L'amitié est une douce responsabilité, jamais une opportunité 

Dernière semaine de septembre. Le mois était passé à une vitesse. Il avait également eu son lot d’imprévus. J’espérais que les mois à venir allaient être plus calmes. Dans un premier temps j’avais dû gérer mon retour. Ça n’avait pas été forcément évident, malgré le soutien que je pouvais trouver à l’école, de reprendre ma place après ce qui s’était passé. Par ailleurs ma nouvelle condition était source d’un stress immense. Je n’avais eu que deux mois pour m’habituer et j’étais bien content qu’Emily soit notre infirmière car j’avais été plus d’une fois attiré par l’odeur du sang. J’avais évité au maximum de me retrouver avec les élèves. J’avais adapté mes cours pour laisser les élèves en autonomie. Je sautais quelques repas dans la salle à manger. Je ne recevais pas mes élèves seuls dans mon bureau. Enfin j’avais dû faire une exception mais c’était bien parce que la bibliothécaire s’était montrée insistante. J’espérais pourtant m’habituer rapidement pour pouvoir reprendre toutes ses activités comme elles se déroulaient avant. Fort heureusement Emily était d’un grand soutien et je restais lucide la majorité du temps afin de partir à temps. Dans un second temps nous avions dû faire face aux résultats des différentes vagues. Élèves disparus et leurs amis qui devaient faire face. Élèves orphelins que nous devions cacher sous les yeux des Pozhiratelis. Autant dire nous marchions continuellement sur des œufs. Une simple gaffe et tout cet équilibre pouvait s’effondrer. Nous n’étions ainsi que deux à avoir accès aux vrais dossiers des élèves. Dans un troisième temps nous avions vu les problèmes habituels d’un début d’année normal. Professeurs à remplacer, élèves qui faisaient la loi. Pas grand-chose en soi, mais cela rajoutait un poids à ce début d’année compliqué.

Lundi matin. Je n’avais pas cours et Maddison non plus. Cette particularité d’emploi du temps n’avait pas été laissée au hasard. C’était l’occasion parfaite pour nous deux de nous entretenir sans éveiller les soupçons et surtout à un moment où les professeurs Pozhiratelis faisaient classe. C’était la première fois de l’année que nous utilisions ce créneau. Pour le moment nous n’avions discuté qu’au milieu des autres pendant les repas ou par courrier en cas de sujet plus personnel. J’avais notamment bien dû la remercier de m’avoir permis de revenir et la prévenir également de mon « état », mais le reste du temps il était préférable de ne pas attirer l’attention. La réunion plus ou moins secrète du jour portait sur les élèves né-moldus. Il y avait tant à dire et le sujet était tellement brulant que je n’étais pas certain qu’une seule matinée suffirait.

Neuf heures trente. Je quittais Emily pour rejoindre Maddison dans son bureau. J’avais fait venir un petit déjeuner dans mes appartements ce matin afin de le transportait dans le bureau. Je ne savais pas si Maddison avait déjà mangé, je me doutais aussi que la conversation allait rapidement me couter l’appétit, mais il valait mieux prévenir que guérir. Je toquais à sa porte avant d’être invité à entrer. Elle était installée sur son canapé et la table basse était déjà remplie de dossiers. Même si la situation ne le prêter pas, je lui fis un discret sourire avant de poser la nourriture sur son bureau.


Je pris ensuite place à l’autre bout du canapé. Depuis le temps que nous nous connaissions je n’estimais pas avoir besoin de lui demander cette autorisation-là. Préférant détacher mon regard des dossiers je tournais ma tête vers elle.


Quel mois, c’était le cas de le dire.

( Pando )

J’étais content que cette petite intention se révèle utile. Parfois il n’y avait pas besoin de grand-chose pour faire plaisir aux autres. Il suffisait d’être à l’écoute et les besoins devenaient vite évidents. Je n’avais pas croisé Maddison de la matinée, je n’avais donc aucune idée si elle avait déjeuné ou non, mais il m’avait semblé pertinent d’apporter quelque chose. Ne serait-ce que si l’on m’avait aperçu en entrant dans le bureau. Le voyeur n’aurait pas pu être certain de nos intentions. Bien moins en tout cas que si j’avais ramené une pile de dossiers avec moi.

