Brisée mais toujours sur pied ✗ Kate 

La mort, encore et toujours. Voilà ce qui avait fait les gros titres de tous les journaux pendant des mois, ce qui accompagnait chaque personne d’Europe, sans exception. Tout le monde avait perdu un proche ou avait vu un proche en perdre un. Et ceux qui n’avaient perdu personne étaient les monstres qui tuaient et dont la famille était protégée. C’était le pire paradoxe qu’elle ait jamais vu. Les méchants étaient récompensés et les innocents massacrés, des centaines, des milliers d’innocents… Parfois, elle imaginait la quantité de sang qui avait du couler et se demandait si elle pourrait remplir Durmstrang avec ces milliers, ces millions de litres écarlates. Probablement, se disait-elle, et cette pensée la faisait frissonner malgré la moiteur de cette fin d’été. Elle ne comptait plus les noms familiers qui étaient morts, les condoléances qu’elle avait du adresser à des connaissances et les larmes qu’elle-même avait versées pour certains. Elle ne comptait plus les victimes innocentes, imaginait les corps empilés, formant un monument assez élevé pour cacher le soleil à son zénith, des visages familiers et des corps de nouveau-nés parmi eux. Et ça lui donnait envie de vomir et de tuer elle-même tous les monstres responsables de ce massacre. Mais elle ne faisait rien, restait dans son bureau à fulminer et à se convaincre que ce n’était pas de la lâcheté. Que ses étudiants avaient besoin d’elle et que, si elle se mettait les monstres à dos, elle ne ferait pas long feu. Elle se sentait coupable, c’était certain, mais elle savait que le jour viendrait où elle pourrait venger ces victimes. Et son frère.

Il y avait trois semaines que Kate hésitait à envoyer un hibou à Donna, la professeure de défense de Poudlard. Sa sœur était morte, assassinée par un Pozhirateli simplement parce qu’elle faisait partie de la rébellion. Encore un meurtre inutile et gratuit, encore du sang versé, un corps de plus sur la montagne. Kate avait voulu lui faire savoir qu’elle pensait à elle, qu’elle savait ce qu’elle traversait, mais savait mieux que personne que recevoir ce genre de lettre juste après le drame faisait plus de mal que de bien. Alors elle s’était abstenue, laissant le temps à Donna de verser ses larmes et d’enterrer sa sœur, d’entamer son deuil. Elle ne se faisait pas d’illusions ; le deuil était loin d’être achevé en trois pauvres semaines. Elle-même n'avait pas achevé celui de son frère, assassiné en mai, quatre mois plus tôt. Elle savait que Donna n’aurait pas retrouvé sa joie de vivre, mais attendre plus longtemps lui laisserait penser qu’elle se fichait de ce qu’elle traversait. L’heure était donc venue de revoir cette femme qui l’avait aidée à retrouver son frère. Trop tard, certes, mais elle ne lui en voulait pas ; au moins avait-elle pu enterrer son corps avant que Stark ne le fasse disparaitre ou ne le lui envoie morceau par morceau. Alors elle lui avait envoyé une lettre, lui demandant un rendez-vous dans un endroit discret près de Poudlard, et Donna avait accepté.

Kate entra dans le bar et reconnu aisément la professeure, assise à une table éloignée, qui lui faisait signe. Elle lui sourit et s’avança vers elle, retirant sa veste en cuir de dragon pour s’asseoir face à la femme en deuil. Bonjour Donna, comment vous sentez-vous ? Elle posa sur elle un regard plein de compassion et de sympathie, continuant de lui sourire avec tristesse. Je tenais à vous voir en personne pour vous présenter mes condoléances, j’espère que vous ne m’en voulez pas d’avoir attendu si longtemps. Je sais qu’il est douloureux de recevoir ce genre de courrier après une telle perte… Elle baissa les yeux en sentant sa voix se briser et retint l’émotion qui menaçait de la saisir. Aujourd’hui, ce n’était pas à elle de pleurer, ce n’était pas d’elle qu’il était question. Elle avait assez pleuré la mort de Beau et en avait assez parlé à Donna à l’époque. Aujourd’hui, c’était elle qui comptait et qui pouvait pleurer. Kate tendit le bras par-dessus la table et pris la main de Donna dans la sienne, la serrant avec émotion. Nous retrouverons celui qui a fait ça. Je vous le promets. Sa voix était devenue un murmure, afin de ne pas attirer l’attention sur elles, et une détermination féroce brillait dans son regard. Elle rendrait à Donna l’aide qu’elle lui avait apportée tout pile un an plus tôt.

