(charlie et darko) - poisson de juin  

En l’espace de deux mois, c’était la deuxième fois que je me rendais au Secrétariat. La première fois j’avais fait face à la secrétaire en personne pour recevoir une médaille. Chasseur de créature. Sérieusement, ils n’auraient pas pu faire un léger effort sur l’intitulé. J'avais manqué de finir défiguré à cause d’une mauvaise chute et j’avais plus ou moins sauvé une gamine de la noyade. Je méritais au minimum le titre de grand seigneur. L'ingratitude de ceux qui nous gouvernent. Pour trouver la solution à la fuite des créatures il n’y avait personne et il n’était pas plus présents lorsqu’il s’agissait de faire preuve de reconnaissance. Chasseur de créature. Non mais, je n’osais même pas m’en venter. C’est dire. Cela dit, à l’école, ma réputation n’avait pas besoin de galon pour briller. Si risquer ma vie me permettait de multiplier mes conquêtes il fallait que je repense sérieusement ma copie. En effet, les princesses de l’école savaient vers quel chevalier servant il fallait se tourner à présent. Ma liste de conquêtes s’était considérablement allongée depuis l’attaque du diablotin et la disparition de Ludmila n’arrangeait rien.

Cette ombre au tableau était la raison de ma seconde visite au Secrétariat. Il fallait être un idiot pour ne pas savoir ce qu’il se passait en ce moment au sein de l’institution européenne. À Beauxbâtons aucun élève n’avait été arrêté, en tout cas à ma connaissance. En revanche, il y avait eu un certain vide dans la salle des professeurs. Cela n’avait pas facilité le déroulement des examens, mais c’était une autre histoire. Bulle était tombée entrainant dans sa chute l’empire Pozhiratelis. Les corbeaux avaient été arrêtés et ils étaient à présent jugés. Leur sort m’importait peu en réalité. Leur politique ne me concernait pas vraiment, ce n’était pas l’impossibilité de me marier à une sang-pur allait changer ma vie. Des filles, il y en avait d’autres. C'était une fille en particulier qui m’intéressait d’ailleurs et la multiplication des relations sans lendemain ne m’avait pas rendu amnésique. Je cherchais Ludmila. Je ne m’attendais pas à la trouver ici, en revanche, je savais qu’elle avait eu une relation avec un corbeau. Je n’étais même pas certain d’en savoir davantage sur l’homme en question en sortant d’ici mais il fallait bien commencer quelque part. Et si au passage cela me permettait de tourmenter un Pozhiratelis je n’allais pas m’en priver.

Je sillonnais depuis quelques minutes les couloirs du secrétariat juridique lorsque je trouvai ma cible. Un homme que j’avais déjà croisé lors du camp de duel. Le tortionnaire des bacs à sable qui avait littéralement traumatisé pour une décennie le petit frère de Ludmila. Je devais bien reconnaitre qu’il s’était montré trop zélé lors du camp. S'il avait été instructeur c’est qu’il devait être un minimum bien vu dans l’organisation. Peut-être aurais-je une chance avec lui. De toute manière ce n’est pas comme s’il y avait d’autre poisson dans ce couloir désert. Puis autant foncer avant d’être interrompu par un employé.


Je m’étais assis à côté de lui un grand sourire aux lèvres. Je gardais quelques répliques salées en réserve. Je ne voulais tout de même pas ruiner en deux secondes mes chances d’en apprendre davantage sur la disparition de Ludmila.

Être assis à côté du corbeau ne me perturbait pas. Même durant le camp de duel il ne me faisait pas peur, seulement je n’aurais pas eu la bêtise de le pousser à se battre contre moi. Alors aujourd’hui, dans sa position, il n’y avait vraiment pas de quoi s’inquiéter. Puis, j’étais déterminé à trouver la moindre trace de Ludmila. On ne pouvait quand même pas disparaitre du jour au lendemain sans laisser le moindre indice derrière soi. Certaines personnes devaient bien savoir où elle se trouvait ou au moins le supposer. Je fixais l’homme dans l’attente de sa réponse. Mon introduction méritait une réplique de sa part. Quoi qu’il en soit, il ne fallait surtout pas qu’il m’ignore dès les premières secondes, ni que je l’exaspère en une minute. J'allais devoir être fin, pas dans l’attaque de front. Je devais retenir un minimum son attention. C'était franchement un jeu d’enfant.

