Potion de haine et philtre d'amour 

La rentrée a eu lieu il y a presque deux semaines. Moi qui d'ordinaire adore cette période, cette année je la déteste. Tout a commencé il y deux semaines donc, quand j'ai reçu un hibou de la part du Secrétariat. Je l'avais reçu bien avant, mais j'étais au camp de potions. Je n'ai donc pu l'avoir en main propre, que le 29 août, à mon retour d'Agmurdoad. Sur le coup, j'ai cru à une mauvaise plaisanterie, puis lorsque j'ai lu le contenu de leur lettre, j'ai cru vivre un cauchemar. Je suis fiancée. Nicholas Greengrass est mon fiancé. La nouvelle semblait irréelle jusqu'au 1er septembre, jour où j'ai appris qu'il était l'assistant du professeur de potion de Durmstrang. Mon fiancé se trouvait debout à quelques mètres à peine de moi, et en plus de cela, ce n'était pas la première fois que nos routes se croisaient. Quelques jours plus tôt, nous étions tous les deux à Agmurdoad. Ma tête a alors tournée à cent à l'heure afin de comprendre comment j'avais pu ne pas faire le rapprochement plus tôt. Si je me souviens bien, il ne s'était pas présenté au début du camp et par la suite je n'ai parlé à presque personne. J'ai eu beaucoup de mal à maintenir un visage impassible lors du discours et Margot a tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas. Je ne lui avais pas encore annoncé la nouvelle. Je ne voulais pas faire cela par lettre, et je ne l'avais pas trouvée à bord du bateau. Enfin, nous avons finalement pu parler et malheureusement, ça n'a pas arrangé grand chose. J'ai appris qu'elle avait elle aussi reçu sa lettre et que nous étions toutes les deux dans une situation dont nous ne voulions pas. Bonne rentrée !

Aujourd'hui, nous sommes le 14 septembre, il est 17h20, et la fin du cours de potions approche. Encore quelques minutes et je pourrai quitter cette salle et ne plus le voir. Jusqu'à lundi prochain du moins. C'est quand même plus simple de l'éviter quand je n'ai pas cours de potions. Si je n'étais pas en dernière année, j'aurais probablement séché quelques cours, mais je me serais sûrement attiré des ennuis et avec la chance que j'ai, j'aurais fini en heure de colle avec lui. La semaine est passée comme sur des roulettes. J'ai gardé le nez dans mon chaudron, et je n'ai pas dit un mot. Ça n'a pas changé grand chose à d'habitude finalement. Enfin ! Le cours est terminé. Je rassemble mes affaires en même temps que les autres élèves et me dirige vers la sortie en me mêlant au groupe.

(Bulgare) - Mademoiselle Graves? Attendez un instant je vous prie.

Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines. Que me veut le professeur ?
Je m'arrête et me retourne lentement avant de faire un pas vers l'enseignant. Je garde mes yeux braqués sur lui. Je ne veux surtout pas qu'ils croisent ceux de Greengrass.

(Bulgare) - Je vous ai sentie ailleurs ces deux dernières semaines. C'est dommage de commencer ainsi votre dernière année, vous ne trouvez pas ?

Je reste immobile sans rien dire. Si j'ouvre la bouche, je risque d'être désagréable et je n'ai pas envie de me mettre à dos un professeur.

(Bulgare) - Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous rangiez la salle avant de partir.
(Bulgare avec un léger accent anglais) - Oui, professeur. Vous pouvez compter sur moi. Vous devez être occupé avec monsieur Greengrass.
(Bulgare) - Pas du tout. Monsieur Greengrass va rester ici pour fermer la salle derrière vous.

Cette fois-ci, mon cœur rate un battement. Je vais me retrouver seule avec Greengrass. Le professeur ajoute une phrase que je n'entend même pas, assourdie par ce qu'il vient de m'annoncer. Il m'adresse alors un sourire tandis qu'il quitte la salle de potions. Je suis certaine qu'il l'a fait exprès. Ce doit être un Pozhirateli et je suis sûre qu'il est au courant de nos fiançailles.

(Anglais) - Au revoir.. professeur.

J'ai lâché ces derniers mots avec autant de conviction qu'un gobelin à qui on demanderait de l'argent. Je reste alors immobile un court instant avant d'aller rapidement poser mes manuels sur le tabouret le plus proche. Je me mets ensuite à ranger la salle en silence. Elle est vraiment en bazar, c'est bien ma chance. Allez Love, plus vite tout est rangé, plus vite tu peux aller te réfugier dans ta salle commune.

( Pando )

Voilà maintenant deux jours que Nick s’est réveillé de son long sommeil. Il n’a toujours pas compris comment et pourquoi il s’est évanouie aussi longtemps. Tout ce dont il se souvient c’est qu’il était dans le bureau du professeur Covo à rédiger des notes quand Connor est arrivé et a commencé à vouloir abandonner le cours et avant même qu’il ne comprenne, trou noir. Le réveil à l’infirmerie, deux semaines plus tard, fut un choc pour l’anglais mais il s’en est vite remis et à repris son rôle de stagiaire auprès de son professeur référent.