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La soif de vengeance était un sentiment qu'elle connaissait bien. Après toutes ces années passées entourée de Pozhiratelis, elle avait été condamnée par les envies de vengeance de leur chef et, elle qui se croyait capable de pardonner voulait faire la justice pour la mort de son frère. Bien qu'elle l'ait épargné quelques mois plus tôt, elle ne rêvait que de ça et attendait avec impatience le jour où elle pourrait lui rendre la monnaie de sa pièce. Avant ce tragique événement, elle ne pensait pas avoir ça en elle, être capable de nourrir ce genre de pensées à l'encontre d'un homme qu'elle connaissait à peine. Mais il l'avait attaquée en premier et avait été lâche au point de s'en prendre à un enfant sans défense plutôt qu'à quelqu'un de son niveau. Quelqu'un comme elle. Il l'avait menacée, l'avait provoquée mais avait fui le combat jusqu'à ce fameux jour où ils s'étaient enfin retrouvés face à face. Et elle avait vaincu ; elle le tenait en joue, avait commencé à réciter la formule de mort quand on était venu l'arrêter. Il n'en valait pas la peine, lui avait-on dit, ça ne la soulagera pas. Mais son frère ne méritait-il pas d'être vengé ? Ne pouvait-il pas reposer en paix ? Elle savait que ça n'arriverait pas tant que ce monstre, cet assassin qui se croyait dans le camp des gentils, serait en vie. Dire qu'au départ ils voulaient probablement la même chose...

Faute de pouvoir accomplir sa vengeance prochainement, Kate décida d'aider Donna a faire la sienne. Sa sœur avait été tuée au même titre que Beau avait été assassiné et elles auraient la justice pour ces crimes, toutes les deux. Elle ne cesserait de chercher que le jour où Derek Stark et le meurtrier d'Elisabeth seraient réduits à l'état de poussière sous ses semelles impeccables. La seule chose qui la retenait d'employer les grands moyens, c'était Maximilien, ce petit ange qui avait besoin d'une mère. Il est vrai qu'elle pourrait le confier à Pietro dans le cas où il lui arriverait quelque chose - c'était d'ailleurs prévu dans son tout nouveau testament - mais elle préférait éviter de lui arracher sa mère, de lui offrir une vie sans elle. Au lieu de ça, elle lui offrirait un monde sans assassins, sans Pozhiratelis, sans Ivankov et sans Stark. Ce serait le plus beau cadeau qu'elle lui ferait et elle s'y appliquerait jusqu'à ce qu'il soit achevé. Ou qu'elle meure dans le combat, mais elle préférait ne pas envisager cette éventualité. Elle survivrait et elle protégerait son fils contre tous ceux qui voudraient le toucher pour l'atteindre elle. Elle ne laisserait plus personne mourir par sa faute ; trop de sang avait déjà coulé par sa faute.

Kate offrit un sourire compatissant à Donna quand elle lui parla d'Emma, la fille d'Elisabeth. Elle aussi devrait être vengée. Oui je comprends bien, il faut savoir tenir le coup pour les autres plus que pour nous... À la mort de son frère, Kate n'avait eu personne pour qui tenir le coup, raison pour laquelle elle avait failli ne pas se relever. Elles furent interrompues par une serveuse et Kate commanda son éternel chocolat chaud, double sucre et pas trop chocolaté. La femme lui lança un regard étonné mais parti chercher sa commande tandis que Donna la rassurait quant à sa lettre tardive. Puis elle se confia à elle, lui raconta implicitement la douleur que lui causait la perte de sa sœur, et le cœur de Kate se serra. Elle connaissait ce sentiment, l'avait ressenti trop souvent dans sa courte vie. Elle ne voulait plus jamais avoir à subir ça. Je vous aiderai à mon tour, on trouvera cet assassin et vous rendrez justice pour votre sœur. Elle serra les mains autour de sa tasse brûlante et haussa les épaules à la question de Donna. Comment ça allait ? Mal, sans aucun doute, mais allait-elle aussi mal que Donna ? Oh vous savez, la routine... J'évite les mangemorts autant que possible, je m'occupe de mon fils quand j'ai le temps et je m'efforce de préserver mes étudiants, même si mes efforts sont souvent détruites par les autres... Elle leva les yeux au ciel, minimisant la situation par rapport à celle de Donna.

