Va chercher [Aleksandra & Kathleen] 

En ce début de décembre, c'était l'effervescence au sein du Secrétariat. On préparait les célébrations de Noël et quelques matches de Quidditch, on surveillait les contrebandes de créatures magiques que les parents vaniteux désiraient offrir à leurs enfants capricieux... Tant de choses à gérer pour si peu de personnes. Kathleen, en tant que Secrétaire minutieuse, repassait derrière tout le monde, vérifiait chaque document, validait toutes les décisions, même si sa fille l'avait déjà fait plus tôt. Elena était une bonne adjointe, obéissante et douée pour son métier, mais Kathleen s'en méfiait tout de même. Elle connaissait sa fille et son goût pour la rébellion, savait que Seth avait tendance à avoir une mauvaise influence sur elle. Maintenant qu'ils habitaient ensemble, la Secrétaire était obligée de surveiller la jeune fille de plus près, mais elle était trop aveuglée par son pouvoir que pour remarquer la flamme qui s'était rallumée dans les prunelles glacées de la demoiselle.

Sortant de son bureau comme une tornade prête à tout saccager sur son passage, Kathleen fit claquer ses talons dans les couloirs, ramassant dans son sillage assistants et employés désireux d'obtenir sa signature sur un document ou son accord pour une décision. Sa robe flottant derrière elle à cause de son rythme rapide, elle agita la main pour éloigner quelques parasites, ne gardant auprès d'elle que Marie, son assistante personnelle, et George, son styliste pour les fêtes de fin d'année. Connaissant le batiment par coeur et certaine que les gens s'écarteront sur son chemin, elle avança avec la tête baissée sur des croquis pour des robes de cocktail, des échantillons de tissus, diverses dentelles et tout ce qu'il fallait pour lui faire faire une robe de Noël digne de la reine d'Europe.

Elle marqua une pause devant une salle de réunion d'où sortirent plusieurs personnes, des représentants des ministères. Kathleen posa son regard sur une femme qu'elle ne connaissait pas, une rouquine d'environ dix ans plus jeune qu'elle. Claquant des doigts dans sa direction pour attirer son attention, la Secrétaire lui passa commande : Vous ! Allez me chercher un latte avec deux sucres et une pointe de chantilly au café en bas de la rue. Habituée à ce qu'on lui obéisse sur-le-champ, Kathleen se détourna de la femme pour consulter le document que Marie lui tendait mais, voyant du coin de l'oeil que la rousse n'avait pas bougé, elle releva rapidement la tête. Tout de suite ! Mettant toute son autorité dans cet ordre, elle fusilla du regard l'impertinente, détaillant sa personne d'un air critique. Kathleen ne la reconnaissait pas, ce qui voulait soit dire que la femme était nouvelle, soit qu'elle occupait un poste assez minable que pour être honorée que la Secrétaire lui adresse la parole. Dans un cas comme dans l'autre, elle aurait du courir pour accéder à sa requête dans la minute, mais elle ne bougeait pas, ce qui perturbait énormément la blonde. Vous êtes sourde ou quoi ? Exécution ! Elle appuya son exclamation d'un claquement de doigts, espérant réveiller le bon sens de la femme.

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Peu habituée à ce qu'on ne lui obéisse pas au doigt et à l'oeil, Kathleen senti la moutarde lui monter au nez rapidement. Elle était débordée, avait trop de choses à faire que pour s'occuper de remettre à sa place une petite impertinente sans importance. Pourtant, l'employée ne bougeait toujours pas, et la Secrétaire avait une réputation à tenir : elle ne pouvait donc pas simplement se détourner et envoyer quelqu'un d'autre. Il fallait qu'elle montre l'exemple, qu'elle fasse passer l'envie aux autres d'imiter cette rebelle et, surtout, qu'elle leur prouve son autorité en la faisant craquer. Quand la rousse s'avança, pourtant, Kathleen comprit que la partie ne serait pas aussi facile que prévu. Sa réponse, provocante et insultante, fit tiquer Kathleen, qui plaça les paumes sur ses hanches, dominant l'autre de tout la hauteur de ses talons aiguilles. Les autres employés d'étaient écartés pour laisser autour d'elles un espace de sécurité, craignant de se prendre une balle perdue.