Le corbeau laissa échapper un sourire. Au moins, il ne me fusillait pas des yeux. Quant à savoir si je l’amusais réellement ou si son sourire n’était que le signe d’un haut mépris, je m’en moquais. Tant que nous pouvions avoir une petite conversation c’était gagné. Sa réponse ne se fit alors pas attendre. Il n’était pas stressé. Et franchement avec le ton qu’il adoptait je ne doutais pas de la véracité de ses propos. Assez impressionnant je devais bien l’admettre. Enfin, stress ou non ça ne changeait pas sa situation. La suite de ses propos était un peu moins séduisante. Ce type était un grand taré. Vivement qu’il soit enfermé et je l’espérais pour une très longue durée. Surtout qu’il accompagnait tout cela d’un petit rire sadique. Rajoutez-lui un fouet et une grosse verrue sur le nez et vous avez de quoi traumatiser des générations de moldus. Non sérieusement, je voulais bien nuancer mes premiers propos, il faisait quand même un peu peur. Si le corbeau de Ludmila était comme lui, comment avait-elle fait pour ne pas fuir au premier rendez-vous ?


Je haussais les épaules. Il n’y avait pas de quoi se vexer, j’énonçais simplement la vérité et l’homme en avait déjà parfaitement conscience.


Autant rentrer directement dans le vif du sujet. Le corbeau ne semblait pas être la personne la plus patiente du monde. Surtout, il était lui-même très direct. C'était le bon moment pour attirer son attention sur ce qui comptait pour moi. Quant à savoir ce que lui allait gagner dans cette affaire, honnêtement pas grand-chose à part du divertissement. Peut-être que dans sa situation ça pouvait lui suffire.

Demander à un Pozhiratelis de faire une bonne action c’était comme demander à l’hôpital de se foutre de la charité. Genre le truc un peu insolite qu’il fallait oser avancer. Enfin, je n’avais rien à perdre si ce n’est mon temps et si cela intriguait le corbeau je ferai un large bond en avant. De toute manière il fallait bien commencer quelque part. Peut-être que cette conversation n’avancerait à rien, mais ce n’était pas le moment de penser à cela. Surtout que monsieur le zinzin me menaçait à présent avec l’option regard noir. Comme s’il pouvait me buter avec ses maudites menottes. Bon, réflexion faite, vu sa tête de fou furieux je ne voulais quand même pas le mettre au défi. Non mais vous imaginez cette fin si triste. Etranglé dans un couloir merdique par un sorcier qui n’avait rien à perdre. Une victime parmi tant d’autres. Trop peu de gloire et tout ça pourquoi, la recherche d’informations sur la disparition de Ludmila. Super. Ça m’intéressait fortement de la trouver mais pas au prix de ma vie quoi. Bref il valait mieux me taire et le laisser poursuivre.

Donc il voulait une conversation plus sérieuse. Nous voilà en phase de devenir les meilleurs amis du monde. Là j’étais plus intéressé que par la perspective de ma mort imminente. Trois secondes pour exposer ma requête. Monsieur le corbeau était impatient ou pressé ou les deux. Enfin, je n’allais pas ruiner ma chance en faisant remarquer que quelques secondes c’était trop peu. Premièrement avancer mes premiers pions, à savoir mettre un brin de contexte.


Bêtement parce que je le pensais sincèrement. Ludmila le savait, je ne m’étais pas gêné pour lui dire quand j’avais appris son merveilleux plan suicidaire. Je marquais ce mot auprès du corbeau également pour lui signifier que son petit groupe était selon moi impossible à infiltrer de cette manière. Si cela pouvait gonfler un peu son égo ce n’était pas plus mal. Quoi que l’histoire avait prouvé qu’ils n’étaient pas infaillibles. Ce n’était pas moi qui portais des menottes par exemple.


Je n’allais tout de même pas révéler tout mon jeu à la première manche. Déjà je devais m’assurer que j’avais capté son attention. Savoir qu’un de ses collègues s’était potentiellement fait berner par une gamine pouvait l’intéresser. Peut-être même qu’il voudrait en apprendre plus sur ce que j’avais déjà rassemblé.

