[Timaël et Il kwon] Pourquoi suis-je ici ? 

Tim était passé à deux doigts de la catastrophe. Il sentait encore le filer de transpiration couler le long de son dos. Avec Nikita dans les parages qui plus est. Peu importe la décision il devait en prendre une. Cette situation devenait de moins en moins tenable. Plus le temps avançait, plus il redoutait de se retrouver marié avec Demetria, plus il aimait Nikita et plus il avait envie d’imposer son opinion aux regards de sa famille. Cela impliquait de faire exploser une sacrée Beuglante et malheureusement il ne se sentait pas encore prêt. Le jeune homme repoussait le temps des révélations, craignant le moment où il devrait blesser l’une des trois parties. Sa future épouse était au courant, ses parents et ses frères risquaient de tomber de haut et Nikita pouvait à tout moment se lasser d’être cachée de la sorte. Néanmoins, il avait peut-être trouvé une échappatoire avec les failles. S’il voulait rester en liberté, le mouvement des Pozhiratelis devait rester en place, mais pourquoi pas avec des lois plus progressistes qui ne le forceraient pas au mariage.

Rien de mieux que de se rendre à Bulle pour tâter le terrain. La survenue des failles faisait jaser les Pozhiratelis autant que les autres. Si Timaël voulait marquer une quelconque opinion il devait s’assurer qu’elle était un minimum suivie. Il n’était pas question de se compromettre et de salir par la même occasion la réputation des Marloes auprès des soutiens d’Ivankov. Dans cette ville où la mort était tombée, les corbeaux étaient devenus maîtres. Ils profitaient même de ce lieu que tous voulaient éviter pour faire passer quelques épreuves d’initiation, interroger des personnes sans importance ou encore remonter des bretelles. C’était des missions de faibles importances réalisées généralement pas des sorciers peu élevés dans la hiérarchie du clan. S’il devait prendre la température quelque part, autant commencer par là. Ces Pozhiratelis étaient généralement moins discrets que les grosses têtes du parti. Ils étaient le corps armé que les généraux envoyés au front tandis qu’ils restaient bien en sureté pour commander les opérations. Peu de personnes ici connaissaient le repère de Varma.

Il y avait tout de même quelques exceptions. Certaines élites circulaient dans cette ville fantôme, notamment lorsqu’il s’agissait de remettre à l’ordre des personnes jugées importantes, ou que les sorciers réalisant leur initiation appartenaient à des familles importantes. Timaël ne venait pas ici pour rien. Il avait été missionné pour faire du repérage. Les effluves d’alcool dans la maison de Varma avait conduit certains corbeaux à penser que Bulle pouvait aussi servir de salle des fêtes pour quelques mariages. Le brigadier était septique avant de venir ici, il l’était d’autant plus à présent. Qui voudrait célébrer un mariage dans une ville avec une si triste réputation. À moins de vouloir fustiger les mariés il n’y avait pas d’autres explications. Comme si les mariages qui avaient été annoncés lors du bal n’était pas déjà une punition. D’une certaine manière c’était une mission importante car son avis compté. Après tout un jeune corbeau qui serait prochainement fièrement marié devait bien avoir une idée sur les conditions de mariage optimales. Heureusement, ses parents refuseraient toute cérémonie ici. Quoi que s’il parlait de Nikita, ils seraient peut-être tentés.

Tim avait vite fait le tour de la ville. Il s’apprêtait déjà à repartir. Le jeune homme était perdu dans ses pensées. Il estimait à cinquante cinquante les opinions favorables à Von Roppelt. Ce n’était pas si mal. Cela confirmait aussi que les corbeaux n’étaient pas tous discrets. Une voix le sortie néanmoins de ses réflexions. Il fixa un instant l’homme qui l’avait reconnu et salué. Il ne le connaissait pas personnellement alors la réputation des Marloes avaient encore due le précéder. Il mit quelques secondes pour mettre un nom sur ce visage. Heureusement que cet homme travaillait au Secrétariat et que son histoire avait interpellé le jeune homme.


Ironie quand tu nous tiens. S’il était là c’était qu’il avait été convoqué. Néanmoins le ton qu’il avait employé n’était pas condescendant. Timaël n’avait aucune raison de prendre de haut cet homme. Après tout, ils avaient tous deux le points communs de s’être épris une personne qu’ils ne devraient pas aimer.