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La peur... Tout le monde ressentait de la peur et rares étaient ceux qui parvenaient à l'avouer à voix haute. On pouvait avoir peur de mourir, de perdre un proche, de se ridiculiser, de se faire humilier. On avait parfois peur de quelqu'un en particulier, d'une situation ou d'un événement. Il arrivait même qu'on ait peur de soi-même, de ce dont on était capable ou non de faire pour se protéger, se venger ou simplement par pur plaisir. Tout le monde avait peur de quelque chose, peut-être de futilités ou de dangers réels, de mots qui blessent ou de coups qui laissent des traces. La peur était innée, on la ressentait dès le moment de la naissance, quand notre petit corps fragile se voyait expulsé de son confort pour se retrouver dans la lumière, le froid et la faim. Personne ne pouvait se vanter de n'avoir peur de rien. Elle, elle avait de nombreuses peurs. Elle avait peur pour ses étudiants, à cause de ces monstres qu'ils côtoyaient quotidiennement. Elle avait peur pour son fils, ce minuscule petit être qui était menacé de mort sans que personne ne sache qu'il était en vie. Elle avait peur pour ses proches, aimerait pouvoir les protéger mais ne voyait pas comment faire tout en les laissant vivre leurs vies. Elle avait peur pour elle, que les risques qu'elle prenait tous les jours ne lui retombent dessus et qu'elle souffre de tant de témérité. Pour une fois qu'elle repoussait sa lâcheté naturelle, elle comprenait à quel point c'était dangereux, et pourtant elle ne pouvait plus reculer. Elle continuait à voir les ennemis des monstres qui tentaient de la contrôler, continuait à héberger cet enfant qu'ils voudraient tuer s'ils savaient son existence, continuait d'espérer à un retournement de situation.

Que Donna avoue sa peur à Kate lui donna la chair de poule. Cette femme était forte, elle avait vécu tellement de choses, surmonté tellement d'épreuves... Elle venait d'atteindre son point de rupture et Kate imaginait à quel point cela devait l'effrayer. Elle connaissait cette douleur, ce signal de détresse qui vous hurlait dans la tête que c'était fini, que vous ne pouviez plus en supporter d'avantage. Les moldus appelaient ça un burn-out. Kate, elle, appelait ça la mort. Quand elle-même avait atteint cette douleur extrême à la mort de son frère, une part d'elle l'avait accompagné dans la tombe et elle avait du se forcer à renaître, à reconstruire ce morceau manquant. C'était dur, c'était long, c'était douloureux, mais c'était faisable. Elle en était sortie, Donna le ferait à son tour. Il lui fallait juste du temps, de l'aide et une motivation nécessaire, une raison de continuer. Kate avait Maximilien, Donna avait les jumeaux et Emma, trois personnes qui comptaient sur elle, qui avaient besoin d'elle et qu'elle ne pouvait se permettre d'abandonner. Cependant, elle avait le droit de faire une pause, de se laisser aller et de s'effondrer un moment. Elle en avait besoin, il fallait qu'elle se soulage de toute cette pression, cette peur, cette impuissance qu'elle pensait éprouver. Il fallait que ça sorte pour qu'elle puisse remplacer tout ça par de la force et de la volonté, de la détermination et de la puissance. C'était indispensable.

Kate tendit les mains une nouvelle fois et serra celles de Donna pour lui transmettre tout ce qu'elle ne pouvait lui dire oralement. Par ce geste, elle lui témoigna toute sa compassion, sa tristesse et sa foi en elle. Elle savait qu'elle surmonterait ça, elle croyait en elle. Je sais. J'ai peur aussi, bien que j'aie moins à perdre que vous. Cette situation... c'est insoutenable. Il faut que quelqu'un agisse, et je doute qu'on puisse compter sur Philipp. Pinçant les lèvres, elle lâcha les mains de Donna et prit une gorgée du chocolat qui refroidissait devant elle. La chaleur de sa boisson lui fit du bien, calma le sentiment d'injustice qui gonflait dans sa poitrine quand elle pensait à l'inaction de Philipp. Pour votre famille, j'aimerais pouvoir vous rassurer en disant qu'ils ne risquent rien, mais vous mentir ne servirait à rien. En vérité, ils vous surveillent probablement et le moindre de vos faux pas pourrait se répercuter sur l'un d'entre eux. J'aimerais vous aider, mais je me sens si impuissante, je ne vois pas quoi faire pour protéger vos enfants et votre nièce. Elle se sentait tellement impuissante, voulait aider cette femme qui lui avait été d'un soutien si précieux un an plus tôt, mais elle ne savait pas comment faire. Elle aurait tellement aimé pouvoir garantir la sécurité de Donna, mais elles se trouvaient constamment si loin l'une de l'autre et à moins de lui envoyer un garde du corps ou la kidnapper et l'enfermer dans ses appartements, elle ne trouvait aucune solution...