Un sourire faussement amusé étira les lèvres de Kathleen, qui décida de laisser une dernière chance à la femme qui osait la défier. Je crois que nous nous sommes mal comprises, madame... ? Elle attendit qu'elle lui donne son nom puis continua sur le même ton prétentieux et un brin moqueur. Je suis la Secrétaire Européenne Kathleen June Twarby. Je ne demande rien, j'exige, et vous autres exécutez sans discuter, compris ? Du doigt, elle désigna l'ensemble des personnes présentes autour d'elles, qui eurent toutes ou presque le réflexe de baisser les yeux. Ils savaient ce qui arrivait à ceux qui désobéissaient et tenaient à leur poste, contrairement à Miss Alinkov. Peu importait le poste qu'occupait cet femme, elle pouvait être femme de ménage ou cheffe de département ministériel, Kathleen avait le pouvoir de la renvoyer sur-le-champ. Et elle ne s'en priverait pas si elle n'allait pas lui chercher sa boisson dans la minute.

Se détournant à moitié pour reprendre sa consultation de dossier, Kathleen lança une dernière offensive. Je vous laisse une chance de vous rattraper, on va dire que vous ne m'avez pas reconnue. Maintenant que vous savez ce que vous risquez, j'aimerais, s'il-vous-plait, un latte avec deux sucres et une pointe de chantilly. Cette fois, Kathleen ne garda pas un oeil sur elle et se tourna entièrement vers les documents que Marie tenait d'une main tremblante. Les gens murmuraient autour d'elle sans qu'elle y fasse attention. Elle était si persuadée que Alinkov était partie passer commande qu'elle chassa déjà cet incident de sa mémoire pour se concentrer sur ses tâches de Secrétaire. S'occuper de l'éducation de ses employés ne faisait pas partie de ses compétences, mais elle se fera un plaisir de signer son renvoi immédiat s'il le fallait. Elle était la Secrétaire, après tout, et personne ne lui marchait sur les pieds sans en subir les conséquences.

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L'insolence de Alinkov commençait sérieusement à taper sur les nerfs de Kathleen. Elle ignora sa première réponse, lui laissant une chance de se rattraper, mais la jeune femme poursuivit en insultant la Secrétaire de façon à la fois douteuse et puérile. Une perruque ? Des kilos en trop ? Kathleen avait une taille de mannequin et entrait dans du 36, voire du 34, donc non, elle n'était pas grosse. Quant à ses cheveux, elle préféra ne pas s'en offusquer, considérant que la rouquine était jalouse de l'aspect soyeux de ses mèches blondes. Des insultes, Kathleen en recevait tous les jours par courrier, des gens qui la menaçaient de mort, qui voulaient la faire tomber de son piédestal parce qu'elle fricotait avec les Mangemorts ou d'autres qui considéraient son sang comme une insulte envers les sorciers. Qu'on lui dise qu'elle était grosse ne lui faisait ni chaud ni froid et ça ne lui arracha pas plus qu'un soupir désabusé.

La révérence, insolente et, à nouveau, puérile, fit lever un sourcil dédaigneux à Kathleen, qui reposa son dossier dans les mains de Marie. Vous me faites perdre mon temps Alinkov, et c'est une très mauvaise idée. Vous ! Kathleen claqua les doigts sous le nez d'un jeune homme au visage à moitié caché derrière des lunettes trop épaisses. Faites-moi le plaisir de m'acheter ce latte. Et prenez un cookie aussi, j'ai bien envie de prendre quelques calories de plus. Comme monté sur ressort, le gamin disparu de leur vue en une fraction de seconde, effrayé ou honoré de pouvoir servir la Secrétaire. Un sourire satisfait étira ses lèvres, heureuse de voir que les autres n'avaient pas décidé de suivre l'exemple de l'idiote à ses pieds. En fait, Kathleen se fichait pas mal que les gens l'aiment ou même qu'ils veuillent d'elle à la tête de l'Europe : von Roppelt la protégerait contre les rebelles et elle-même était une sorcière plutôt douée ; elle ne craignait donc rien ni personne. Mais si elle pouvait être un minimum appréciée, ça ne lui ferait pas de mal...