Pando

Park. Un coréen qui s’était retrouvé bloqué en Europe lors de l’apparition du dôme. Un sang pur qui devait expier sa faute en se remariant avec une Pozhiratelis. Et quelle faute dans cette société régie par des règles archaïques. L’homme était l’heureux papa de deux bâtards, il n’y avait pas de quoi être fier. Cela avait en tout cas l’avantage d’attiser la sympathie du Marloes, après tout il vivait de son côté une relation extra-conjugale avec une sang-mêlé. C’était certainement pour cela qu’il avait pris la peine de s’arrêter et de lui répondre. Les sorciers ne portant pas le corbeau étaient rarement convoqués ici pour recevoir des compliments. Il y avait une différence entre avoir des idées dissonantes et d’être vu en pleine discussion avec un potentiel paria. Timaël ne s’amusait pas à prendre de tel risque tant il avait besoin de rester sous les radars.

L’homme le salua finalement à sa façon avant de reprendre la parole. Ils étaient d’accord sur un point, le qualificatif charmant était plus qu’ironique. Bulle avait peut-être était une ville agréable par le passé mais à présent elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Personne ne voulait recevoir une invitation ici. Sur le papier l’idée même d’organiser quelques mariages dans le coin était une aberration. Les corbeaux n’étaient plus à ça près dans le tyrannie, mais tout de même. Dans son rapport de mission, le brigadier ne cacherait pas son opinion, il valait mieux s’abstenir pour ce coup-ci. Fantomatique était effectivement plus représentatif. À cela pouvait s’ajouter les mots inquiétante et désolante.

Park poursuivit. Ainsi il cherchait son chemin jusqu’à la rue des paradisiers. L’initiation n’était pas à l’ordre du jour pour lui, en revanche il allait rencontrer ceux qui avaient un œil en dehors de l’Europe. Au fur et à mesure du temps les Pozhiratelis s’organisaient dans cette ville à l’image miniature du continent. Il y avait les rues connues au même titre que le repère de Sofia et les zones avec moins de passages où circulaient ceux qui étaient conviés pour des affaires plus importantes. La rue des paradisiers était une seconde Varma, quoi que moins accueillante puisque les invités y étaient souvent menacés. Timaël était bien curieux de savoir ce qu’on pouvait encore demander à cet homme qui s’était plié aux lois sans résistance manifeste. Le jeune homme jeta un coup d’œil à sa montre, par chance il avait du temps devant lui.


En allant vers ceux qui surveillaient la situation internationale, Tim pourrait également en apprendre davantage sur l’évolution des failles. Il ne manquait pas une occasion pour mettre son nez là où on ne l’attendait pas. En d’autres termes, ce n’était pas une proposition désintéressée, il avait quelque chose à gagner en contrepartie du temps perdu.

Pando

Timaël avait beau être plus ouvert que le reste de sa famille, il n’oubliait pas de servir ses intérêts à la moindre occasion. Son éducation le poussait à toujours assurer son intégrité et à veiller à la sécurité de ses proches. Une opportunité comme celle-ci n’était pas négligeable. Rue des paradisiers il pouvait trouver des informations plus amples sur la gestion des failles. Puis accompagner Park était un moindre mal. L’homme ne paraissait pas désagréable et il intriguait le corbeau. Il était ainsi heureux de l’entendre accepter son offre avec une politesse toujours de mise. Remerciait-il toujours ses bourreaux de cette manière ? Il était certain que les deux sorciers n’avaient pas grandi avec la même culture.

Ils marchèrent quelques mètres en silence. Tim lui poserait bien quelques questions sur sa famille, mais elles passeraient rapidement pour une incrimination. Les Pozhiratelis avaient privé Park de son entourage et le Marloes était un corbeau. L’homme avait toutes les raisons de se montrer méfiants et affirmait qu’il ne croyait pas aux règles qu’il représentait avec son tatouage n’avait pas de valeur. De toute manière, il n’était pas question de laisser penser qu’il validait le mode de vie de l’étranger. La quiétude fut finalement interrompue par une interrogation du coréen. Le jeune homme le fixa, sur son visage son sourcil se levait. Pour une surprise cela en était une. L’homme devait s’en douter car il s’était finalement rétracté. Timaël n’avait pas l’habitude d’entendre ce genre de question. On ne lui demandait jamais ce qu’il faisait pour le compte des Pozhiratelis tant sa réaction ou sa réponse pouvaient être redoutées. Ceux qui lui étaient hostiles se contentaient de regards noirs, les autres évitaient de se faire remarquer de la sorte. Les corbeaux n’avaient de compte à rendre à personne d’autre que leurs supérieurs hiérarchique.


