Cours particuliers ~ Dimitri 

Maussade était le mot qui qualifiait le mieux son humeur depuis plusieurs mois. Il ne parlait plus beaucoup, restait dans son coin et passait des heures à rêvasser à propos de ces vacances pourries. Il ne montrait pas particulièrement sa colère, sa tristesse ou son envie de vengeance, non, il gardait une humeur stable et neutre, disait oui quand on lui demandait s’il allait bien et ne se plaignait jamais. Il ne voulait pas que les gens le croient faible parce que son amie était morte, qu’on le charrie parce qu’elle n’était qu’une sang de bourbe ou qu’on essaie de le consoler. Il était prince, il n’avait besoin de personne ! Alors il cachait ses émotions derrière un regard neutre, un sourire pas trop joyeux et des hochements de tête brefs quand il croisait un ami, sa façon de dire « oui je t’ai vu mais je n’ai pas le temps de te parler, désolé ». Il passait beaucoup de temps seul, aussi, arguant qu’il devait travailler pour ses Durms I ou qu’il avait des cours de rattrapage à donner aux années inférieures qui avaient choisi l’option de géopolitique. Parce que le prof l’aimait bien, fallait croire…

Ce matin, Dimitri avait été convoqué dans le bureau du professeur de géopolitique, ce qui lui avait évité de participer au cours de sport du jour. Bien que certain qu’il n’avait rien fait de mal et que ses devoirs étaient impeccables, il s’y était rendu avec agacement, préférant largement faire des tours de terrains de Quidditch plutôt que converser avec un prof. Mains dans les poches, il était entré par la porte laissée ouverte pour lui et s’était assis avec élégance bien que nonchalance sur le siège en face du prof. S’en étaient suivis près de deux heures à discuter du cas de Zora Volchine, célèbre dans l’Institut grâce à – ou à cause de – son père. Malheureusement, elle était aussi connue des élèves pour piquer leurs devoirs aux autres, ce que le corps enseignant ignorait évidemment. Le professeur avait convoqué Dimitri pour lui demander de donner des cours particuliers à la demoiselle qui avait lamentablement raté son dernier devoir. En entendant ces mots, Dim du retenir un sourire, comprenant que la victime de la jeune fille lui avait enfin tenu tête. Pendant deux heures, le professeur lui avait montré des devoirs pour lui faire comprendre le niveau de Zora et lui avait également donné quelques conseils pour faire remonter sa moyenne rapidement.

Quelques heures plus tard, Dimitri devait donc retrouver son élève dans la bibliothèque pour leur premier cours, ce qui l’arrangeait et l’agaçait en même temps. Il avait enfin une excuse pour ne pas traîner avec ses amis et leurs yeux pleins de pitié, mais il aurait préféré se retrouver avec n’importe qui d’autre que la peste de Zemlya. La connaissant, elle allait tenter de lui soutirer ses notes de cours et lui demander de faire ses devoirs à sa place. Sauf que le prince avait le sens du mérite, et que personne d’autre n’aurait des résultats pour lesquels il avait travaillé. Une liasse de parchemins sous le bras, il poussa la porte de la bibliothèque et vit rapidement sa cliente du jour, assise à une table près d’une fenêtre. Affichant un visage neutre, ni ravi ni irrité, il posa ses affaires devant elle et tira la chaise pour s’y asseoir. Salut, je suis Dimitri, ton professeur particulier. Il tendit une main sans s’attendre à ce qu’elle la serre en retour puis étala entre eux un parchemin qu’elle devrait reconnaître : son devoir lamentable. Notre professeur pense que tu es douée mais que tu as eu un relâchement récemment. Moi, je sais que ce devoir représente ton niveau en général et que tes notes précédentes n’ont pas été gagnées par tes efforts personnels. De ce fait, nous allons devoir tout reprendre à la base, ce qui sera long, douloureux et laborieux. Il soupira, envisageant déjà le nombre de séances qu’il leur faudrait pour parcourir toute la matière. Lui avait facile dans ce cours : son statut de prince faisait qu’il avait reçu une éducation politique et géographique toute son enfance durant, mais elle ne semblait avoir aucune base. Oui ça leur prendrait du temps…

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Depuis le début de l'année, il était correct de dire que les gens le traitaient sans cesse de geek, lui qui délaissait ses amis pour se plonger dans le travail. Ses notes déjà correctes étaient montées en flèche, ce qui lui avait souvent valu les félicitations des professeurs et les moqueries de ses camarades. Certains pensaient qu'il trichait, lui leur conseillait de le faire pour tenter de le rattraper. Il se concentrait beaucoup sur ses DURMS pour oublier ses vacances catastrophiques et la perte qu'il avait subie. Personne ne le comprenait, personne n'essayait de savoir pourquoi il mettait tout de côté. En fait, personne ne semblait vraiment atteint par sa décision de se retirer dans son coin. Il fallait croire qu'ils ne tenaient pas réellement à lui, ou peut-être qu'ils tenaient justement assez à lui que pour lui laisser l'espace qu'il réclamait silencieusement. Ironiquement, il savait que s'ils étaient au courant de son titre, ils le colleraient à longueur de journée...