Lentement, dans un silence pesant, elle dévisagea Alinkov d'un regard perçant. Qu'allait-elle faire de cette impertinente ? La faire renvoyer de son poste, quel qu'il soit ? La faire enfermer à Azkaban pour insulte à la Secrétaire, ce qui revenait à insulter les Pozhiratelis ? Pinçant les lèvres, elle se tourna vers Marie. Dites-moi, savez-vous où travaille cette femme ? Utile, comme toujours, son assistant lui révéla que Aleksandra Alinkov était depuis peu l'Adjointe de la Ministre française. Une élévation dans les échelons très rapide et plutôt mystérieuse, semblerait-il. Vous savez que j'ai le pouvoir de vous faire renvoyer, Miss Alinkov ? Vous avez un beau poste, il serait dommage de le perdre simplement pour une petite dose d'insolence, non ? Je vous laisse une chance de me présenter des excuses - dénuées d'ironie, cela va de soi - et je me contenterai d'un avertissement. Je serai dans mon bureau s'il vous venait l'envie de retrouver la raison, vous avez une heure avant que je ne signe votre renvoi. Sans plus de cérémonie, Kathleen pivota sur ses talons, arracha des mains d'un employé le dossier qu'elle était venue chercher et remonta dans son bureau, attendant la visite de la rouquine.

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Près d'une demi heure passa dans que personne ne se présente à la porte du bureau de Kathleen. Persuadée qu'elle attendait en vain, elle attrapa un document et commença à rédiger une lettre de renvoi à l'intention de Miss Aleksandra Alinkov, adjointe de la Ministre française. Abigail ne serait pas contente, bieb sûr, et tenterait probablement d'annuler cette décision, mais elle ne se laisserait pas faire. Cette femme lui avait manqué de respect devant témoins ; elle devait être punie et servir d'exemple pour ceux qui se mettraient en tête de l'imiter. Il n'était pas question que son autorité soit détruite par une bonne femme sortie de nulle part et qui n'avait visiblement pas reçu une éducation digne de ce nom. La façon dont une femme telle que cette rouquine était arrivée à un poste aussi haut placé échappait totalement à Kathleen. Peut-être avait-elle été pistonnée ? Peut-être était-elle une amie de cette chère Abigail ? Ou peut-être était-elle très compétente et méritait-elle cet emploi ? Quoi qu'il en soit, elle allait se faire renvoyer et aurait beaucoup de temps libre pour apprendre la définition du respect.

Kathleen était presque à la fin de sa lettre quand Marie vint frapper à sa porte pour lui annoncer l'arrivée de miss Alinkov. Susprise, elle haussa un sourcil moqueur. Elle se serait perdue en cherchant mon bureau ? Faites-la entrer. Poursuivant sa rédaction d'un air concentré, Kathleen ne leva qu'à peine la tête quand la porte se rouvrit pour laisser passer Alinkov. Sa posture, pleine de défi, n'était pas de bonne augure, mais la Secrétaire décida de lui laisser le bénéfice du doute. Elle reposa sa plume après avoir signé son document puis plaça le parchemin devant elle, bien en évidence pour que l'autre la lise si l'envie lui prenait de faire sa curieuse. Selon l'issue de cette conversation, le parchemin serait soit brûlé, soit envoyé à la Ministre Legrand pour exécution immédiate. Dans ce dernier cas de figure, Alinkov ne retournerait au ministère que pour récupérer ses affaires et ne plus jamais y mettre les pieds. Dans tous les cas, Kathleen serait victorieuse dans l'histoire.

