'elle ne pourrait pas faire face. C'est très gentil de ta part Pietro. Un "mais" flotta dans l'air à la suite de ses paroles, mais elle ne le prononça pas. Elle savait que sa proposition de l'aider était sincère et pleine de pure gentillesse, mais elle avait honte de son incapacité à assumer seule ce que des milliers de moldus assumaient seuls. Et sans magie. Elle y arriverait, elle en était persuadée, il fallait juste que Maximilien et elle s'habituent l'un à l'autre. C'était l'histoire de quelques jours, peut-être quelques semaines.

Kate regarda Pietro lutter pour poser Max dans son berceau et capituler quand le nourrisson se mit à geindre. Il lui somma ensuite de ne pas se mettre la pression, mais comment ne pas vouloir être la meilleure mère possible pour l'enfant qu'il lui avait confié ? Elle voulait ce qu'il y avait de mieux pour son fils, mais ne savait pas comment s'y prendre. Pour sa mère, tout avait semblé si facile, les photos montraient une femme rayonnante et épanouie, et dans ses souvenirs, Kate se rappelait des rires de Lydia plus que de ses craintes et ses doutes. Sa mère avait été un parent parfait, et elle n'était pas à la hauteur. Peut-être que si elle l'avait connue pendant plus de six malheureuses années, elle aurait pu s'inspirer d'elle, absorber son instinct maternel, prendre exemple. Mais ses souvenirs se limitaient à quelques rires, des histoires pour s'endormir, une odeur de lilas et le jour de l'accident. Elle ne se rappelait pas comment sa mère agissait quand elle pleurait, faisait des caprices ou ne voulait pas dormir. Elle ne se rappelait que les bons moments, ce qui ne l'aiderait pas à éduquer un enfant.

La proposition de Pietro était fondée. C'était son nom à elle qui était sur le papier d'adoption, mais il ferait également office de parent pour Maximilien, il était donc logique et nécessaire qu'ils passent du temps ensemble. Et quoi de mieux qu'une garde partagée pour que l'enfant s'habitue à ses deux parents ? J'admets que ce n'est pas une mauvaise idée... Mais tu es sûr que ça ne te dérange pas ? Elle serra entre ses doigts la main qu'il avait posée sur son avant-bras, sincèrement reconnaissante du soutien et de la confiance qu'il lui apportait. Si ça lui faisait bizarre d'avoir quelqu'un qui veillait sur ses arrières, elle avait peur de tout faire foirer. Parce qu'elle avait ce don, Kate, elle ne savait profiter de ses relations et faisait toujours un pas de travers. Avec sa mère, son père, son frère, Seth, Philipp. Il y avait eu avec chacun d'entre eux des périodes d'entente, et puis elle avait tout bousillé. Avec Pietro, ce serait différent, de même qu'avec Maxilimien. Elle n'avait pas le choix. J'ai tellement l'impression de manquer à mes devoirs... Elle passa une main dans ses cheveux et appuya sa tête contre le dossier du fauteuil. Mais je pense que si je ne mets pas mon orgueil de côté, je ne tiendrai pas longtemps. La garde alternée me convient donc.

CODE BY TIC TAC

Diplomate, Kate ne releva pas quand Pietro affirma qu'il avait du mal à proposer son aide. Contrairement à elle, qui refusait de demander de l'aide par peur de paraître pour une faible, lui était plus indifférent envers les autres, n'accordant son assistance qu'à certains élus dont elle faisait apparemment partie. Bien que consciente de ce trait de caractère chez son ami, Kate se contenta d'un sourire accompagné d'un roulement d'yeux destiné à lui faire comprendre qu'elle s'en fichait totalement. Car, après tout, tant qu'elle pouvait compter sur lui pour Max, elle se foutait royalement des relations qu'il entretenait avec les autres, tant qu'il ne se montrait pas cruel ou injuste avec eux, ce qui ferait un très mauvais exemple pour le petit Maximilien. Un éclat de rire lui échappa quand Pietro affirma qu'ils étaient enfin d'accord sur un point. Il disait vrai en prétendant qu'elle allait se remettre rapidement grâce à cette garde alternée. Kate pourrait enfin faire des nuits complètes et dormir sur ses deux oreilles, en tâchant de son mieux de ne pas culpabiliser. Après tout, Max était plus de la famille de Pietro que de la sienne, il était donc normal qu'il veuille aussi s'en occuper et qu'il prenne certaines responsabilités par rapport à son cousin.

Pietro tenta ensuite de rassurer Kate par rapport à ses doutes, affirmant qu'aucune mère n'était parfaite dès le début. Pourtant, dans ses souvenirs, la mère de Kate avait été géniale, faisait toujours tout pour sa fille et son bonheur. Elle n'avait probablement pensé à abandonner dès le début, n'avait pas relégué son enfant aux bras d'un autre après quelques jours seulement. C'est très gentil mais je ne voudrais pas déranger ta pauvre mère. Je vais y arriver ! Plus pour se convaincre elle-même, elle affirma cette dernière phrase avec conviction, persuadée que, si elle y croyait, elle pourrait y arriver. Après tout, ce ne devait pas être si compliqué d'élever un enfant, de s'en occuper et d'être là pour lui. C'était même plus facile maintenant que ça ne le serait dans quelques années, quand Max voudrait jouer avec les autres enfants et que Kate et Pietro devraient trouver un moyen de le faire entrer dans le monde sorcier sans attirer sur lui les doutes des Pozhiratelis... Mais non, ils n'en auraient pas besoin ! Dans quelques mois, tout serait réglé, les mangemorts ne seraient plus au pouvoir et Maximilien serait libre de vivre au grand jour, sans se cacher. Il le fallait. Elle ferait tout pour lui offrir cet avenir qu'il méritait tant.

Fronçant les sourcils en entendant l'expression de Pietro, Kate ne put retenir un rire amusé. Se prendre une crotte d'hippogriffe ne serait certes pas agréable, d'autant que ça empiéterait également sur la vie de son fils. Je vais faire attention où je mets les pieds alors ! rit-elle en appuyant sa tête sur l'épaule de Pietro et en regardant le visage paisible du petit Max. Pendant un instant, elle envisagea de retourner dans sa chambre et de laisser dormir Pietro, jugeant qu'il aurait bien besoin des quelques heures à venir pour essayer de grappiller un peu de sommeil, mais une nouvelle question lui vint à l'esprit, un détail qui la dérangeait depuis qu'elle avait adopté cet enfant sans le consentement de sa véritable mère. Ne devrait-on pas dire à sa mère qu'il est en vie ? Je trouve ça tellement cruel de la laisser pleurer un enfant qu'on lui a pris sans rien lui demander... Si elle avait été à la place de la mère, elle aurait aimé savoir, aurait compris que son fils était plus en sécurité avec des sorciers qui pouvaient le faire passer pour un sang-mêlé. Elle aurait pu faire partie de sa vie, même si son fils l'aurait appelé Tatie Kate plutôt que maman. Elle aurait souffert, mais moins qu'en imaginant le corps de son fils dans une tombe six pieds sous terre.

CODE BY TIC TAC