Je me sentais comme un pêcheur avec sa canne à pêche. Mon interlocuteur n’était pas du genre à se laisser rentrer dedans sans broncher donc, j’étais contraint d’adopter une méthode inhabituelle. Une étape après l’autre pour ne pas le brusquer. L'attirer avec des petits vers de terre, dans notre situation avec des brides de contextes qui pouvaient susciter chez lui une quelconque émotion. Même pour séduire les filles je ne prenais pas autant de pincette. Il me suffisait juste de baratiner et de me faire passer pour plus sympa que je ne l’étais réellement et voilà, le tour était joué. Chose qui ne pouvait bien sûr pas fonctionner avec un individu aussi entraîné qu’un Pozhiratelis. Quoi que l’histoire de Ludmila avait prouvé le contraire. Elle avait vraiment décoté l’idiot du groupe, ce qui je devais l’admettre était une belle prouesse de sa part. Pour le reste c’était une idiote qui mettait sa vie en danger.

Est-ce que la suite allait intéresser mister regard noir option menotte aux poignets ? Que signifiait ce soupir. Sois la technique du suspens l’avait rendu furieux et il était préférable pour moi de m’éloigner, soit le poisson était appâté. J’écoutais la suite avec un petit sourire. Bingo comme dirait les ancêtres. Il voulait en savoir plus, peut-être pour trucider son collègue Pozhiratelis lorsqu’ils se croiseraient dans un des couloirs d’Azkaban. D'ailleurs la prison était-elle dotée d’une cantine et d’une cour pour se dégourdir les jambes comme chez les moldus ? Questions pour plus tard, j’avais mes priorités. Autant lui indiquer de manière brève et concise tout ce que je savais sur l’homme. Il y avait peut-être entendu des bruits de couloir sur une demande de divorce en cas de mariage non fructueux. Je n’avais pas la moindre idée de comment les nouvelles circulaient entre les corbeaux.


Résultat de la consanguinité ? Je gardais cette réflexion pour moi pour ne pas énerver le Pozhiratelis qui ne semblait pas être la personne la plus sensible à mon humour. Puis comme il l’avait précisé, les agents de la justice pouvaient venir le récupérer d’une minute à l’autre et j’avais encore besoin de ses connaissances.


Ah moins que c’était une décision de Ludmila de se cacher. Sauf qu’elle serait revenue après la chute de Bulle et les arrestations des corbeaux si c’était le cas. J'étais persuadé que le type l’avait enlevé. J'espérais maintenant qu’il n’était pas suffisamment furieux et au clair de sa ligné exacte du sang pour ne pas l’avoir tuée.


Et me voilà promu brigadier. Beurk quel enfer !

Maintenant que j’avais décrit l’homme avec tous les éléments que j’avais à ma disposition, j’espérais que cela éveille quelque chose chez mon interlocuteur. Quoi que j’étais à peu près certain que ce portrait correspondait à plusieurs corbeaux. Après tout, eux aussi avaient dû se marier de force, parfois avec une personne qui ne leur correspondait pas. Cela ne me surprendrait pas que ce soit plus simple pour eux de divorcer, surtout si le mariage n’apportait pas de gosse braillard. Un peu comme dans l’ancien temps. Quand je disais que les Pozhiratelis étaient des arriérés !

Je ressentis un vague soulagement lorsqu’il m’annonça que le descriptif pouvait correspondre à l’un de ces collègues. Malheureusement, il ne connaissait pas son nom. Comment ça ? Moi qui pensais qu’ils étaient tous plus ou moins de la même famille et qu’ils s’invitaient à des fêtes pour boire le sang de leurs victimes. Quelle déception. Ce branleur n’aurait-il pas pu faire l’effort de connaître le nom de ses collègues, de s’intéresser un petit peu aux autres. Merde, j’aurais fait comme lui. J'étais un petit peu déçu que mon gros poisson ne me guide pas plus facilement vers la victoire. Les indices qu’il me donna ensuite n’était guère mieux. Quoi que, j’avais la confirmation qu’il ne s’était pas fait arrêter et qu’il pouvait très bien être l’auteur de l’enlèvement de Ludmila.


Je devais quand même me montrer poli avec le vilain monsieur. Ce n’était pas comme si je lui faisais perdre son temps, au contraire je le divertissais avec mes histoires. Cela dit, il n’était pas obligé de me répondre.


Puis même si c’était pour Ludmila j’étais bien trop faignant pour parcourir tout un continent et fouiller la moindre bicoque. Enfin, je me faisais peu d’illusion sur ses capacités à répondre à ses questions. J'espérais également que mon insistance ne l’énerve pas trop. Le pauvre, il m’avait rendu un service, ce serait dommage qu’il soit tout rouge de colère avant d’entrer en salle d’audience. Ou qu’il laisse un dernier cadavre. Quoi que, j’avais un doute sur ses réelles aptitudes à tuer avec des menottes aux poignets. Quoi que, je n’avais quand même pas envie de tester ces dites capacités.