Timaël avait répondu franchement pour ne pas laisser au silence l’occasion de s’éterniser. Il était lui-même surpris de ne pas avoir prononcé de mensonge, chose qu’il était capable de faire sans réfléchir. De toute manière, il ne s’agissait pas là d’une mission secrète. Au pire une rumeur se créerait ce qui ne ferait qu’accentuer aux yeux des sorciers la détermination des Pozhiratelis à contrôler au plus vite ces mariages. En d’autres termes, il s’agissait seulement d’une information anodine. Timaël se questionnait davantage sur la curiosité de l’homme. Cherchait-il seulement à combler le silence avec une question non maîtrisée, ou voulait-il mettre son nez dans les affaires qui ne le regardaient pas ?


Son entrainement ressortait si facilement. Timaël ne pouvait s’empêcher de gratter pour comprendre la position de l’homme et déterminer s’il comptait se rebeller contre l’autorité. Sa question concernait le lieu des festivités mais cela ne pouvait se dissocier de l’idée même des mariages. Qu’il pointe si directement l’accueil peu enthousiaste des annonces faites au bal n’était pas anodin. Il ne s’attendait pas à une réponse sans filtre, mais tout le monde ne mentait pas aussi bien que lui.

Pando

Timaël était bien curieux d’entendre la réponse de son interlocuteur. S’il prétendait trouver l’idée brillante, il ne le croirait pas. Ce serait vraiment trop gros pour une personne contrainte de fonder une nouvelle famille en Europe. Un tel revirement de situation ne serait pas très subtile. Il attendait davantage d’honnêteté de la part du Park, sans pour autant mesurer quel en serait le degré. Il le fixa ainsi et n’eut pas besoin de supporter un long silence. Glauque ce n’était pas un euphémisme. Cette ville pouvait faire carrément froid dans le dos lorsqu’on repensait à ce qu’il s’était passé ici et l’usage que les Pozhiratelis en faisait à présent. En revanche, Tim apprenait que l’homme s’était marié ici. Quelle tristesse. Les corbeaux avaient le goût de l’humiliation, cela ne faisait aucun doute. Le jeune homme comprenait que le coréen n’avait pas sauté au plafond en apprenant qu’il devrait se marier et que son enthousiasme n’avait pas été ravivé par le lieu de la cérémonie. Le Park poursuivit de manière plus affirmative. Ainsi il ne fallait pas marier les jeunes ici. Timaël ne devait pas lui inspirer une grande crainte pour se camper à ce point sur ses positions. Heureusement que le corbeau ne cherchait pas à l’amadouer pour lui sortir les vers du nez de façon à ce que ça lui retombe dessus. Cela pouvait ressembler à de la rébellion. Il ne dirait à personne que le coréen ne semblait pas accepter les opinions politiques des Pozhiratelis. Il comptait surtout réutiliser son argumentaire pour justifier sa réticence dans l’organisation des mariages à venir à Bulle.


Sa question était plus rhétorique qu’autre chose. La réponse était non. Timaël se projetait parfaitement à sa place. Il y a quelques années cela ne lui aurait fait ni chaud ni froid, mais depuis plus d’un an les choses n’étaient plus les mêmes. Il aimait quelqu’un qu’il n’avait pas le droit d’épouser et même si ce n’était pas un projet entre eux, cela rendait tout autre engagement effroyable.


Lui-même voudrait au moins avoir l’opportunité d’organiser la cérémonie au mieux, que cela ne soit pas un calvaire pour l’ensemble de son entourage. Dans les mariages annoncés il y avait également cela à prendre en compte. Il était peu probable que tous les parents soient en accord avec la précipitation des cérémonies. Ils attendaient certainement meilleur moment pour leurs enfants.

Pando

Une nouvelle fois Tim se demandait si son interlocuteur allait opter pour l’honnêteté sans faille où s’il ferait preuve d’un maximum de réserve. Jusqu’à maintenant il avait davantage adopté la première approche. Cela était d’ailleurs assez déconcertant. Le jeune corbeau n’avait pas l’habitude d’entendre les autres sorciers s’adresser à lui avec si peu de précautions. Il n’avait pas un aspect très menaçant mais son tatouage suffisait généralement à créer une certaine réserve. Même ceux qui étaient contre le régime en place n’avaient pas l’audace de le proclamer face à un Pozhiratelis. Ainsi il parla de son autre mariage. C’était osé, surtout pour le présenter de manière si positive. Soit il n’avait aucun instinct de survie soit Timaël était la personne la moins inquiétante qu’il ait rencontré depuis son arrivée en Europe. Le jeune homme sourit de manière compatissante. En même temps, il ne se comportait pas vraiment comme un Pozhiratelis, la franchise du coréen n’était finalement pas si surprenante.

