Pensine de Paul Arthur Roy 

Il neige papa, il neige !

Nous sommes dimanche. Paul, le nez collé à la vitre regarde les premiers flocons tomber. Outre ses pas trépignant d’excitation et les mêmes mots qu’il répète à intervalle régulier, la bibliothèque est silencieuse. Trop calme. Du haut de ses cinq ans Paul est bavard. Il n’aime pas les silences prolongés de cette grande maison. D’ailleurs il ne saurait dire dans quelle pièce se situent ses parents. Il ne veut pas partir à l’aventure pour les débusquer, les flocons qui tombent sur Montréal représentent un spectacle plus important.

Maman. Maman. Il neige !

Toujours aucun pas annonçant la survenue d’un parent. Paul aimerait avoir un petit frère ou une petite sœur pour s’occuper. Ses parents sont trop peu présents. Sa mère répète qu’ils ont du travail, qu’il comprendra quand il sera plus grand. Paul aimerait jouer dans le jardin plus souvent, mais il n’a pas le droit sans surveillance. De toute manière son père répète qu’il y a plus matière à s’occuper à l’intérieur. En silence de préférence. Ils travaillent, il ne faut pas l’oublier. Paul ne voit pas l’intérêt d’avoir une grande maison si on ne peut pas courir de pièce en pièce.

Papaaaa !!

Paul trépigne de plus en plus. Sa mère daigne enfin arriver mais son visage est sévère. Il est hors de question qu’il sorte. De toute manière il a école le lendemain. Paul proteste. Il ne comprend pas. Il neige, les premiers flocons de l’hiver. Sa mère reste catégorique face à ses supplications et à sa moue.

Ne jase pas Paul-Arthur ! Non c’est non.

Paul se met à pleurer. Il s’assoit sur le parquet et tape du poing. Sa mère ne s’en offusque pas, il aura tout l’hiver pour profiter de la neige. Elle lui tourne le dos et sort de la bibliothèque. Pourtant elle revient vite sur ses pas en entendant un grand fracas. Elle retrouve la bibliothèque et de nombreux livres éparpillés par terre. Paul se trouve toujours au même endroit mais ça ne peut être que lui. Enfant terrible. Vivement qu’il comprenne qu’on ne fait pas tourner une entreprise en pleurnichant et en saccageant des manuscrits. Paul se retrouve puni, une nouvelle fois, sans comprendre qui a bien pu renverser les livres.

Paul lisait dans le salon d’un air distrait. Ses parents n’avaient pas perdu la fâcheuse habitude de travailler à longueur de temps et de lui demander de s’occuper en silence. La différence était qu’il pouvait disposer du jardin à sa convenance. Ce jour-là, ce n’était pas la peine d’y penser, il faisait beaucoup trop mauvais. Après de longues heures de solitude, les parents Roy le rejoignirent dans la pièce à vivre.

Paul-Arthur veux-tu aller à la boîte à malle ?

Le garçon se leva sans montrer qu’il traînait en réalité des pieds face à cette requête. Il savait que le bulletin du trimestre l’attendait. C’était ce qui l’avait préoccupé toute la journée. Ses parents risquaient de ne pas être ravis. Les bonnes notes étaient là, quoi que légèrement en dessous des espérances. Si seulement il se donnait un peu plus les moyens. En revanche, les commentaires n’étaient pas tous élogieux. L’attitude de Paul était globalement bonne et personne ne pouvait contredire qu’il était gentil garçon. Il était pourtant loin d’être un élève modèle. Bavard, distrait, parfois même borné, ces qualificatifs étaient souvent retrouvés. Cela lui valait toujours une punition.

La boite aux lettres contenait un courrier de l’école, ce qui semblait être une facture et une lettre pour le moins particulière. Paul remit en silence l’ensemble du butin et se tient prêt à recevoir les réprimandes. Sans surprise, ses parents se crispèrent face au bulletin, ils soufflèrent en regardant la facture et se décrochèrent la mâchoire à l’ouverture du dernier courrier. Le silence s’éternisant Paul commença à s’agiter. Ce n’était vraiment pas bon signe.

Tu penses nous amuser ou es-tu assez stupide pour penser nous berner de la sorte ?

Son père semblait furieux. Paul ne comprenait pas, il avait eu quelques avertissements, mais rien de bien nouveau en comparaison aux fois précédentes. Puis ces résultats n’étaient pas si mauvais.

Une école de magie en France ? Tu viens plutôt d’alourdir ta sanction.

Le garçon ne saisissait définitivement pas ce que les Roy racontaient. Néanmoins, il avait appris que répondre ne faisait qu’envenimer les choses et retrouva sa chambre comme il lui était demandé, non sans souffler son mécontentement. La lettre curieuse fit doubler sa punition. Il l’apprit plus tard, quelqu’un avait fait une mauvaise blague en parlant d’une admission dans une école de magie. Paul ignorait qui était l’auteur et avait désormais une sacrée dent contre lui.


Paul passa une semaine de vacances chez son oncle en Nouvelle-Angleterre. Monsieur Roy cadet était une meilleure compagnie que son frère ainé. Il proposait au garçon un tas d’activités. Si bien occupé, Paul semblait être un jeune garçon d’une compagnie peu harassante. Néanmoins, toutes les bonnes choses avaient une fin et le garçon retrouva ses parents. Il fut accueilli pas les Roy et une nouvelle étrange lettre. Paul craignit immédiatement une autre punition, mais les adultes avait appelé l’oncle qui lui avait fourni un alibi. S’il n’était pas responsable de cette supercherie c’était à présent beaucoup plus inquiétant. Mais ces chers moldus ne croyaient pas en la magie et mirent cette missive sous le compte d’une entreprise ennemie. La lettre fut brulée et l’affaire classée.