Était-ce une bonne idée d’insister ? Ce n’est pas comme si j’avais mille autres solutions. Puis au moins, je l’occupais un peu avant son procès. C'était peut-être même à lui de me remercier, enfin je n’allais pas tenter de pousser le bouchon dans cette direction. J'étais certain qu’il était en mesure d’appliquer les menaces proférées quelques instants plus tôt. Je croyais moins en leur réussite, merci les menottes, mais je ne tenais pas non plus à tenter l’expérience.

La réponse ne se fit pas attendre. Débrouille-toi. Visiblement monsieur devenait ronchon. Ça ne devait pas être dans ses habitudes de donner un coup de main et il se lassait déjà. Franchement, pour les informations qu’il m’avait apportées ça valait bien la peine de perdre mon temps. Le Pozhiratelis que je cherchais n’était pas en prison. Point. Il pouvait très bien être mort et Ludmila partie en vacances pour fêter l’évènement. Et dans son ingratitude légendaire elle aurait oublié de le prévenir ? Bon je croyais moyennement à cette version pour ne pas dire pas du tout. Il était vivant et il avait récupéré Ludmila. Soit elle était saine et sauve parce qu’elle jouait encore la comédie. Soit il était préférable de vite la retrouver. Quoi qu’il en soit, le petit rire qui ponctua la fin de sa phrase m’agaça. Il se moquait de moi en plus. Je me levai pour mettre un petit pas de distance, autant me barrer maintenant, il ne m’apprendrait rien de nouveau.


D'où l’intérêt du petit pas de distance, en espérant voir son sourire hautain disparaitre de son visage. Je n’étais pas sûr qu’une accusation de consanguinité soit quelque chose d’agréable à attendre. Même si entre nous, c’était un peu la réalité de leur délire de pureté. Il fallait voir comment certains étaient tarés pour en avoir la confirmation. Peut-être que la mère de l’homme était la cousine de son père d’ailleurs. Enfin j’étais suffisamment perspicace pour éviter ce genre de question, surtout après le premier drapeau rouge agité devant ses yeux.


Qui a dit que j’étais capable de tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler ? Qu'il ne se plaigne pas, il avait la chance de partager sa toute dernière conversation civilisée avec moi, l’être le plus génial à des kilomètres à la ronde.

Sa réponse était claire et limpide. Je ferai tout de même une traduction pour les plus trolls d’entre nous, parce que j’avais bien conscience que mon niveau d’intelligence était quand même supérieur à la moyenne. Bref, pour la traduction des paroles du Pozhiralelis “tu es typiquement le genre de petit malin que j’aime trucider entre mon quatre-heure et une soirée entre copains” avec option “si je sors de prison, je te retrouve et je te torture à la hauteur de la fatigue que tu m’as procurée aujourd’hui, à savoir beaucoup trop”. Mesdames et messieurs les jurés, permettez-moi de vous dire qu’il vaudrait mieux garder ce psychopathe en prison jusqu’à la fin de ses jours. Mon petit cul est bien trop précieux pour finir ainsi. Enfin, pas besoin de lui montrer qu’il me fichait quand même un peu la trouille. Il s’était même certainement levé dans cet unique but et cela fonctionnait. À la place je me retins de reculer, je gardai mon visage impassible et préférai lever un sourcil l’air de lui faire comprendre que ses paroles et son geste allaient un peu dans le vide. D'ailleurs, c’était en parti le cas car il allait très certainement moisir à Azkaban puisqu’il n’avait clairement pas l’air du type en pleine rédemption. J'allais même accompagner l’ensemble d’un petit mot bien placé, mais je voyais moi aussi deux sorciers approcher. C’était l’heure de son procès.


Moitié sérieux, moitié moqueur, du Guérin tout craché. Enfin, je tournai les talons sans attendre une quelconque réaction, je n’avais pas envie que les employés du Secrétariat qui venaient chercher le Pozhiratlis m’interroge sur ma présence ici. Il ne leur faudrait pas longtemps pour constater que je n’avais aucun lien avec le mouvement, enfin je n’avais pas non plus une seconde à perdre. Surtout qu’en fin de compte mon avancée sur l’affaire Ludmila était nulle.