Regarde moi, souviens toi, regrette moi 

Lundi 2 novembre 2133

Cela fait trois jours que j'ai 26 ans, et je reçois encore des hiboux et des messages de personnes voulant me souhaiter un joyeux anniversaire, même en retard. Même si ce n'est pas grand chose, je dois avouer que cela me réchauffe un peu le cœur.
Ce début d'année n'a pas été facile, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Je ne vais pas mentionner les vagues de terreur, elles ont traumatisées bon nombre de gens. La prise de pouvoir par ces tortionnaires a changé la vie de bien des personnes. Certaines sont mortes. D'autres ont perdu des proches. D'autres ont perdu leur travail, leur vie, leur raison de vivre. Pour ma part, mon stage pour devenir Auror a finalement débouché sur un poste de Brigadière. Un métier fourre-tout. J'adore. Sans oublier bien sûr l'identité de mon patron. Derek Stark. C'était déjà mon supérieur lorsque j'étais en stage, mais à cette époque, tout était différent. Nous étions simplement tuteur et stagiaire. Passer par la case amants n'a pas été une bonne idée finalement. Ne jamais sortir avec ses collègues, j'aurais mieux fait de retenir cette règle. Que voulez vous, il m'avait tapé dans l'œil dès mon premier jour au Secrétariat. J'ai toujours aimé les hommes sombres et plus âgés. Derek remplissait les deux cases. Oui, je parle de lui au passé car il en fait partie. Tout allait bien entre nous, du moins c'était ce qu'il laissait paraître, quand du jour au lendemain, il a décidé de tout arrêter. Enfin, tout ça pour dire que septembre et octobre n'ont pas été les meilleurs mois de ma vie.
Alors quand ce collègue est passé à mon bureau ce matin pour me souhaiter un joyeux anniversaire, je dois avouer que j'étais plutôt contente. Pour moi, cela annonçait une belle journée. Et elle n'a pas été trop mal. Je n'ai pas eu trop de travail et je n'ai même pas pensé à Derek. Il faut dire que je ne l'ai pas vu de la journée, ça m'a aidé, je dois l'avouer. Mais alors, pourquoi autant penser à lui maintenant ? Et bien tout simplement parce qu'il se trouve à quelques centimètres à peine de moi, ma baguette très légèrement enfoncée au niveau de sa gorge.
Lorsque je réalise enfin la situation, je relâche immédiatement la pression et me recule d'un bond, d'un mètre environ. Mes yeux se baissent irrémédiablement vers le sol. Quelle idée aussi d'essayer de m'attraper par le bras dans une rue pareille. Ruelle plus sombre, tu meurs. Au moins, je ne l'ai pas tué, c'est le principal. C'est peut-être moi qui serais morte, tout bien considéré...
Enfin, nous ne sommes plus au Secrétariat, ma journée de travail est terminée et donc Derek n'est plus mon patron. Je ne vois donc pas ce qu'il peur me vouloir. Rien ne m'oblige donc à rester. J'hésite un instant, lève mes yeux vers lui et le regarde avant de tourner les talons. Déjà les battements de mon cœur s'accélèrent et je sens un pincement me tordre le ventre. Cette sensation si désagréable qui me prend dès que je me mets à penser à ce nous qui n'existe plus. Je n'ai pas le temps pour ça. Je n'ai plus le temps pour ça. Il m'a clairement fait comprendre qu'il n'avait plus rien à me dire. Pourquoi revenir maintenant ? Ma tête va exploser. J'ai tellement de questions, tellement de ressentiments, tellement de lui dans ma tête. C'est trop pour moi.

Lundi 2 novembre 2133

[...]

Entendre sa voix prononcer mon prénom me donne des frissons dans le creux de ma nuque. Je ne m'arrête pas pour autant. Il était avec Retrac. Ce n'est pas ce qui me gêne le plus. Il a eu d'autres femmes dans sa vie comme j'ai eu d'autres hommes... C'est la vie. Mais il ne m'en a jamais parlé et depuis que mon ancienne directrice est passée me voir, j'ai eu le temps de bien réfléchir à toute cette histoire. J'ai finalement compris que je n'avais été qu'un pion, un bouche-trou comme certains diraient. Ils se sentaient mal et j'étais là, sur son chemin. Il savait pertinemment que j'étais sensible à ses charmes et il s'en est servi. Mes dents se serrent. Les hommes. Tous les mêmes.
J'entends ses pas me suivre. Je le vois arriver à mon niveau mais je garde mes yeux fixés droit devant moi. Je ne céderai pas. Pas maintenant. Pas encore.

[...]