Dimitri ne fut guère étonné de voir Zora fixer sa main sans la serrer et la baissa sans émotion. En fait, ça l'arrangeait : il n'avait plus touché la peau d'une fille, même simplement pour serrer une main, depuis la mort de Mira. Il n'avait plus embrassé sa mère ni ne faisait la bise à celle de son ami chez qui il avait passé le reste des vacances. Il ne s'en sentait pas encore capable et aurait l'impression de trahir son amie, de l'oublier. Il esquissa un sourire quand Zora répliqua qu'elle était capable d'avoir des bonnes notes. Ah vraiment ? En ce cas, il se demandait pourquoi elle ne travaillait pas elle-même, ce qui serait bien plus gratifiant pour elle. Une source de fierté personnelle. Si elle passait sa vie à laisser les autres travailler pour elle, elle n'aurait aucun mérite. Et comment ferait-elle le jour où on lui demanderait de se débrouiller seule ? Elle n'irait pas loin dans la vie si elle continuait comme ça... Dimitri hésita à lui faire part de ces pensées mais Zora lui coupa l'herbe sous le pied en reprenant la parole. Il souffla un rire bref face à l'accusation venant de quelqu'un qui ne le connaissait pas. Disons qu'au moins j'aurai un avenir, à défaut d'avoir un présent. Cette petite pique, lancée d'un ton tout à fait calme et naturel, il n'était pas sûr que Zora la comprenne pour ce qu'elle était : un signe qu'il lui était et lui serait supérieur. Parce qu'il était prince et intelligent.

Dépliant quelques parchemins, Dimitri commença son cours par la politique de la Bulgarie, ne s'étonnant nullement de ne pas voir Zora prendre des notes. En fait, elle regardait par la fenêtre et n'écoutait rien de ce qu'il disait, mais il poursuivit inlassablement. Après tout, lui faisait ce qu'on lui demandait, le reste ne le concernait pas. Si Zora ne remontait pas sa moyenne, ce ne serait pas lui qu'on engueulerait, mais elle. À lui on s'excuserait de lui avoir fait perdre son temps et il hocherait humblement la tête en disant que ce n'était rien. Il s'imaginait cette scène en récitant les noms de grands politiques quand Zora l'interrompit. Elle lui avoua n'avoir rien écouté, mettant la faute sur lui. Il s'apprêtait à recommencer quand elle reposa le regard sur la fenêtre, ce qui fit penser au prince que, la prochaine fois, ce serait lui qui choisirait leur table. Imperturbable, il leva sa baguette et fit tomber un rideau opaque devant la fenêtre, bloquant la vue. Ce n'est pas grave, je vais reprendre. J'ai tout mon temps. Lui qui avait pensé finir un peu plus tôt pour laisser la jeune fille assister à la fin de son entraînement changea vite d'avis et afficha un sourire éclatant. S'éclaircissant la gorge, il reprit son cours au début. La Bulgarie est donc une République du côté moldu, dirigée par une femme du nom de Anna Romicov. Par contre, du côté sorcier, le Ministre est Borislav Lazarov... Il parla pendant près d'une minute sans s'arrêter puis posa les yeux sur le visage de Zora, tentant de percevoir si elle suivait ou faisait semblant.

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Des blagues, cela faisait longtemps qu'il n'en avait plus faites à ses amis, et il fallait dire que ça lui manquait. Peut-être était-ce pour ça que, en se rendant compte que son étudiante ne l'écoutait pas, il avait introduit un cours tout à fait différent ? Oh il savait bien que la demoiselle n'était pas de celles dont on pouvait se moquer impunément mais que risquait-il ? Elle ne pouvait rien lui faire et, après toutes ces semaines à se morfondre, il avait bien besoin de rire un peu. Avant, il aimait bien blaguer de temps en temps, embêter son frère ou ses amis et rire avec eux. Mais maintenant, avec qui aurait-il pu le faire ? Il ne voyait plus sa famille et s'éloignait de ses amis un peu plus chaque jour. Ca lui manquait un peu, mais il était bien trop fier que pour faire le premier pas vers ces gens qu'il avait laissés derrière lui et qui ne faisaient rien pour s'approcher de lui. Alors il avait profité de l'occasion pour se moquer de cette jeune fille arrogante et insolente. Au moins, à l'avenir, elle se concentrera peut-être un peu plus sur ce qu'il lui disait que sur ce qu'il se passait dehors ?

Dimitri parla pendant un petit moment avant que Zora ne réalise qu'il ne lui donnait pas le bon cours. Il s'était attendu à ce qu'elle s'en rende compte plus tôt, mais elle était tellement peu concentrée qu'elle le laissa déblatérer des informations inutiles pendant... au moins trois minutes ! Quand elle l'interrompit, elle s'énerva presque sur lui, pensant probablement être tombée sur le pire professeur particulier qu'on aurait pu lui coller. Retenant un sourire amusé, il la regarda droit dans les yeux avec le plus grand sérieux. Et bien il t'a fallu le temps ! La prochaine fois, écoute-moi dès le début, d'accord ? Il hocha la tête comme pour se répondre à lui-même et baissa la tête vers ses parchemins. Il roula le devoir de Zora pour le ranger - il lui était tout à fait inutile à présent - et sorti à la place des plans indiquant les plus importantes civilisations magiques dans le monde. Il allait reprendre avec cette fois la bonne matière quand Zora lui demanda s'ils avaient un cours sur la politique moldue. Pas en cinquième, mais il y a le cours de Géopolitique en septième année et je suppose que le prof fera une comparaison des systèmes moldus et magiques. Il haussa les épaules, ne sachant pas trop quoi ajouter. Il n'avait pas encore eu ce cours et ne le prendrait probablement pas au vu de son bagage déjà bien rempli sur la matière.