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La sécurité… Voilà bien un concept que l’Europe ne connaissait plus depuis des mois, plus d’une année à présent. L’idée même de sécurité était incertaine, se résumait à un espoir et une illusion que partageaient la plupart des civils, persuadés qu’il ne leur arrivera rien. Ils voyaient leurs voisins tomber mais ne prenaient pas peur, ils se disaient que ça n’arrivait qu’aux autres, que eux n’avaient rien à craindre. Malheureusement, pour des gens comme elles, l’idée même de sécurité était risible et ridicule. Personne, hormis ceux qui établissaient le règne de terreur, n’était protégé ou ne risquait rien. Elle-même, une proche du chef mangemort, elle avait peur qu’un jour on ne découvre son secret et qu’on la punisse ou qu’on punisse l’enfant. Elle l’avait adopté pour qu’il soit plus en sécurité que dans cet orphelinat qu’on ne tarderait pas à découvrir, voulait que si un massacre y ait lieu, lui au moins soit sauvé. Et c’est en voulant le protéger qu’elle l’exposait à tant de dangers. Pourtant, il y avait en Europe quelques personnes qui avaient réussi à se cacher, à se protéger et à se terrer dans leurs tanières en attendant que leur heure ne sonne. Et elle les connaissait presque tous… Mais elle ne leur demanderait rien, pas tant qu’elle pouvait agir sans les mettre en danger.

Kate se pencha également vers Donna, affichant une mine joviale pour ceux qui les regarderaient mais son regard exprimant la détermination. Rien que se parler comme elles le faisaient ici les mettait en danger, mais avec tous les sortilèges de la professeure de Défense, personne ne pouvait les entendre. Et en quoi était-ce illégal de discuter avec une amie ? Malgré les apparences, elles commençaient à comploter et Donna lui parla de cette femme qui avait su se mettre en sécurité. Isabella Ravenswood. Un léger sourire naquit sur les lèvres de Kate, se rappelant l’énergie que cette femme avait mise pour chercher Beau et de sa compassion quand elle avait appris qu’il était trop tard. Elle pouvait lui faire confiance, elle n’en doutait pas une seconde, mais oserait-elle la mêler à tout ça ? Kate hocha la tête et baissa brièvement les yeux vers sa boisson. Il est vrai qu’elle pourrait bien nous être utile, mais serait-ce judicieux de l’exposer après tous ses efforts pour rester libre ? Je m’en voudrais terriblement si elle se faisait attraper et qu’on l’enfermait à Azkaban comme ils vous ont enfermée vous. Elle se mordilla la lèvre, tiraillée entre l’envie de sauver cette femme et le besoin d’être plus nombreux pour avoir une chance.

Kate prit une gorgée de chocolat, marquant une pause dans ses paroles autant que dans ses réflexions. Elle savait que les opposants avaient besoin d’être nombreux, que beaucoup ne demandaient qu’à se battre, quitte à mourir pour une cause qui leur paraissait juste. Mais… elle imaginait constamment cette pile de cadavres qui s’accumulaient tous les jours. Elle y voyait les visages de personnes qu’elle aimait ou connaissait. Beau. Hacho. Elizabeth. Certains collègues et étudiants s’y trouvaient aussi, leurs visages fermés par la mort et leurs peaux aussi pâles que la neige. Y imaginer Isabella, Donna, Sydney, Paul, Maddison, Pietro ou même Philipp… C’était une torture. Et pourtant elle ne pouvait pas se battre seule. D’un autre côté, nous avons besoin d’aide, et avoir un allié inconnu des Pozhiratelis serait un atout de taille. Tiraillée entre ces deux pensées contradictoires, elle appuya la paume de ses mains sur ses yeux, ne sachant pas quelle décision était la bonne. Mettre la jeune femme en danger et augmenter les forces ou la tenir à l’écart au risque de perdre la bataille mais la sauver au passage ? Elle ne s’en sortirait pas seule, mais était-ce réellement indispensable de mêler tant de gens à la bataille ? Je vous avoue que je suis perdue, je ne sais pas quoi faire… Passant les doigts dans ses cheveux, elle leva les yeux vers Donna, attendant qu’elle lui dise quelle était la solution. Aujourd’hui, elle ne voulait pas prendre la responsabilité d’une nouvelle vie sur ses épaules ; il y en avait déjà tellement…