Face au silence résolu d'Alinkov, Kathleen se renfonça dans son siège et croisa les mains sur son bureau. Je vous écoute, miss Alinkov. Je sais que présenter des excuses est difficile mais, croyez moi, c'est le mieux que vous puissiez faire. Avec un sourire faussement compatissant, Kathleen ne quitta pas la femme des yeux. Elle était entièrement sérieuse : elle voulait des excuses, qu'on flatte son ego, peut-être même qu'on lui lèche les pieds. Elle avait envie d'être complimentée et de voir Alinkov ravaler sa fierté pour réconforter la sienne. Tête penchée avec arrogance, elle compta dans sa tête combien de temps il fallait à l'autre pour réussir à sortir les fameux mots, pour lutter contre l'envie de vomir qui devait lui serrer la gorge. Pour s'excuser pour quelque chose dobt elle était fière, tout simplement. Au moins Kathleen avait-elle été assez compatissante que pour lui éviter cette humiliation en public, lui offrant un peu d'intimité pour cet acte rabaissant. Car oui, la Secrétaire pouvait faire preuve de bonté parfois...

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Dès les premiers mots d'Alinkov, Kathleen comprit que cette femme n'était pas prête à faire de véritables excuses. Soupirant de dépit, elle n'écouta rien de son monologue affreusement long et entreprit de plier soigneusement la lettre qu'elle venait de rédiger. Avec délicatesse, elle plaça un cachet de cire sur le pli et y grava d'un tampon du sceau du Secrétariat. Voilà. Ne restait plus qu'à l'envoyer et Miss Impertinence serait renvoyée dans la demi-heure, peut importe les envies de la Ministre française. S'il le fallait, Kathleen se rendrait elle-même au Ministère pour s'assurer que la rousse n'y travaillait plus et, le cas échéant, prendre les dispositions nécessaires pour que ses ordres soient exécutés. Elle ne se laisserait pas insulter sans réagir, ne laisserait personne remettre en cause sa légitimité et son autorité. Elle était la Secrétaire, elle dirigeait l'Europe et les autres n'étaient que des sous-fifres qui devaient lui obéir.

Kathleen releva la tête quand Alinkov s'apprêta à partir et, alors qu'elle allait lui souhaiter une bonne fin de journée, l'autre se retourna pour la menacer. Là, ce fut trop. Le regard de la Secrétaire, jusque là resté calme et amusé, se voila de colère. Elle avait dépassé les bornes. Pourtant, Kathleen la laissa partir, décidant d'écrire une seconde lettre plutôt que de se ridiculiser à courir après une insolente dans tout le bâtiment. Elle était en train de placer un parchemin devant elle quand la voix de Marie l'appela, affirmant qu'elle avait retenu la femme pour que Kathleen puisse la punir. Profitant de cette occasion, la Secrétaire se leva avec grâce, contourna son bureau et alla se planter face à Alinkov, devant son assistante. Cette fois vous avez dépassé les bornes, Alinkov. Ce n'est plus votre renvoi que je vais exiger, mais votre emprisonnement immédiat à Azkaban. Vous ne sortirez pas de ce bâtiment libre, à moins que vous vous excusiez et que vous retiriez vos menaces. Poings placés sur ses hanches, Kathleen jaugea la femme du regard.

Elle ne supportait pas qu'on la sous-estime, qu'on la croie incapable de régler ses comptes toute seule simplement parce qu'elle n'a pas franchit les échelons uniquement grâce à son bon travail. C'était Nikolov qui l'avait élevée au rang de Secrétaire Sportif, et Von Roppelt à celui de Secrétaire Européenne, mais simplement parce qu'ils savaient tous deux qu'elle pouvait gérer, qu'elle était née pour ça. Elle excellait dans son travail, et personne ne pouvait remettre en cause son travail. Elle aimait son peuple, mais elle ne perdrait pas le sommeil si deux ou trois impertinents se retrouvaient en prison sous son ordre direct. Menaçante à son tour, Kathleen avança d'un pas vers Alinkov. Ce n'est pas un jeu, Alinkov, vous avez tout à perdre dans cette histoire. Votre travail, votre famille, votre liberté. Je me fiche de qui vous êtes, on ne me menace pas sans conséquences. Sa voix, froide comme l'acier, était calme et basse. Il était inutile de crier dans ce genre de situation ; l'autorité résidait dans le sang-froid et la retenue. Excusez-vous et je me contenterai d'un avertissement. Mais vous n'en aurez pas de second, je préfère vous prévenir.

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