Dimitri fronça les sourcils en relevant la tête vers Zora. Il allait un peu dévier du cours mais, en soi, ils avaient encore près de deux heures avant le repas et pourraient encore travailler après, donc perdre cinq minutes n'était pas dramatique pour lui. Tu t'intéresses aux moldus, toi ? Il tenta de masquer son scepticisme derrière un sourire curieux. Connaissant la réputation de la jeune fille, il ne s'était aucunement attendu à ce que le monde dénué de magique l'intéresse. Lui-même ne prêtait qu'une attention minime à cet univers et n'avait appris leur vocabulaire (téléphone, ordinateur, voiture...) que grâce à Mira qui était née de parents moldus. Sans elle, il n'aurait peut-être jamais su à quoi servait une machine à lessiver ou internet, ce terme abstrait dont il n'a toujours pas compris les subtilités. S'appuyant contre le dossier de sa chaise, il se détendit un peu et plaça son pied gauche sur son genoux droit en glissant une main dans ses mèches blond foncé. Tu dois aimer le cours d'Êtres Inférieurs alors, non ? Lui détestait ce cours, déjà parce qu'il ne considérait pas les créatures comme inférieures, mais surtout parce que jamais il n'y aurait inclus un chapitre sur les moldus. C'était tellement prétentieux, même pour Durmstrang !

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Jamais il n'aurait cru être du même avis qu'une fille comme elle, une sang pur qui semblait mépriser tout le monde hormis sa petite personne et donc la réputation n'était pas faite de fleurs et de licornes. Elle avait des esclaves dans toutes les années, se servait de son nom pour utiliser les autres et n'hésitait pas à rabaisser publiquement les gens pour montrer sa supériorité. Lui, il était supérieur, c'était une question de titre et de naissance, mais personne ne le savait, parce qu'il ne voulait pas que les gens lui lèchent les bottes à cause de ça. Il ne savait pas pourquoi ses aînés avaient gardé le silence, mais ça l'avait bien arrangé et il avait continué à marcher dans leurs pas. Ils sont tous les deux semblables dans le sens où ils ne s'intéressent pas aux gens qui leurs sont inférieurs, la majeure différence résidant dans le fait que lui ne voyait pas d'intérêt à harceler les gens, à se servir d'eux et à se salir en traînant avec des gens indignes de lui. Elle, elle était réputée pour ses paroles fleuries et ses humiliations publiques. Ils étaient si différents, et pourtant ils s'accordaient sur une chose : ils ne pensaient pas que les moldus en général étaient inférieurs aux sorciers.

Dimitri ne pu s'empêcher de rire quand Zora lui reprocha sa blague. Cette fille l'amusait de plus en plus, surtout quand elle s'énervait et tentait de poser de l'autorité. Elle ne savait pas qui il était, ce n'était pas de sa faute si elle ignorait que personne ne pouvait le faire obéir. S'il voulait la faire un peu rager, elle ne pourrait pas l'en empêcher. Affichant son sourire arrogant, il attrapa une plume qu'il fit passer entre ses doigts. Aujourd'hui je ne suis pas un intello, je suis ton prof, et j'applique les méthodes que je veux pour te faire écouter, d'accord ? Il hocha la tête pour sceller cette partie de la conversation et embraya sur le "tu aimes les moldus". Il s'attendait à ce qu'elle réponde oui à la question sur le cours des Êtres Inférieurs mais, au contraire, elle s'emporta, affirmant d'une voix forte tout ce que lui pensait tout bas. Quand elle s'arrêta, Dim la dévisagea un instant sans rien dire, trop surpris que leurs avis convergent sur ce point que pour réagir du tac au tac. Elle était impressionnée par la faculté des moldus de combler leur manque de magie, ça crevait les yeux, et c'était assez étonnant de sa part. Il aurait pensé qu'elle devait les mépriser, les considérer comme faibles, mais non. On est au moins d'accord sur un point. Il cligna des yeux et se redressa, posant ses deux pieds au sol.

Dimitri était sur le point d'approfondir la question des moldus quand Zora lui rappela pourquoi ils étaient là. Il hocha la tête et pointa sa plume sur les cartes qu'il avait sorties, énonçant plusieurs faits importants sur les différentes coutumes des civilisations, les écoles magiques, etc... Etant donné que c'était le premier cours, il n'alla pas dans les détails et n'effleura le sujet qu'en superficie pour ne pas perdre son élève ou pour, au contraire, lui donner la possibilité de montrer qu'elle en savait plus qu'il ne le pensait. Les minutes défilèrent et il levait régulièrement les yeux vers elle pour s'assurer qu'elle suivait. La luminosité changeait à mesure que le soleil baissait et un rayon vint toucher le visage de la jeune fille, la rendant littéralement rayonnante. Elle était jolie comme ça, son visage éclairé et dénué de sa méchanceté habituelle. Elle pourrait même être belle si de l'agacement et de l'ennui n'étiraient pas constamment ses traits. Peut-être que s'il la voyait sourire, il verrait sa beauté, mais cette fille ne savait que sourire avec insolence ou cruauté, pas de simple joie. Donc, nous, nous faisons partie de la civilisation slave. Depuis de nombreuses années, elle est sous l'emprise des Pozhiratelis et n'a donc pas une excellente réputation auprès des autres, ce qui se comprend un peu. Nous sommes associés à ces corbeaux et les gens généralisent souvent que slaves égalent Pozhiratelis. Nous nous étalons sur des pays tels que la Bulgarie, la Russie, la Biélorussie ou encore la Macédoine... Il s'interrompit pour lever les yeux vers l'horloge. Cela faisait presque une demi-heure qu'ils étaient là à bavasser. Tu suis toujours ou tu veux une pause ?