Demander à quelqu’un comment il allait. C’était anodin pour certains. Parfois c’était même juste une habitude dont la réponse importée peut. Puis il était difficile de répondre honnêtement à la question. Les gens ne voulaient pas déranger, ils ne voulaient pas donner l’impression qu’ils ne faisaient que se plaindre. Pourtant je jugeais la question importante. Il était bien beau de monter des plans ou de discuter de sujets importants, si la personne en face ne se sentait pas bien et n’osait pas en parler, la discussion resterait superficielle et n’aurait pas le même impact. Ce n’était clairement pas une perte de temps, surtout en cette période. Il était tout à fait normal de ne pas se sentir à l’aise. Je voyais dans le regard de Maddison que les dossiers en face d’elle la touchaient. Si elle désirait parler de cela avant d’aborder clairement le sujet du jour il était nécessaire que je sois à l’écoute. De la même manière je me devais d’être transparent sur le sentiment que me provoquait ce sujet.

J’écoutais ainsi Maddison attentivement. J’étais bien content de savoir qu’elle renouait avec certaines personnes. Je trouvais qu’il était très important d’être bien entouré. Pour ma part si je n’avais pas cette seconde famille, ou plutôt ma véritable famille, je n’aurais pas pu m’en sortir.


Personne n’avait le monopole du malheur. Certains avaient certes été touchés frontalement, mais les évènements n’avaient pas pu laisser indifférent et d’autres été touchés plus en profondeur, au niveau des convictions et des sentiments. Ceci pour dire que je n’avais pas à me plaindre plus que d’autres. Après tout j’étais sur pied, j’avais pu reprendre mon poste, je n’avais pas eu de souci me concernant directement. La seule chose qui me préoccupait réellement était que j’avais depuis quelques mois la posture de celui qui doit faire ses preuves alors que je l’avais déjà fait il y a longtemps. Tout était à refaire.

Je tirais un dossier vers moi. Le nom m’était inconnu. Sans doute un élève qui arriverait un jour à Beauxbâtons, du moins si le monde ne sombrait pas encore plus. Toutes ces vies gâchées, il y avait de quoi en être malade.


Le sujet me touchait au plus profond de mon être. Je n’étais plus sûr d’avoir réellement envie d’ouvrir la boite de Pandore. Parfois il était plus facile de rester dans l’ignorance. Pourtant ce n’était pas digne.

( Pando )

La tâche du jour n’était réjouissante pour personne. Il était difficile dans ce cas de mettre l’affect totalement de côté. La situation était bien trop grave et les dommages bien trop importants. Maddison ne semblait pas forcément plus détachée que moi. Bien sûr notre sentiment ne devait pas être exactement le même, les retombées de cette histoire avaient été différentes pour chacun de nous. Tout de même, nous avions face à nous la preuve d’une injustice qui nous dépassait. Il était impossible de rester indifférent.

J’évite un instant le regard de Maddison. Sans doute par crainte de faire déjà dévier le sujet sur ma personne. Nous savons tous les deux que dans l’ordre des choses je ne devrais pas être dans ce bureau. Emily a réglé le premier problème, une poignée de personnes importantes ont réglé l’histoire de mon sang et malgré tout Maddison a accepté que je garde mes fonctions. Cela me suffit-il pour me sentir à ma place ? Clairement non. Je devrais être satisfait simplement pour rendre hommage à ces personnes qui m’ont soutenu et à celles qui n’ont pas eu la même chance que moi. Je suis reconnaissant sans contester, mais je me sens tout de même isoler. Ils n’ont pas eu à mentir sur leur sang comme si c’était la seule chose qui faisait leur identité.

Je croise finalement le regard de Maddison. Un étudiant en particulier. Je pense en effet à cette jeune fille mais je ne suis pas certain que la situation soit directement en rapport avec ce qu’elle me demande.