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Il lui fallait reconnaître qu'elles n'avaient pas le choix. Si elles voulaient réussir, il faudrait qu'elles entraînent des gens dans leur sillage, qu'elles forment une armée nombreuse. À deux contre leurs ennemis, elles ne feraient pas long feu, se feraient enfermer ou assassiner avant même d'avoir pu lever leurs baguettes. Leurs actions seraient inutiles, mais elles auraient le mérite de n'avoir impliqué personne d'autre. Elle voulait protéger le monde, mettre en sécurité tous ceux qu'elle chérissait et tous ceux qui étaient innocents dans cette histoire. Si elle pouvait créer des boites et les enfermer dedans pour s'assurer qu'il ne leur arrive rien, elle le ferait sans hésiter, sans s'interroger sur la cupidité de ses actes. Car enfermer ces gens, même pour leur bien, était mal. Ils avaient droit à la liberté et au choix. S'ils voulaient se battre, elle ne pourrait pas les en empêcher. Mais imaginer de nouveaux corps sur sa pyramide déjà trop haute lui serrait le coeur comme un étau. Elle voudrait tellement pouvoir apaiser les choses, rétablir la paix sans que ça finisse en bain de sang. Tuer ses ennemis et uniquement eux, en préservant ses alliés de leur cruauté. Elle se sacrifierait avec bonheur si cela pouvait lui garantir un tel tableau. Mais c'était impossible...

Un voile de compassion troubla le regard de Kate quand Donna parla de ses cauchemars. Son ton était banal, comme si elle parlait de son café, mais Kate n'était pas dupe. Personne ne pouvait sortir indemne de ce genre de choses, pas même quelqu'un d'aussi fort que la professeure de défense. Et elle-même n'était pas sûre qu'elle en ressortirait avec toute sa tête, ayant déjà laissé derrière elle une partie de sa lucidité à la mort de Beau. Depuis qu'elle avait adopté Maximilien, elle avait retrouvé une raison de se battre et de lutter contre la folie qui la menaçait, mais un séjour à Azkaban ou Nurmengrad achèverait de la faire sombrer, elle n'en doutait pas un instant. Je suis désolée. Ce murmure, elle l'avait prononcé du bout des lèvres, sachant à quel point c'était futile et inutile. Elle avait souvent eu envie de baffer les gens qui s'excusaient auprès d'elle à la mort de ses proches ou après un événement traumatisant, et pourtant la voilà à les imiter. Peut-être aurait-elle mieux fait de se taire, de se contenter d'un regard compatissant et encourageant plutôt que de déblatérer cette banalité qui avait perdu tout son sens depuis les années. Mais il était trop tard pour rattraper ces mots.

Bien que connaissant la plupart des détails que Donna lui fournissait, Kate l'écouta avec attention. Isabella était en sécurité dans sa boutique, mais elle avait le droit de choisir ce qu'elle voulait faire. Si elle voulait se battre, elle le ferait. Si elle voulait rester en retrait, tout le monde lui pardonnerait. Vous avez raison. Il faudra lui parler, lui proposer de se joindre à nous. Mais si elle refuse, je ne serai pas celle qui la forcera à se battre. En fait, je pense même que j'en serai soulagée. Elle poussa un rire amer, serrant ses doigts autour de sa tasse et plongeant son regard dans son contenu. C'est paradoxal. Je sais que nous avons besoin de beaucoup de monde pour gagner, mais je refuse de voir mes proches impliqués. Ca serait peut-être plus facile si ce n'étaient que des inconnus, des visages sans noms... Elle secoua la tête, réalisant ce qu'elle était en train de dire. Elle se trompait, la preuve étant qu'elle souffrait de tous ces gens morts lors des massacres, dont elle ne connaissait qu'une faible minorité. Mener des inconnus à la mort ne serait pas moins douloureux pour elle que si c'étaient ses amis qui se tenaient à ses côtés. Je dis n'importe quoi, excusez-moi. Voudrez-vous contacter Miss Ravenswood ou préférez-vous que je m'en charge ? D'un côté, Donna était plus proche de la vendeuse. De l'autre, Kate était probablement moins surveillée qu'elle...