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Le harcèlement. Il n’avait jamais compris pourquoi les gens harcelaient les autres, quel plaisir on pouvait en tirer, quelle fierté on pouvait ressentir à rabaisser les autres. Il n’avait jamais fait une telle chose, préférait l’indifférence à l’humiliation et le mépris aux agressions verbales ou physiques. Les gens qui harcelaient, il ne les comprenait pas et, en général, s’appliquait à les éviter de son mieux. Il trouvait ça lâche de s’en prendre aux gens qui étaient plus faibles, simplement parce qu’ils n’avaient pas un tempérament assez fougueux ou parce qu’ils avaient un défaut physique. Parfois, on se faisait même harceler parce qu’on était intelligent et qu’on pouvait être utile à la soi-disant élite. Lui avait eu la chance de ne jamais être maltraité, peut-être grâce à son physique avantageux ou simplement parce qu’ils savait dire non avec le sourire, ce qui énervait les gens habitués à tout avoir. Et il aimait ça, ce pouvoir qu’il possédait de mettre les méchants en colère uniquement en leur souriant, en leur montrant qu’il n’avait pas peur d’eux. Ils ne pouvaient de toute façon pas l’atteindre ; il était prince. Un sourire arrogant et il voyait le rouge leur monter aux joues. Parce qu’il n’aimait pas le harcèlement, ne l’avait jamais compris ni subi. Il s’en tenait bien loin et ne se mêlait pas des affaires des autres, victimes ou bourreaux.

Dimitri pencha légèrement la tête quand Zora lui posa des questions, d’abord générales puis personnelles. Il ne voyait pas trop pourquoi elle voulait savoir s’il avait déjà quitté l’Europe mais, en y réfléchissant bien, il ne trouvait aucun préjudice qu’elle pouvait lui porter avec ces informations. Alors il répondit. Les autres écoles magiques n’ont pas été affectées par la petite guerre puisqu’elle s’est cantonnée à l’Europe. Enfin… Il y a peut-être Ilvermorny qui a été un peu touchée vu qu’on sait de source sûre que certains anglais s’étaient réfugiés en Amérique, mais maintenant que le dôme empêche les entrées et sorties de l’Europe, aucune école n’est plus impactée. Il marqua une pause, le temps de prendre une gorgée d’eau, puis répondit à la suite des questions de Zora. Du coup, en dehors de l’Europe, les gens continuent à vivre leur vie normalement. J’imagine que certains européens sont bloqués dehors et inversement, mais à part eux, tout le monde poursuit sa vie sans pouvoir rien faire pour nous. Et oui, j’ai déjà quitté l’Europe une fois avec mon père. Il ne lui donna pas plus d’informations, n’en voyant pas l’intérêt ni pour elle ni pour lui. À la place, il lui proposa une pause que la jeune fille accepta. Elle se leva et s’éloigna tandis que lui restait assis à leur table. Il sorti un livre de son sac mais n’eut le temps que de lire quelques lignes avant d’être dérangé par des voix.

Se tournant vers les nouveaux venus, Dimitri reconnut sans mal des joueurs de l’équipe de Quidditch de la maison Zemlya, ceux-là même qui s’entraînaient quelques instants plus tôt. Il chercha Zora du regard mais ne la vit nulle part et se demanda un instant si elle se cachait. Les autres parlaient clairement d’elle, l’accusant de ne pas avoir participé à l’entraînement. Il leva les yeux au ciel. Hé ! Si c’est Volchine que vous cherchez, elle a été réquisitionnée par Blue pour je-ne-sais-quoi. Je les ai vues partir vers le quatrième étage, ça doit être important. Il ne savait pas trop pourquoi il avait défendu et offert un alibi à Zora – parce qu’un rendez-vous avec la directrice adjointe était une bonne excuse, bien sûr – mais il avait sorti ça avant d’y réfléchir. Les visages des autres se rembrunirent et ils partirent en trainant des pieds, vexés de ne plus pouvoir s’en pendre à leur camarade. Aussitôt, Zora revint devant lui et l’accusa d’avoir placé leur rendez-vous à cette heure. C’est pas moi qui ai choisi, je te rappelle. Il soupira. Je pensais que vous étiez censés être tous gentils et tolérants à Zemlya, mais visiblement t’es pas la seule exception à la règle… Levant les yeux vers elle, il sourit pour faire passer sa critique et reprit son cours, s’attardant cette fois sur les pays d’Afrique et leur école Uagadou, puisque la jeune fille semblait s’intéresser au reste du monde.

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Selon les règles de l'école, les Zemlyas étaient des êtres patients, érudits, calmes, tolérants... les bisounours de l'Institut, en somme. Mais il y avait bien entendu des exceptions à toutes les règles, et la jeune fille qui lui faisait face en était une. Elle était rabaissante, insolente, crue, aimait harceler les autres... et la liste était encore longue. Mais il fallait avouer que même lui ne correspondait plus tellement à sa maison. Il était certes fier, mais où était passée sa loyauté ? Son imprévisibilité ? Pour le moment, il était plutôt lâche, faible, passif. Il repoussait presque tout le monde, ignorait ses aînés autant qu'ils l'ignoraient et ne ferait jamais le premier pas vers sa famille. Son père avait tué sa meilleure amie et tous trouvaient ça normal. C'était impardonnable, inexcusable et inhumain. Il ne pourrait plus jamais regarder son père et n'était pas sûr que les choses soient réparables entre lui et son frère. Mais, après tout, avait-il besoin d'eux ? Il était prince, Voda et très bon sorcier. Son seul problème était qu'il ne soutenait plus les Pozhiratelis et qu'une partie de lui lui avait été arrachée à la mort de sa meilleure amie.