Je fais alors glisser quelques dossiers à la recherche du nom Beaumont. Je me sens mal à l’aise de fouiller comme cela dans la vie de nos étudiants. J’imagine sans doute trouver mon nom et c’est dérangeant. Ceci dit il est nécessaire de faire cette démarche pour nous adapter à eux et mieux les comprendre. Concernant la jeune fille, je n’ai su trouver le temps de jeter un coup d’œil de ce côté-là mais autant commencer quelque part et en quelque sorte en douceur. En douceur. Tout dépendant de nos sensibilités. À moins que Maddison ait en tête un cas plus urgent. Après tout, mon enquête avait attendu une semaine, elle pouvait encore être repoussée.

( Pando )

J’arrête de fouiller les dossiers pour écouter sa réponse. Pas de cas non plus du côté de Maddison. Les étudiants se faisaient réellement discrets. C’était bien la preuve que les jeunes n’avaient pas besoin de longs discours sur les tenants et les aboutissants de cette crise. Ils n’avaient pas eu de mal à saisir la gravité de la situation et le fait que même ici, lieu où ils étaient censés être en sécurité, il y avait des corbeaux prêts à trouver la moindre de faille. Après tout, les nouvelles recrues au sein du professorat n’avaient laissé de doute à personne quant à leur camp.

En revanche je ne percevais pas exactement ce qui chagrinait Maddison. La situation en elle-même était assez évidente. Ce chaos était affligeant. Mais j’avais cette impression qu’elle pensait à quelque chose en particulier, notamment dans la construction de sa phrase. Était-elle peinée par l’absence de cas parce que cela révélait un manque de confiance à notre égard. Ou encore l’absence de compétences de distinguer tous les signes. C’était peut-être bien en lien avec notre façon de gérer la situation. Je ressentais moi-même ce sentiment d’impuissance. La situation dépassait largement nos moyens et c’était difficile à accepter. Puis on ne pouvait pas se permettre de creuser frontalement pour ne pas mettre en danger nos élèves. Il fallait agir avec minutie et donc lentement. Peut-être qu’au fil du temps nous aurions plus de cas en tête. Était-elle peinée par la résilience de nos élèves. Celle de ne pas faire de vagues car c’était bien trop dangereux. Celle tout simplement d’accepter de se cacher. Avaient-ils d’autres choix. Malheureusement je ne le pensais pas. C’était le choix que j’avais moi-même fait en quelque sorte.


Maddison était maintenant debout face au bureau. J’aurais pu la rejoindre mais j’étais plus préoccupé par ses mots et par la tension que je sentais émaner d’elle.


Mon ton n’était pas incriminant. Bien au contraire même. Question relativement ouverte pour ne pas la restreindre dans sa pensée. Tout était bon à dire. Si nous n’étions pas au clair avec les sentiments de l’autre nous ne pourrions pas changer grand-chose pour nos élèves.

( Pando )

Le temps semblait étiré entre ma question et la réponse de Maddison. Elle prenait son temps pour répondre. Elle cherchait sans doute les mots justes ou alors elle voulait gagner un peu de temps. Ceci dit, elle pouvait tout me dire. Je n’allais certainement pas la juger. Je préférais avant tout comprendre les gens. Puis selon moins il n’y avait pas forcément les bons et les mauvais avis. C’était au final assez personnel. Oh bien sûr parfois les bons avis d’un petit nombre apportaient du négatif sur le reste du monde. Il n’y avait qu’à voir l’œuvre des Pozhiratelis. Enfin je doutais fortement que Maddison adhère à ce genre de folie. J’apportais le café à mes lèvres. Brulant et très fort. Enfin ce goût très prononcé ne s’expliquait pas par la main lourde de la personne qui l’avait préparé. Même si ce n’était pas toujours agréable gustativement parlant, je préférais tout de même vivre à l’image de mon ancienne vie. Peut-être qu’avec le temps ce choix s’effacerait et je me contenterais uniquement de ce qui était nécessaire pour mon état. En attendant, je tâchais d’éveiller le moins de suspicions et de m’adapter à mon rythme.