Il finit par s'arrêter. Mon visage se crispe et je sens que mes jambes se dérobent sous mon corps. Je ralentis et je finis par m'arrêter. Désormais immobile, je reste de dos. Je n'ai pas envie de le regarder. Entendre sa voix qui m'a si souvent fait rêver me donne désormais mal au cœur. Alors le voir, je ne saurais pas le supporter.
Mes lèvres restent scellées. Il veut parler. Qu'il parle. Je ne dirai rien.
Mon visage se baisse légèrement vers le bas et mes yeux se posent sur une tâche qu'il y a au sol. Probablement un vieux chewing-gum, décollé depuis ne temps. Je croise mes bras et attends. Je suis certaine que ce qu'il va me dire ne va rien arranger et pourtant je reste là. Il faut vraiment que j'apprenne à me détacher de cette emprise qu'il a sur moi. Le fait qu'il soit, en plus, mon patron ne doit rien arranger à ce sentiment que j'ai envers lui. Notre relation est plutôt ambiguë. Elle n'est même pas du tout saine à mon avis. De toutes manières, jai un talent pour trouver des hommes biens. Depuis mon arrivée à Poudlard, je les enchaîne.
Dès qu'il s'agit d'eux, je suis trop faible. Il faut que j'apprenne à me préserver et à rester à l'écart de ces êtres qui n'ont l'air d'être présents sur Terre que pour me faire du mal. Ou peut-être que c'est moi le problème. Je dois avoir quelque chose qui cloche... En réalité, je ne pense pas. Lorsque Retrac est venu me voir au Secrétariat, elle m'a quand même dit que Derek était toxique. Est-ce une bonne idée de m'arrêter pour l'écouter ?

Lundi 2 novembre 2133

[...]

Sa petite histoire semble sincère. En d'autres circonstances, je lui aurais probablement pardonné sans même me poser la question. Mais les circonstances sont telles qu'elles le sont actuellement et lui pardonner semble être hors de ma portée.
Si je résume bien ce qu'il vient de me dire, il s'excuse d'avoir eu une aventure avec moi. Il croyait, soi-disant, pouvoir me protéger, mais n'a pas réussi. Me protéger de quoi ? Je sais que Derek n'est pas un enfant de chœur, mais je ne suis pas non plus en sucre, et il est plutôt bien placé pour le savoir. Je souris doucement. En fait, il essaye simplement de camoufler le fait qu'il m'a trouvée bien utile lorsque Retrac n'était plus là et lorsque celle-ci est revenue, il a couru sous ses jupons. Je n'étais donc qu'une passade, un petit en-cas entre les repas. Finalement, si ça n'avait été que ça, je ne pense pas que je lui en aurais voulu à ce point. Je l'aurais eu mauvaise pendant un certain temps, c'est sûr. Mais ce qui me blesse le plus est qu'il m'ait caché des choses, et en plus de cela, il essaye maintenant de faire passer ça pour de la bienveillance. Si tu avais essayé de me faire d'une autre manière, je crois que tu aurais moins bien réussi.

(Anglais) - Je te pardonne, Derek.

Toujours dos à lui, je finis enfin par ranger ma baguette en la glissant dans la ceinture de mon pantalon. Je joins ensuite mes mains et prends une profonde inspiration. Lorsque j'expire, je relâche mes mains et les laisse tomber le long de mon corps tout en me retournant face à lui. Je plonge alors mes yeux dans les siens et penche légèrement ma tête sur le côté. Tic que j'ai souvent lorsque je réfléchis.

(Anglais) - C'est ce que tu aimerais que je dise, non ?

Ma question est rhétorique. Je ne laisse donc filer qu'une seconde avant de reprendre.

(Anglais) - Malheureusement, je ne suis pas sûre d'en être capable pour le moment. Ne t'en fais pas, ça n'impactera en rien mon travail au sein de la Brigade. Tu es mon patron après tout. Dès le départ, c'était une mauvaise idée. On a essayé. Non, pardon. J'ai essayé et ça n'a pas marché. C'est la vie. Je ne vais pas m'effondrer pour si peu.

J'amorce alors un mouvement de départ avant de me stopper. Presque de profil, je tourne de nouveau mon visage vers lui.

(Anglais) - Dans notre boulot, ça nous faciliterait quand même la vie d'avoir une entière confiance l'un en l'autre. J'espère que je n'ai rien fais pour ne pas mériter la tienne. C'est dommage que je ne puisse pas en dire autant pour toi.

Je finis par complètement me retourner et fais quelques pas avant de m'arrêter de nouveau.

(Anglais) - Ça m'aiderait si.. à l'avenir, on ne se cachait plus la vérité.

Car Derek a bien caché la vérité. Il ne m'a pas menti, non. Il ne m'a juste pas tout dit, et c'est suffisamment blessant comme cela.

Si jamais tu n'as plus l'inspiration, ou si Derek n'a rien à rajouter/répondre :