Dimitri leva un sourcil amusé et sceptique quand Zora lui annonça être "gentille. Parfois. Avec certaines personnes". Pour le moment, elle n'avait pas montré ce trait de caractère et, de ce qu'il en savait de sa réputation, elle ne le montrait pas à beaucoup de monde. Son père, peut-être, voire le reste de sa famille, mais après ? Avait-elle des amis ? Un petit copain ? Des proches qui choisissaient d'être avec elle plutôt que se retrouver à côté d'elle dans un repas de famille ? Tu penses pouvoir l'être avec moi, par exemple ? Un coin de ses lèvres se souleva en un sourire malicieux tandis que ses doigts jouaient avec une plume. Il soutint son regard une seconde avant de commencer son cours, régulièrement interrompu par les questions de Zora. En aucun cas cela le dérangeait, car ça prouvait qu'elle l'écoutait et, mieux, qu'elle s'intéressait. Était-ce parce qu'elle était seule face à son "prof" ou parce qu'il était plus captivant que leur véritable professeur ? Ou peut-être que, sachant par expérience que les leçons des enseignants étaient ennuyeuses, il avait fait en sorte de rendre le cours plus attractif et intéressant ? Quoiqu'il en soit, le temps passa sans qu'il ne s'en rende réellement compte. Il parla des écoles magiques du monde entier, se lança dans des discours passionnés sur ces civilisations qu'il avait étudiées lors de son enfance avec son précepteur né-moldu.

Puis Zora l'interrompit d'un air horrifié et lui rappela le dîner. Dimitri leva les yeux vers l'horloge derrière la Zemlya et remarqua avec dépit que, en effet, ils avaient loupé le repas. Merde t'as raison... Je pensais pas qu'on s'amuserait au point de pas voir le temps défiler ! Il rit quelques secondes puis commença à ranger ses affaires, roulant ses parchemins et glissant ses plumes dans sa trousse. Je pense que si on passe en cuisine y a moyen qu'on trouve quelques restes, ça te tente ? Il se leva, plia sa veste et la plaça sur son bras gauche tandis qu'il glissait son sac sur son épaule droite. Lui aussi regrettait de ne pas avoir participé au repas mais, en même temps, était soulagé de ne pas avoir eu à croiser ses "amis" ou Connor. Même Demetria lui faisait de la peine en l'ignorant en public et en lui parlant quand ils étaient seuls. Ils étaient frère et soeur, ils ne devraient pas avoir à se cacher pour parler, mais pourtant la pression familiale les séparait et ça lui faisait de la peine. Il aimait sa soeur, avait été plus proche d'elle que de n'importe qui d'autre dans la famille, et même elle lui tournait officiellement le dos. Repoussant ces pensées, Dim afficha un sourire confiant. Je suis persuadé qu'on pourrait trouver de la tarte au potiron et du poulet fris et des pommes de terre et... Il fut interrompu par les grondements de son estomac.

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D'ordinaire, il aimait respecter les règles officielles, avait été élevé dans cette optique et exerçait ce devoir avec satisfaction. Il ne désobéissait jamais à ses supérieurs ou à ses parents - du moins jusqu'à l'été passé - respectait les couvres-feux, rendait ses devoirs en temps et en heure... Pourtant, de temps en temps, il aimait se servir des privilèges que lui accordaient son titre et son sang pour outrepasser ces règles. Car si les étudiants ne savaient pas qu'il était prince, tout le corps professoral était dans la confidence et certains favorisaient ses frères et lui, mais pas tous malheureusement. Les directeurs, notamment, ne leur accordaient aucun privilège et il ne ferait pas bon de se retrouver convoqué par l'un d'eux. Alors il espéra que, s'ils devaient tomber sur un professeur, ce ne serait ni le directeur, ni son adjointe. Quoique, avec la mission qui lui avait été confiée, peut-être parviendrait-il à plaider leur cause en usant de sa diplomatie naturelle ? Encore faudrait-il pour cela que sa camarade n'ouvre pas sa bouche, elle qui pouvait se montrer si insolente... Et si en plus elle balançait l'argument "mon père peut vous virer", ce serait eux qui pourraient faire leurs valises dans la minute !

Dimitri haussa les épaules quand Zora releva le fait qu'ils n'avaient pas le droit d'entrer dans les cuisines. Effectivement, c'était interdit, mais il s'y était déjà rendu deux ou trois fois et les cuisiniers ne l'avaient jamais balancé. En fait, ils l'accueillaient plutôt comme le prince qu'il était, le mettant parfois mal à l'aise avec leur générosité. Ce ne sera pas un problème, ne t'en fais pas. Et puis, si on se fait prendre, on dira que c'est ma faute. Oui, il serait bon prince et prendrait la responsabilité de cette infraction sur ses épaules. En tant que gentleman, ça lui semblait tout à fait normal et, de toute façon, c'était réellement lui qui lui proposait de se rendre en ce lieu interdit... Quand son ventre se mit à gronder, Dimitri regarda Zora d'un air embarrassé. Celle-ci repoussa ses craintes et tous deux se dirigèrent vers le rez-de-chaussée, puis vers les cuisines. Il entra en premier et lança un regard éloquent au personnel qui comprit qu'il ne fallait pas lui donner du "votre altesse" ce soir. Bonsoir messieurs. Navré de vous déranger alors que vous avez visiblement terminé votre journée, mais ma camarade et moi-même avons manqué l'heure du repas. Auriez-vous quelques restes à réchauffer pour nous, je vous prie ? Quand il mentionna Zora, Dim s'écarta pour que les cuisiniers la voient et ceux-ci regardèrent les étudiants d'un air surpris. Habitués de le voir venir avec Mira, ils devaient se demander pourquoi il se montrait avec une autre, ignorant probablement tout de son triste sort.