J’écoute Maddison, je tâche de lire dans les blancs et je comprends mieux ce qu’elle voulait dire. Oh bien sûr je ne suis pas forcément d’accord avec tout. Disons que je ne perçois pas les choses exactement de la même manière. Mais j’arrive tout de même à suivre le fil de sa pensée. Si eux ne se battent pas qui le fera pour eux. Personne. Personne ne veut se mouiller, risquer sa vie, risquer la vie de sa famille alors que les concernés ont finalement décidé de se cacher. Personne ne veut risquer une autre vague de représailles alors que les né-moldus semblent avoir accepté l’anonymat pour leur survie. Mais quels autres choix avaient-ils. Aucun.

Je laisse à Maddison l’occasion de continuer car je sens qu’elle n’a pas pu tout déballer. Ce qu’elle dit est bien énigmatique d’ailleurs. Je ne suis pas certain de comprendre tout à fait où elle voulait en venir. Cela lui tient à cœur néanmoins. Je la vois se retourner. J’entends surtout son cœur s’emballer. Je me décide à me lever pour la rejoindre lorsque je la vois revenir sur le canapé. Cette rentrée est fatigante pour tout le monde et cela se voir réellement à cet instant.


Simple retour de point de vue. Il n’y a pas de reproche à déceler. Reprendre depuis le début me permet de réfléchir à la façon d’aborder ses derniers mots. Qui est le pantin dont elle parle ? Je ne vois personne parmi les influents de ce monde qui pourrait se voir attribuer ce qualificatif. Elle sait quelque chose que j’ignore et ce quelque chose est important pour elle.


Tous les sens dirigés vers mon amie, je me demande bien ce qu’elle va bien pouvoir me répondre.

( Pando )

J’entends d’abord son cœur s’accélérer avant de voir comme un frisson la parcourir. Qui est la personne à laquelle elle pense ? Qui peut provoquer chez elle de tels sentiments ? Je suis certes beaucoup plus sensible aux réactions, mais je ne peux pas lire dans les pensées. Ce serait parfois beaucoup plus simple. Ne plus voir d’ambigüité sur les paroles des uns, enfin entendre l’avis des autres. Mon rapport à l’humain serait toutefois totalement différent. Trop simple. Finalement, il me semble bien plus intéressant d’écouter et de lire entre les lignes que de se voir apporter la solution instantanément.

Je l’entends souffler un nom. J’ai l’impression de l’entendre résonner dans le bureau. Philipp. Philipp von Roppelt cela ne fait aucun doute. Le chef des Pozhiratelis. Si lui n’est pas responsable qui peut bien l’être. Mon regard trahit la surprise mais surtout l’incompréhension. Les Pozhiratelis ont étouffé l’Europe avec leurs vagues. Ils ont tué sans compter. Ils ont imposé leurs idées en enfermant ceux qui leur résistés. Et leur chef ne serait pas responsable ? Je repense aux mots que Maddison a prononcés plus tôt. Un pantin entre les mains d’un plus grand. Cela l’excuserait-il totalement ?


Je murmure à mon tour. Je sens un frisson me parcourir. Je vois défiler les derniers mois sous mes yeux. Lucas loin de son fils pour le protéger. L’apparition du dôme. Lucas loin de sa compagne parce qu’elle faisait partie de la Rébellion. Les né-moldus décimés. La peur d’être le prochain. Je n’avais pris aucune précaution. La question de mon sang ne se posait même pas chez la majorité des gens. J’avais continué de travailler pour veiller sur mes élèves sans que cela ne dérange. Mais les Pozhiratelis savaient. Jour après jour l’étau se refermait. Avril et sa décision difficile. Accepter mon sort ou accepter le destin qu’Emily me proposait. Puis l’attaque, la mort, le retour et l’été difficile. Les doutes sur ma capacité à reprendre mon poste après tout ça. Devoir expliquer mon retour après l’annonce de ma disparition. Avoir besoin du soutien des autres pour laisser penser que mon sang est mêlé. Les Pozhiratelis étaient la source de cet enchainement infernal.