La question qu’il lui posa le laissa un instant silencieux. Est-ce qu’il finirait par aimer Demetria comme il aimait Nikita. À cet instant précis c’était un non catégorique. Mais si ce mariage se faisait vraiment, s’il devait s’éloigner de Nikita, s’il devait se concentrer complètement sur la jeune Dragsa, peut-être que l’amour pourrait naître. Il n’en savait rien et il n’avait pas envie de passer par là pour le savoir. Pourtant il avait la chance d’estimer la jeune femme qui lui était promise. Il aurait pu tomber sur une personne qu’il exécrait et alors la réponse aurait été plus définitive. Puis, il avait une autre preuve que ces mariages pouvaient fonctionner. Après tout Darko et Pandora s’étaient bien trouvés. Néanmoins, il doutait fortement que ce soit une réalité générale.


C’était une réponse bien froide pour une personne qui souffrait de l’obligation de se marier. Or, qu’il avait été éduqué avec l’idée que le mariage de sang était plus important que le reste et il connaissait les réponses à donner quand cette question se présentait. Il n’avait pas à se plaindre de faire un beau mariage, il devait au contraire en être satisfait.


Ça c’était indiscret, voire déplacé.

Pando

Se souciait-il vraiment de la réponse du coréen ? Qu’est-ce que cela changerait à son existence ? Timaël connaissait déjà le mal qu’il avait fait en participant aux vagues d’arrestations et en se montrant fièrement avec le corbeau tatoué sur sa clavicule. Il avait été élevé pour ne pas se sentir coupable face à ses actes. Rejoindre les Pozhiratelis, les soutenir, était dans l’ordre des choses. En bon sang-pur il n’y avait pas de mal à promouvoir cette supériorité-là. Que Park soit heureux ou non dans son mariage ne le concernait pas. Il n’y pouvait pas grand-chose. Pourtant, il avait posé cette question avec curiosité. Il avait su se trouver des points communs avec Demetria, mais était-ce le cas de tous les couples.

Tim ne s’attendait pas à une réponse franche. Son interlocuteur avait toutes les raisons de prétendre que son mariage était heureux malgré qu’il n’ait pas été consenti. Il avait une seconde famille à préserver, il n’était pas censé provoquer les Pozhiratelis. Le coréen ne listait que des différences. Surtout il mettait en avant le seul intérêt de ces mariages, une noble progéniture, sans tenter de le cacher derrière un bonheur feint. Cet homme était bien curieux. Était-il trop bien éduqué pour duper. Le Marloes mentait continuellement, cette franchise là ne lui était pas familière. Au-delà des paroles, le ton était incisif. Accusateur même. Son mouvement. C’était la vérité, bien que personnellement il ne partageait plus cette idéologie. Mais qui s’en souciait ? Personne. Et il n’était pas assez fou pour partager son opinion auprès de ses pairs.

Park avait compris qu’il était allé trop loin, si bien qu’il s’excusa. Sa justification laissa le Marloes perplexe. Il avait donc la tête du bon corbeau. Soit il avait trop baissé la garde au cours de cette conversation, soit il se trahissait auprès de tous depuis un moment. Il devait se ressaisir s’il ne voulait pas mettre en danger Nikita. Un Pozhiratelis qui doute est un Pozhiratelis dangereux pour le gouvernement. Il n’était pas question de laisser traine le bruit qu’il ne croyait plus en certaines lois. Pourtant il ne souhaitait pas se montrer brutal auprès de son interlocuteur.


Ce n’étaient pas des menaces, le ton en attestait clairement. Il s’agissait davantage d’un conseil. Il n’avait tout de même pas manqué de rappeler à quel camp il appartenait. Il était trop impliqué pour l’oublier et faire machine arrière.


Timaël ramenait la conversation sur une piste moins glissante pour le coréen. Cela n’était pas étonnant qu’il fasse office d’une oreille attentive. Dans d’autres circonstances ils pourraient presque bien s’entendre.

Pando

Timaël s’était montré ferme pour ne pas rajouter un point à la liste des trahisons qu’il opérait déjà contre son camp. Écouter sans ébruiter les propos qu’il venait d’entendre était déjà aller à l'encontre des siens. Il avait laissé là une porte ouverte à la résistance, qu’elle soit plus ou moins suivie par des actes. Ce n’était pas la première fois, ce ne serait pas la dernière. Il ne savait pas pendant combien de temps il pourrait tenir cette position. À un moment il lui serait certainement demandé de reprendre les armes et alors il n’était pas assuré qu’il en soit capable. Sa famille ou Nikita, son éducation ou ses convictions, il devrait faire un choix.