Mais les hommes ne posèrent aucune question et leur ordonnèrent de s'asseoir pendant qu'ils se mettaient à l'ouvrage. En quelques instants, des mets de toutes sortes s'étalaient devant eux, suffisamment pour nourrir une dizaine de personnes. Quand il venait avec Mira, les hommes se contentaient de leur proposer leurs plats préférés mais, ne connaissant pas les goûts de Zora, ils avaient sorti tout le menu du jour. Dim les remercia chaleureusement et remplit son assiette de poulet fris et de pommes de terre, se réservant deux morceaux de tarte au potiron pour le dessert. Zora et lui mangèrent en silence, trop affamés que pour songer à parler. Une fois leurs ventres remplis, ils restèrent assis un instant pendant que les cuisiniers débarrassaient. Merci messieurs, c'était excellent, comme toujours ! À présent nous allons vous laisser... enfin, si ma camarade ne s'endort pas ici. Dim rit doucement avant de se lever. Il contourna la table pour se poster à côté de Zora et tendit une main pour l'aider à se lever. Je te raccompagne à ta salle commune ? J'ai peur que tu ne t'endormes dans le parc si je te laisse seule. Et non, ce n'était nullement une tentative de drague moldue consistant à vouloir lui voler un baiser sur le pas de sa porte. Après tout, ils n'étaient même pas amis, juste une fille qui prenait des cours avec un mec et qui n'avaient pas vu le temps passer.

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Hormis celle de sa sœur, il n’avait plus touché la peau d’aucune fille depuis la mort de sa meilleure amie. Il n’avait plus rit avec une fille, n’avait plus regardé une fille dans les yeux plus de deux secondes, n’avait plus eu envie d’être en contact avec aucune d’entre elles. Elle lui manquait tellement qu’elle la retrouvait en chaque sourire féminin qu’il voyait, en chaque éclat de rire et dans toutes les chevelures noires sur lesquelles se posait son regard. Il la voyait partout, aussi préférait-il ne pas regarder. Il baissait les yeux, s’effaçait devant les filles, les fuyait comme la peste. Elles étaient dangereuses, un constant rappel de ce qu’il avait perdu, de ce qu’il n’aurait plus jamais. Et puis voilà que cette fille débarquait dans sa vie, qu’elle l’agaçait, le provoquait, qu’il la protégeait et riait avec elle. Elle était l’opposé de ce qu’il avait perdu, ne lui rappelait nullement celle qu’il aimait. Il n’avait pas mal en la regardant. C’est probablement pour cette raison qu’il lui a tendu la main, a fait le premier pas pour que leurs peaux se touchent, sans même avoir peur de retrouver la sensation qu’il avait quand il tenait les doigts de sa meilleure amie. Sans avoir peur que le vide dans sa poitrine se creuse encore plus.

Zora attrapa la main de Dimitri et tous deux se dirigèrent hors du château. Le couvre-feu venait de tomber, mais le prince ne s’en inquiéta nullement, sachant qu’il pourrait trouver une bonne excuse à leur retard. Le cour que leur avait programmé le professeur de Monde Magique et Civilisations avait tardé plus longtemps qu’ils ne l’auraient cru et donc ils étaient en retard, mais ça ne se reproduirait évidemment plus ! Dorénavant, ils prévoiraient ces séances pendant les week-ends ou lors d’heures de fourches qu’ils avaient en commun. Il fut interrompu dans ses réflexion par une question de Zora. Elle lui demandait ce qu’il savait des moldus et il faillit ne pas répondre. Les moldus lui rappelaient Mira, sa chère née-moldue qu’il aimait tant, qui lui avait fait découvrir tant de choses de son monde. Parler de ce qu’elle lui avait appris revenait à parler d’elle, et ça lui rappelait combien elle lui manquait. Je connais pas mal de choses sur eux, en fait. Ma meilleure amie était née-moldue donc je suis souvent allé chez elle et au final je pouvais m’infiltrer dans la société sans que personne ne me trouve bizarre. Ordinateur, voiture, téléphone, wifi, 4G,… tout ça n’avait plus aucun secret pour lui. Il connaissait même des groupes de musiques moldus, allait avec Mira voir des films moldus au cinéma. Si sa meilleure amie s’intéressait à la politique, il aurait probablement connu les noms de tous les grands dirigeants actuels.

Il faisait déjà presque noir dehors et l’air était frais. L’été était fini depuis quelques jours et la météo s’en ressentait déjà plus morose. Il pleuvait souvent, les températures baissaient et la nuit tombait beaucoup trop tôt au goût de Dimitri. Tu sembles t’intéresser beaucoup aux moldus, je me trompe ? Il lança un regard en coin à Zora, se demandant pourquoi elle lui posait ce genre de questions. Venant lui aussi d’une famille de sang purs, il savait bien que le sujet des moldus était tabou, qu’en parler revenait à s’intéresser et que s’intéresser revenait à devenir un traître à son sang. Ses parents n’abordaient jamais ce sujet ou seulement pour expliquer à leurs enfants en quoi les moldus sont mauvais, inutiles et indignes d’intérêt. J’imagine que ton père ne doit pas beaucoup te parler de cette sous-race inférieure à nous ? Il ponctua sa phrase d’un rire amer, supposant que le père de Zora devait ressembler au sien sur ce point. Intolérant, impitoyable, irrémédiablement assassin.