J’ai retrouvé mon calme. Ma voix est de nouveau claire et posée. Je ne m’écarte même pas de Maddison. Pourquoi la juger comme une pestiférée alors qu’elle en sait visiblement plus que moi.


Qu’est-ce qui la lie à Philipp von Roppelt. Que signifiait l’accélération de son cœur.

( Pando )

C’était beaucoup trop d’informations pour moi. Ses paroles effondraient les bases sur lesquelles ma rancœur envers les Pozhiratelis était bâtie. Qu’allait-il rester de tout ça après cette conversation. Je l’ignorais encore. Du temps. Il me faudrait certainement du temps. Des preuves aussi. J’avais confiance en Maddison. Je savais qu’elle ne me mentirait pas. Encore moins sur un sujet qui me touchait personnellement. Et pourtant j’avais ce doute, était-elle manipulée. L’amour pouvait aveugler. Parce que c’était de ça qu’il s’agissait aussi. Je comprenais les battements accélérés de son cœur. Je comprenais son intérêt à savoir si je le croyais moi aussi responsable. Lorsqu’on aime quelqu’un on ne peut pas le croire capable de faire du mal, mais surtout on ne peut supporter la haine des autres à son égard, encore plus lorsqu’on est persuadé de son innocence. Qu’avais-je donc appris.

Premièrement elle n’avait jamais cru en sa culpabilité. Mais quelle culpabilité. À partir de quel moment il n’était plus responsable. À quel moment Philipp von Roppelt, le chef des Pozhiratelis, n’a plus été en mesure de contrôler les agissements de son groupe. Avait-il encore le contrôle de la situation au moment de gâcher la fin du tournoi et de renverser l’échiquier sur le territoire de notre école. Ou bien tout avait dégénéré après l’apparition du dôme.

Deuxièmement le nom d’Andreï Ivankov. Ce n’était pas la première fois que j’entendais parler de cet homme mais je ne le connaissais pas pour autant. Comme beaucoup de personnes il avait tiré le tiercé gagnant, sang-pur, riche et influent. Il devait certainement mépriser chaque personne qui n’avait pas eu la même chance au jeu que lui. Il devait sans aucun doute encore plus haïr les personnes comme moi de sang « impur » mais qui faisaient tout de même en sorte de gravir les échelons. Je n’étais pas surpris qu’un homme comme lui puisse commettre les actes perpétrés depuis décembre dernier. Les Pozhiratelis avaient un gros noyau de personnes comme Ivankov. Était-ce suffisant ceci dit pour le désigner comme la tête pensante. Maddison en était persuadée. Son ton suffisait à traduire tout ce qu’elle pensait de cet homme.

Troisièmement Kate Blue avait des preuves. Si je l’avais rencontré récemment. Effectivement je lui avais donné rendez-vous il y a moins d’un mois. Trois semaines plus tôt si mes souvenirs étaient exacts. Notre conversation n’avait pas porté sur le responsable de la situation, mais bien sur les conséquences. Nous avions certes parlé des moyens mis en place pour protéger les jeunes concernés par les vagues, mais surtout de moi. Elle avait fait parti de ces personnes qui avaient juré sur l’honneur, si je pouvais le dire ainsi, que mon sang était mêlé. Je devais la remercier pour cela. Ce genre de soutien m’avait permis de retrouver mon école sans créer de tollé. L’ordre du jour ne nous avait donc pas permis de nous étendre sur la culpabilité ou non de von Roppelt. Mais j’avais accordé ma confiance à madame Blue. Si deux femmes comme elles me disaient la même chose il devait bien avoir du vrai dans leurs propos.


Je tendis ma main pour toucher celles de Maddison serraient contre ses genoux. J’étais incapable de lui promettre plus. Je ressentais ses émotions et j’avais envie de la soutenir. C’était ce que faisaient les amis après tout. Pourtant j’avais du mal avec le mot victime. Je n’arrivais pas à le qualifier ainsi. Mais si elle disait vrai il en était une en effet. Pas de la même façon que les autres, mais qui étais-je pour dire que ce titre ne pouvait pas lui être accordé.