Quelques jours plus tard, juste avant le retour sur les bancs de l’école, Paul, missionné d’ouvrir à la personne qui venait de sonner, rencontra une femme habillée étrangement et au fort accent. La mode en France était définitivement particulière. Ce qui était pour le moins étrange était qu’elle connaissait le nom complet du garçon et lui demandait de rassembler ses parents. Peu méfiant, il fit entrer la dame et s’acquitta de cette seconde mission non sans mal, ses parents n’aimant toujours pas être dérangés. La discussion qui se déroula dans le salon fut des plus surprenantes. Les Roy ne comprenaient pas un traitre mot de ce que pouvait raconter la dame et pourtant elle semblait dresser un portrait assez ressemblant du garçon. Après de long discours sur une certaine école Les-beaux -bâtons, une démonstration fulgurante avec un bout de bois dangereux et des documents de renseignement déposés, la femme prétendue sorcière les laissa digérer la nouvelle. Paul était un sorcier.

Cette événement n’améliora pas la concentration du jeune Paul, bien au contraire. Après étude des documents, deux autres visites de la femme, une analyse des choses étranges qui accompagnées le chemin du garçon, les Roy finirent par accepter l’impensable. Leur fils n’était pas comme les autres et ils le laisseraient étudier de l’autre côté de l’Atlantique. Si c’était des inepties ils gagneraient un mois d’été en France, ce qui était finalement un moindre maux. Si c’était la vérité, les capacités de fils pourraient leur apporter un bénéfice certain.

Voyager en Europe était une première pour Paul. Il appréciait véritablement cette expérience, ses parents étant largement plus détendus que lorsqu’ils se trouvaient à Montréal. C’était une occasion rêvée de s’occuper et de changer d’environnement. Cela dit, ce voyage restait en partie angoissant puisqu’il n’était pas censé repartir avec ses parents. Les propos de la dame pouvaient être cohérents, pourtant ils restaient beaucoup trop farfelus pour être acceptés au pied de la lettre.

Paris était une ville curieuse pour un habitué de l’architecture nord-américaine. Mais ce n’était que le début du dépaysement. Ils retrouvèrent la femme sorcière au milieu du célèbre quartier de Montmartre. Puisqu’il n’était pas envisageable de demander aux parents d’un enfant de onze ans de l’abandonner aux mains d’une inconnue, les Roy profitèrent eux aussi de cette expérience extraordinaire. Le quartier français n’était pas seulement celui des artistes, il abritait un autre monde totalement invisible mais bien plus impressionnant. Objets volants non identifiés, animaux étranges, boutiques incongrues. Paul termina sa journée avec un uniforme, des livres étranges, un chaudron, des ingrédients douteux, une baguette et surtout une impression fulgurante de vivre quelque chose de fabuleux. Il se pinça plusieurs fois le bras pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.

Le reste du mois passa dans une atmosphère bien étrange. Leur vie frôlait le surnaturel depuis la visite du quartier magique, pourtant cela leur paraissait encore impensable. Le dernier jour, la dame les retrouva une dernière fois. Les affaires de Paul furent rangées dans une grande malle et le petit groupe rejoignit les Champs-Elysées. Pour la seconde fois, les parents purent profiter de l’expérience d’un changement de décor. La plus belle avenue du monde accueillait désormais une calèche, mais surtout des cheveux pour le moins curieux. Paul n’était vraiment pas rassuré à l’idée de monter dans ce véhicule.

On est pas obligé de faire ça.

Ne dis pas de bêtise, ça va être pour toi une expérience amusante.

La voix de son père n’était pas très assurée, pourtant il semblait déterminé à accepter cette réalité. Si cela pouvait lui permettre plus de silence à la maison et un bénéfice certain pour l’avenir de son entreprise, il n’allait pas s’en priver. Ces mots furent ainsi le départ des adieux. Après les embrassades et tout de même quelques mots doux, Paul tira sa valise vers la calèche. Il se retourna plusieurs fois avant de rejoindre l’attroupement de jeunes gens. Au moins ils parlaient tous une langue qu’il comprenait.

Le premier décollage fut l’expérience la plus terrifiante de sa courte vie. Le garçon ferma les yeux un moment, et lorsqu’il les réouvrit la calèche se trouvait bien loin de Paris. Il risqua un coup d’œil à l’extérieur pour observer la campagne française. Au second arrêt il fut rejoint par d’autres jeunes gens beaucoup plus excités que lui. Sa nature n’étant pas très loin, il entama une discussion passionnée sur l’aventure qu’ils étaient en train de vivre et ne fit guère attention au second décollage. Au troisième arrêt il se languissait déjà de voir le château dont les autres vantaient les mérites. Une chaine de montagne plus loin, la consigne de descendre et de rejoindre un groupe d’élèves aussi petits que lui, il vit enfin le château de Beauxbâtons.


Avant de grossir les rangs de l’académie et profiter de ce lieu féérique, il ne lui restait qu’une étape à passer, se présenter devant l’école. Heureusement qu’il avait appris la nouvelle durant le voyage, si bien qu’il s’était déjà préparé à cette idée.

Paul-Arthur Roy

Bien qu’il ne soit pas très timide, la perspective de parler devant autant de personnes l’inquiétait. Pourtant il prit son courage à deux mains et se présenta succinctement. Il se risqua même à exprimer l’aspect terrifiant d’un premier décollage à bord d’une calèche volante. Il montra ce soir-là qu’il était bavard et naïf et que cela le rendait amusant.

Bienvenue chez les Loups d’Argent.

Paul rejoignit la table d’où venait les acclamations. Il aimait déjà l’ambiance qui régnait ici.