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Être de sang pur était déjà pour lui une contrainte suffisante. Ses parents prenaient toujours cette excuse pour lui dire qu'il ne fallait pas faire ça ou, au contraire, qu'il devait faire ci. Il n'avait pas le droit de parler aux nés-moldus autre que son précepteur. Il devait absolument étudier pour avoir des bonnes notes. Ajoutez à cela un haut rang social du côté du père et c'en était fini des petites libertés dont il aurait pu jouir. Parce qu'un prince ne pouvait décemment pas jouer dans la boue, il allait salir son pantalon en satin ! Par contre il pouvait apprendre à se tenir droit et à jouer du violon, dans le seul but d'impressionner leurs visiteurs éventuels. Quel amusement ! Il comprenait que la jeune fille vivait pareil que lui avec son père qui possédait un haut rang politique. Elle n'avait pas le droit à l'échec, devait être irréprochable pour ne pas entacher la réputation de son nom, ne pouvait décemment pas s'intéresser aux moldus. Car la curiosité était chez les gens comme eux une qualité qu'ils ne pouvaient se permettre de montrer en public. Si quelqu'un apprenait qu'ils avaient eu des amis moldus, qu'ils s'étaient infiltrés dans cette basse société par plaisir et non avec le but de les comprendre pour les détruire... c'en était fini de le crédibilité. Et ils en étaient tous les deux conscients ; encore fallait-il l'accepter.

Dim eut un regard en coin pour Zora quand elle mentionna son père. Il faillit lui répondre sur le même ton que le sien était prince, mais se retint de justesse. Il la connaissait de quelques heures seulement et savait qu'il ne fallait pas faire confiance à une Volchine. Déjà rien que cette conversation aurait été dangereuse s'il avait encore quelque chose à perdre. Après tout, qui lui disait qu'elle n'était pas en train de le manipuler pour le compte de son père ? Ou que Connor ne le lui a pas demandé ? Il secoua la tête en se rappelant l'hésitation avec laquelle elle lui avait parlé. Non, elle était sincère, ça crevait les yeux... Mais comment faire confiance quand même sa famille l'avait trahi ? Le mien est Pozhi aussi, tu sais. Il savait ce que c'était de savoir son père avec du sang sur les mains, de s'attendre à ce que sa colère se retourne contre lui parce qu'il avait perdu le sens de la retenue. Il avait tué sa meilleure amie, ne serait-il pas capable de le tuer lui aussi pour avoir abandonné le manoir ? Non, le renier et le déshériter était une punition suffisante aux yeux des Dragsa, mais Dimitri s'en fichait royalement. Si ce n'était pour son titre, il changerait de nom et couperait définitivement les ponts avec son meurtrier de père.

Un ange passa avant que Zora ne reprenne la parole, demandant à Dim s'il avait déjà vu un film. Il faillit rire, ne pouvant plus faire le compte tellement il avait vu des films. Des dizaines, voire des centaines peut-être ! Il aimait aller chez Mira pour les vacance,s passer un jour ou deux chez elle et regarder des films en mangeant des pop-corn jusqu'à plus faim. J'en ai vu des tonnes ! Et quelques séries aussi, même si on n'a pas eu l'occasion de toutes les finir avec mon amie. Il haussa les épaules comme pour dire "c'est pas grave, on les finira l'été prochain", même s'il savait bien qu'il ne pourrait plus regarder un seul épisode sans revoir son fantôme à côté de lui. Peut-être même ne serait-il plus capable de regarder un film sans penser à elle, sans que la douleur ne lui vrille l'estomac. Et tu connais l'Internet ? Un outil formidable ! Même pour nous, ça nous faciliterait la vie ! Oui, Dimitri disait "l'internet" comme les vieux moldus, sans même se rendre compte qu'il s'agissait d'un nom propre. Il se rappela la première fois que Mira lui avait mis les doigts sur le clavier et s'était moquée en le voyant taper avec méfiance et lenteur sur les touches. Il s'était demandé de quel genre de magie il s'agissait et elle avait rit. C'était de la technologie moldue, selon elle, juste de la science ! Mais Dim restait persuadé que c'était un sorcier qui avait créé cet outil pour aider les moldus.

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Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus rit de façon sincère. Depuis la mort de sa meilleure amie, il était devenu affable, morne et sans aucun plaisir dans la vie. Il ne riait pas, ne plaisantait pas, ne souriait que rarement avec conviction. Ce soir, il se laissait aller, oubliait son deuil le temps de quelques heures et... oui, il s'amusait. Il trouvait improbable que ça soit avec cette fille, dont la réputation ne la dépeignait pas comme une personne drôle ou simple, mais plutôt comme une séductrice arrogante et hautaine. Ou peut-être était-elle en train de le séduire et se jouer de lui sans qu'il le remarque ? Peut-être qu'elle se moquait de lui ? Mais il s'en fichait. Pour l'heure, il s'amusait, il riait, il parlait de choses intéressantes plutôt que de la politique et de tout ce qui avait à trait à son statut de prince. En ce moment, il n'était qu'un garçon qui parlait avec une fille et qui l'appréciait plus qu'il ne l'aurait cru. Car cette fille était belle, drôle et gentille, que son arrogance et sa cruauté n'étaient qu'un masque de société qu'elle semblait avoir retiré pour lui. À moins que ça ne soit l'inverse, qu'elle ait enfilé un masque de douceur pour le faire tomber dans sa toile et le dévorer telle une acromantule gestante. Il s'en fichait. Pour l'heure, elle le faisait sourire et c'était bien suffisant.