Je plongeais mon regard dans le sien. J’avais besoin d’une réponse pour savoir exactement où placer cet homme.

( Pando )

Est-ce parce que je commençais à ressentir de l’empathie pour von Roppelt que j’avais ce besoin de le ranger dans une case ? Il était certain que ce sentiment naissant n’était pas compatible avec l’image que je m’étais faite de lui, ni même avec les horreurs que je laissais sur ses épaules. Pour moi la fin du tournoi avait été le point de non-retour. Après cela les Pozhiratelis s’étaient sentis suffisamment puissants pour plonger le monde dans le chaos. Le responsable du tournant ne méritait pas mes bons sentiments. Il avait semé trop d’horreurs et avait même renversé le déroulement de ma vie.

D’après Maddison il n’était pas le grand coupable. Je n’oubliais pas qu’il faisait partie, ou même qu’il était le chef, d’un groupe qui ne prônait pas habituellement l’égalité entre les sorciers. Je ne disais pas qu’il était blanc comme neige. Il avait fait des choix qui n’étaient pas compatibles avec mes opinions et que je ne pouvais approuver. Pourtant il semblait important de revoir le jugement que j’avais sur lui. Si les preuves le confirmaient, il n’était pas le grand monstre. Pour lui cela ne changerait pas grand-chose, je ne comptais pas en faire mon ami, mais au moins je pourrais concentrer ma rancœur sur la bonne personne. Puis si dans le même temps Maddison pouvait trouver une autre personne en mesure de comprendre sa position ce n’était pas négligeable.


J’avais conscience qu’elle ne s’était pas essayée à un exercice évident. Elle avait pointé du doigt des vérités difficiles à aborder et à déconstruire. Si je n’avais pas besoin, pour avancer, de désigner une tête responsable du chaos je ne l’aurais sans doute pas écouté de la même manière. Si je n’avais aucune envie de moduler mon opinion je l’aurais ignoré, peu importe le nombre de preuves à l’appui. Il fallait du courage pour oser s’aventurer sans concession sur ce sujet, qui plus est, et elle devait en avoir conscience, me touchais particulièrement.


Je désignais les dossiers sur la table. Je ne me sentais pas forcément en pleine possession de mon esprit pour m’aventurer dans le malheur des autres. Je ne m’attendais pas à ce que la discussion dévie autant sur nos sentiments et l’impact que les vagues avaient eu sur notre propre vie. Enfin c’était un mal pour un bien, il me semblait compliqué de soutenir nos élèves si notre propre esprit était occupé autre part.

( Pando )

Maddison valida l’idée de remettre à plus tard le travail considérable qui nous attendait. Je partageais totalement l’état qu’elle décrivait. Je comprenais bien que mon amie avait dû rassembler du courage pour me décrire honnêtement la situation. De mon côté mes certitudes branlées complètement. Puis cela faisait aussi ressortir que ma vie était différente désormais. Je savais me contrôler suffisamment pour ne pas faire de mal aux étudiants, or, cette situation était tout de même difficile à vivre. J’étais bien heureux de pouvoir compter sur Maddison qui avait accepté de me garder comme adjoint malgré sa connaissance de mon nouvel état. Enfin, nous n’étions définitivement pas dans les bonnes conditions. Il était plus pertinent d’avoir une pleine concentration pour aider nos étudiants, ce qui n’était plus le cas aujourd’hui. Il était hors de question de bâcler ce travail.

Je levais les yeux vers Maddison et je ne pus retenir un sourire. Je ne pouvais pas dire que sa compagnie me dérangeait mais j’avais terriblement envie de retrouver Emily. C’était sans doute le contrecoup d’une émotion importante. Puis ce n’était pas comme si j’allais pouvoir profiter pleinement du déjeuner que j’avais apporté. Mes goûts étaient nettement différents à présent.


Je lui souris puis me levai. Une fois la poignée entre les mains je me retournai tout de même.


Je lui fis un dernier signe de main avant de sortir du bureau. Direction l’infirmerie pour soigner les petits tracas auprès de l’infirmière la plus qualifiée en la matière.

( Pando )