Park répondit cette fois de manière plus succincte. Les mots du Marloes avaient forcément jeté un froid. Ils lui avaient certainement rappelé qu’il devait rester avant tout prudent et qu’il était mal venu d’énoncer trop directement son opinion. La discussion risquait d’être moins plaidante, plus fausse, alors que les deux hommes s’approchaient de la rue des paradisiers. Mais cela la rendrait moins dangereuse, ce qui n’était pas plus mal lorsque l’on se souvenait qu’ils se trouvaient au cœur de Bulle. Rien ne symbolisait plus, excepté les vagues, le pouvoir de destruction des Pozhiratelis. Ainsi le coréen serait papa dans sept mois. L'attente allait être encore longue.


Que répondre de plus. Il ne voyait pas d’intérêt à lui demander s’il avait une préférence sur le sexe du bébé, s’il avait des idées de noms, s’il se sentait prêt à accueillir ce nouveau-né. Il n’était pas utile de remuer encore plus le couteau dans une plaie déjà béante. Puis il s’agissait généralement de formules de politesse. Timaël se moquait des réponses à ces questions. Cela ne changerait en rien son existence et l’homme n’était pas un proche.


Il supposait que non. Les Pozhiratelis se contentaient généralement de convoquer et attendaient que leurs interlocuteurs se présentent sous de plus brefs délais. Cela dit, parfois, lorsque les rendez-vous étaient réguliers, une certaine routine s’installait et une heure était donnée. Enfin, si l’homme cherchait son chemin il n’était peut-être pas encore un habitué des lieux. Ou bien son sens de l’orientation était déplorable. À moins qu’il fût par le passé convoqué dans d’autres endroits.

Pando

Les deux hommes avaient atteint leur destination. Timaël pourrait après cela reprendre tranquillement son existence alors que le coréen risquait de passer un mauvais moment. Cela montrait bien l’intérêt de bien choisir son camp. En Europe, de nos jours, être un sang-pur uni à un sorcier d’un autre sang était signe de disgrâce et méritait une punition. Cela impliquait un mariage immédiat avec une personne plus respectable et un contrôle constant de ses faits et gestes. Park n’avait pas d’autre choix que d’être irréprochable et de rendre des comptes aux Pozhiratelis. Ils avaient eu la clémence de l’épargner malgré l’affront mais, il ne s’agissait pas de le pardonner. Tim avait là un aperçu de ce qui se passerait pour lui si sa relation avec Nikita était découverte. Et encore les répercutions risquaient d’être plus grandes pour lui. Il portait le corbeau, la trahison ne serait qu’exacerbée. Ses parents n’accepteraient pas cette disgrâce. L’anglaise était trop proche pour ne pas devenir la cible des Pozhiratelis ou de la famille Marloes. Il était clair qu’aucun faux pas n’était envisageable.

Park n’avait donc pas d’horaire pour se présenter. Au moins il ne l’avait pas mis en retard, quoi que cette faute ne serait jamais retombée sur le jeune homme. L'homme semblait par ailleurs pressé de se débarrasser de cette tâche. Cela pouvait se comprendre, que sa justification soit véridique ou non. En revanche, il n’était pas en mesure de se plaindre. Si Timaël voulait lui nuire, il pourrait glisser un mot à ses alliés pour les encourager à prendre leur temps. L’homme dévoilait bien trop son jeu. Enfin, le Marloes n’avait rien à gagner à agir de la sorte, surtout ce n’était pas dans sa nature. Si Park pouvait retrouver le plus rapidement possible ses occupations ce n’était pas plus mal.

Tim hocha la tête lorsque l’homme le remercia. Avait-il de son côté perdu son temps ? Pas vraiment. Il n’avait aucune obligation, sa propre mission étant remplie lorsqu’il avait croisé l’homme. Puis, il ne se serait pas embêté davantage si cela avait été le cas. La discussion avait été, au contraire, intéressante. Elle n’apportait aucune information cruciale pour l’organisation ni même pour l’existence du Marloes, mais elle avait eu le mérite de le pousser à la réflexion. L'introspection n’était pas la vertu la plus recherchée par les Pozhiratelis, pourtant Timaël faisait en sorte de l’exercer.


Laquelle ? C’était au Park de décider, Timaël pensait au deux. La première signifiant une entrevue rapide, la seconde un retour à des lois moins strictes. Dans les deux cas le souhait n’était pas moqueur et il afficha même un sourire d’encouragement sur ses lèvres.

Pando