Apparemment, Zora ne connaissait pas les séries, que Dimitri préférait largement aux films. Elles faisaient durer le plaisir plus longtemps et sortaient plus régulièrement que les films qui pouvaient mettre plusieurs années à sortir le deuxième épisode. Il fallait alors re-regarder le premier pour espérer comprendre quelque chose au second. Pour les séries par contre, louper un épisode n'était pas très grave. C'est comme des films mais en plus court et beaucoup plus d'épisodes. Chaque épisode dure moins d'une heure et ils sont rassemblés en "saisons". J'en ai vu quelques unes qui étaient franchement pas mal, je pourrai te refiler les titres, si tu veux ? Il lui jeta un regard en coulisse, n'osant pas lui proposer de les regarder avec elle. Après tout, c'était quelque chose qu'il faisait avec Mira et il ne savait pas s'il serait capable de se replonger dans Game of Thrones ou Shadowhunters avec une autre personne, se battre pour savoir quel personnage est le meilleur et qui va gagner les combats... Il n'empêche que partager ça avec Zora pourrait lui faire du bien, l'aider dans son deuil et lui permettre de passer encore d'autres soirées à manger du pop-corn devant le beau visage de Daenaerys ou d'Isabelle.

Dimitri fronça les sourcils quand Zora le corrigea, pas certain qu'elle ait raison, mais pas totalement convaincu ne de pas avoir tort lui-même. Il laissa cependant tomber, se disant que l'existence d'un article devant le mot "internet" ou non ne changeait rien à la situation. Oui ! Les téléphones aussi sont géniaux ! J'ai hésité à demander à mon père de m'en offrir un il y a deux ans mais c'était peine perdue. Il déteste tellement les moldus que je n'aurais rien gagné à tenter ma chance. Il haussa les épaules, imaginant la correction qu'il aurait reçue pour avoir fait une telle demande. Mira avait d'ailleurs proposé de lui en donner un qu'il lui rembourserait par petites sommes, sans éveiller les soupçons de sa famille, mais il avait eu trop peur que son père ou Connor ne le trouve... Bon, on est arrivés chez toi ! déclara Dim alors qu'ils arrivaient en effet à la salle commune des Zemlya. C'est assez joli ! Je t'avoue ne m'être jamais autant approché de votre entrée... Il regarda en détails l'entrée de la salle commune, gagnant du temps pour ne pas avoir à dire au revoir trop vite. Il en était le premier surpris, mais il appréciait la compagnie de Zora et n'avait pas grande hâte à retourner dans sa salle commune avec ses aînés et sa mauvaise humeur qui lui collait à la peau.

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De ce qu'il en savait, la technologie moldue ne fonctionnait pas dans l'enceinte des écoles de sorcellerie, Durmstrang y compris. Certains des sortilèges de protections brouillaient les signaux, rendant le réseau impossible à capter dans la propriété. S'il trouvait ça bien dommage, il avait finit par se faire à l'idée et profitait de ses vacances pour surfer sur le net en cachette de ses parents. À présent, il n'aurait plus besoin de se cacher et, même si cette idée aurait du le réjouir, il senti un pincement dans sa poitrine. Il ne regrettait pas du tout d'avoir quitté le manoir, savait que c'était la seule solution pour éviter de s'en prendre à son père. Pourtant, il lui arrivait de se sentir nostalgique, de ressentir le manque de sa famille plus qu'il ne l'aurait cru en bouclant ses valises. Après tout, il avait l'habitude de ne voir ses parents que rarement à cause des cours, mais cette fois, c'était différent. Définitif. Et oui, ça lui faisait un peu mal, lui qui était parti sans se retourner et serait bien trop fier que pour retourner chez lui. Il n'en avait aucune envie, du reste, refusait de voir le visage de son père, de l'imaginer tuer sa meilleure amie d'un coup de baguette négligeant et méprisant.

Quand Zora lui demanda si il pensait qu'un ordinateur fonctionnerait à Durmstrang, Dimitri lui fit une grimace désolée. Non je pense pas. Mais on pourrait... Il s'interrompit, réalisant que proposer à la jeune fille de se retrouver pendant les vacances était impossible. Jamais sa famille n'accepterait qu'elle traîne avec lui, tant son nom devait avoir été sali par son père. On pourrait se faire envoyer des livres qui parlent des séries. Je sais que c'est pas pareil mais c'est déjà ça ! Il haussa les épaules face à ce compromis bien peu excitant. Même si il aimait lire, il préférait de loin regarder les séries, voir les acteurs dans la peau des personnages et interpréter les actions décidées par l'auteur des romans. Malheureusement, à moins d'inviter Zora chez son ami, ils n'auraient pas l'occasion de regarder ces séries ensemble. Or, il s'imposait déjà dans un foyer et ne voulait pas en plus déranger les parents de son ami en invitant d'autres personnes. Faire profil bas, aider au ménage et ne pas poser de problème était le mode de vie qu'il avait décidé d'adopter pour rester chez eux jusqu'à ce qu'il soit en âge d'avoir son propre chez lui, à défaut de pouvoir habiter au manoir comme tous les Dragsa.

Dimitri ne releva pas quand Zora parla des intérêts qu'elle pouvait trouver aux salles communes des autres maisons. Il savait qu'elle était une séductrice et était sortie avec la moitié de l'école, il comprit donc aisément de quoi elle parlait. Il réalisa soudain qu'elle était déjà probablement entrée dans sa salle commune, peut-être même qu'il l'y avait croisée sans s'en rendre compte. Dorénavant, il scruterait chaque visage au sein de ses quartiers, histoire de ne pas se faire surprendre par cette Zemlya... Avant de le quitter, Zora demanda à Dimitri quand il lui donnerait le prochain cours. Étonné de son investissement, il passa une main dans ses cheveux en réfléchissant. Hum... Samedi, ça te va ? En début d'après-midi, ou plus tard selon tes horaires d'entrainement de Quidditch. Il ne voulait plus prendre le risque de l'empêcher de s'entraîner, voyant les répercussions sur l'équipe et les vilenies qu'ils étaient capables de proférer à son encontre. Et il allait également éviter les heures proches des repas afin de ne plus les louper, ayant compris que la nourriture était sacrée pour son élève.

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