Ce qui est bien avec ce sommeil imposé, c’est qu’il a pu éviter son ex et sa futur fiancée. Pour le premier, ce n’est pas plus mal, surtout après les mots échangés la dernière fois. Elles tournent encore et encore dans son esprit et il n’a qu’une envie, les oubliés. Car après cet été, il ne croit plus un mot qui sort de la bouche de Connor, c’est trop dur pour lui et son petit cœur. Quant à sa fiancée, il a peur. C’est bête mais lui parler c’est comme officialiser le futur mariage, leur futur union… Alors qu’ils ne savent rien l’un de l’autre… Combien de temps Nick va pouvoir cacher les cicatrices sur son corps ? Combien de temps va-t-il lui cacher qu’il est encore fou amoureux de son ex ? Combien de temps va-t-elle prendre pour comprendre qu’il n’est pas un homme bien pour elle ?

Trop de questions se bousculent dans sa tête, mais la fin du cours sonne la fin de sa rêverie. Nick commence à rassembler ses affaires et à ordonner ses parchemins dans son sac avant d’aller nettoyer le tableau quand son nom est évoqué par Lovely puis son professeur. Il n’a pas vraiment suivit leur échange mais il comprend rapidement en voyant le professeur partir qu’il vient de “punir” la jeune femme. L’anglais reprend son nettoyage et une fois sa tache accompli, il se met à aider la jeune femme en silence. Comment démarrer une conversation quand ni l’un, ni l’autre ne veulent être là ?...

Je.. Je suis désolé… Dit-il dans sa langue maternelle qui lui manque tant. Si tu veux partir, vas-y, je ne dirais rien à Covo..

( Pando )

Tandis que je réunis les ingrédients laissés sur les tables, j'observe du coin de l'œil Greengrass qui nettoie le tableau. Un vrai lâche botte. Dès qu'il se retourne dans ma direction, je le quitte des yeux et fixe la fiole dans ma main droite. Je continue de m'affairer sans prêter attention à mon soi-disant fiancé. Mes yeux se posent rapidement sur lui quand j'entends de l'anglais. Je suis surprise qu'il n'emploie pas le bulgare. L'étonnement passé, je le quitte des yeux.

(Anglais) - Ça ira monsieur Greengrass.

La phrase est sortie tel un coup de fouet. Je suis moi-même étonnée par la froideur de ma voix. Je ne me démonte pas pour autant et continue de ranger. J'ignore complètement son excuse. Je ne vois pas pourquoi il s'excuse d'abord. Enfin, c'est son problème. Personnellement, je trouve que le pardon est bien trop précieux pour le demander au premier venu.
Si seulement Margot pouvait passer par là. Ou même Babylon. Ça n'arrangerait pas complètement la situation, mais au moins, je ne serais pas seule. Je ne sais même pas comment me comporter. L'appeler monsieur Greengrass semble complètement stupide dans une situation pareille, mais après tout, il est presque mon professeur. Cela ajoute aussi de la distance à nos rapports. Je ne veux pas penser à lui en me disant que c'est mon fiancé. Je ne peux pas. Je n'ai jamais eu de relation amoureuse. Je n'ai jamais aimé personne. Je n'ai jamais voulu aimer quelqu'un. Alors comment est-ce que je peux me retrouver fiancée du jour au lendemain ? C'est aberrant. Si je me laisse aller, je sens que les larmes vont me monter aux yeux. Je serre donc les dents et me concentre sur le rangement de la salle, vite.
Par moment, je lui jette un œil. Il n'a pas l'air dans son assiette. D'après ce que j'ai pu entendre, il aurait eu un problème de santé. Ce n'est pas pour cela qu'il va me faire de la peine. Au contraire, je suis certaine que c'est le genre de personne à utiliser cela pour s'attirer la sympathie des autres. C'est un sang-pur européen après tout. Ils ont tous l'air d'avoir un grain. Sauf Margot, mais il faut bien une exception à la règle. Je souris légèrement en pensant à elle puis je me rappelle de la personne qui se trouve avec moi, alors j'efface vite cette émotion de mon visage pour reprendre un visage neutre. Je m'arrête soudainement dans mon mouvement et me tourne vers Greengrass.

(Anglais) - Par contre, je peux le faire toute seule. Il ne me semble pas que ranger la salle soit ce que le professeur attende de son assistant.

Ma voix n'est pas aussi glaciale que tout à l'heure, mais elle le reste tout de même. Je continue aussi de parler en anglais car les occasions de le faire sont plutôt rares. Babylon et Margot étaient les deux seules autres personnes de Durmstrang avec qui je pouvais utiliser ma langue natale. Maintenant que Babylon est parti, il n'y a plus que Margot. Alors si je peux en ajouter une... Même s'il faut reconnaître que je n'ai aucune envie de lui parler.

( Pando )