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Après avoir entendu Donna partager son avis, Kate hocha la tête, soulagée. Savoir que personne ne forcerait Isabella à se mettre en danger et à renoncer à son droit à la sécurité lui retirait un poids des épaules. À sa place, Kate aurait aimé qu'on lui laisse le choix, qu'on lui assure que sa décision ne changerait pas l'opinion qu'auraient les autres d'elle et qu'on ne la forcerait en rien. Si elle avait le choix, les choses seraient peut-être différentes, ou peut-être pas. Peut-être qu'elle aurait renoué avec sa nature lâche et se serait cachée, peut-être qu'elle aurait quand même pris les armes pour aller se battre et défendre ceux qui ne pouvaient se défendre eux-mêmes. Malheureusement, la question ne se posait pas ; elle n'avait pas le luxe de choisir ou même d'hésiter. Trop de personnes comptaient sur sa force et sa protection, trop de monde avaient besoin qu'elle se batte pour eux, même si certains l'ignoraient encore. Elle était trop impliquée que pour se défiler, trop en danger que pour se sentir en sécurité où que ça soit, trop vulnérable que pour laisser d'autres personnes assurer sa protection. Ce combat était trop important pour qu'elle ne l'affronte en personne.

Kate but une gorgée de son chocolat pendant que Donna faisait une pause dans son discours et hocha à nouveau la tête. Isabella avait été d'une aide précieuse pendant l'enfermement de l'Ordre à Azkaban, hébergeant notamment les enfants de Donna et veillant à leur sécurité. La faire se joindre au combat signifiait également perdre cette cachette que les Pozhiratelis ne manqueraient pas de trouver à son premier geste de guerre. Je suis soulagée que nous soyons du même avis. À sa place, j'aurais aimé pouvoir choisir. Le sourire de Kate était des plus explicites, montrant que ni elle ni Donna n'avaient cette chance, qu'elles ne sauraient regarder des gens se battre en leur nom sans réagir. Elles se devaient d'assurer elles-mêmes l'avenir de leurs enfants. Serrant sa tasse entre ses mains crispées, elle jeta un regard furtif à une horloge, jugeant qu'elles étaient ensemble depuis déjà trop longtemps. Leur rencontre devait durer dix minutes tout au plus, et voilà qu'elles se parlaient depuis près de trois quarts d'heure. Leurs absences simultanées pourraient passer pour une coïncidence, mais Ivankov était assez intelligent et paranoïaque que pour y voir un signe de coalition.

Quand Donna affirma qu'il serait préférable que ça soit Kate qui rencontre Isabella, elle ne pu qu'approuver. Même si elles étaient toutes deux surveillées, Donna était enregistrée comme dangereuse tandis que Kate n'était aux yeux d'Ivankov qu'un nuisible incapable. Il se méfiait moins d'elle ou, du moins, elle l'espérait. Je serai ravie de revoir Miss Ravenswood, Donna. Je lui ferai part de vos salutations. Kate sourit à nouveau puis baissa brièvement les yeux quand Donna avoua ne plus être capable de se battre seule. Personne ne le peut, ce n'est pas un combat qu'on peut gagner en la jouant solo. Sinon, croyez-moi, je n'impliquerais personne dans cette histoire et réglerais son compte à Ivankov toute seule. Avec une grimace sarcastique, elle vida sa tasse et la repoussa doucement. J'ai été heureuse de vous revoir Donna, mais il me semble que rester ici plus longtemps ne serait pas très avisé... Je tâcherai de vous écrire assez rapidement. Prenez soin de vous. Serrant la main de Donna avec compassion et force, Kate tira de sa bourse la monnaie pour payer sa boisson et se leva de table. Elle marqua une hésitation avant de sortir, comme si elle voulait ajouter quelque chose puis se rétracta. Avec un signe de la main en direction de Donna, elle quitta le café et transplana jusqu'à Durmnaer.

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