Cela fait si longtemps... [PV Draka Karmon] 

Il y a des moments dans la vie où tout semble être vraiment tranquille. Quand on sait ce que je suis en réalité, tout le monde s'accorde à dire que j'ai beaucoup de chance. Et je suis assez d'accord. La plupart des moldus de mon âge sont morts dès que leurs pouvoirs ont fait leur première apparition. Seraphina et Alexander m’ont tout expliqué depuis longtemps. J’ai vraiment beaucoup de chance d'avoir pu bénéficier de leur protection, après avoir révélé ma véritable nature. Je ne l'ai pas fait en public évidemment. Mais assez de personnes étaient au courant pour pouvoir me trahir s'ils l'avaient voulu.

Dorénavant, je peux me flatter d'avoir une position solide chez des gens puissants. Rose ne devra jamais savoir qu'elle est la fille du maître de maison, elle est plutôt le jouet du fils de la famille, pour le moment. D’ici quelques années, ils ne risquent plus de jouer ensemble, quand il faudra qu'il s'intéresse à des choses plus importantes. Ce petit a une place à tenir dans le monde d'aujourd'hui en tant que premier-né de sang pur. Rose ne pourrait être qu'un poids pour lui, fut-elle sa sœur de lait. Ce sont des choses que je ne leur explique pas pour le moment. Ça viendra en son temps.

En attendant, me voilà avec toute la troupe sur le Chemin de Traverse, afin de faire quelques courses pour la maison. Ce sont de petits services que je rends à la gouvernante et elle m'en rend aussi parfois. Elle me dit souvent que ce n'est pas mauvais d'avoir des alliés au milieu de ces sang purs. Je n'éprouve pas forcément le besoin d'avoir des alliés, mais elle est plutôt sympa et elle m'aime bien. En plus, elle est gentille avec Rose et lui donne aussi des bonbons, quand elle en donne aux enfants de mes maîtres. Je pense en profiter pour faire quelques courses pour moi.

On n’est pas arrivé depuis très longtemps que les enfants commencent déjà à se disputer pour savoir quelle boutique on fera en premier. Le petit est plutôt sage, mais les deux aînés ont le caractère de leur père. Si Rose ne ressemble pas physiquement à mon maître, elle lui ressemble assez pour avoir des relations particulièrement houleuses avec celui qui est son frère, dès le moment où ils ne sont pas d'accord. Je fais tout pour éviter que les tensions dégénèrent, parce que si ça arrive aux oreilles de mes maîtres, je sais que Rose va s'en prendre plein la figure. Heureusement, ils sont encore assez jeunes pour que tout puisse se gérer à mon niveau.

« Ca suffit les enfants, calmez vous. On va déjà aller acheter les fournitures de bureau pour lesquelles on est venu ici et on verra ensuite si on a le temps d'aller ailleurs. D’ailleurs, mon chou, si tu veux manger ta glace, on va peut-être mettre le glacier en priorité, non ? »

Manger une glace, voilà l'une des choses qui est susceptible de mettre tout le monde d'accord. Le calme étant revenu temporairement, il vaut mieux en profiter et je me dirige vers la boutique en question, avant de repérer quelqu’un dans la foule des gens qui font leurs courses. C'est une tête que je n'aurais pas oubliée, même si on change beaucoup en autant d'années. Ce garçon s'est toujours occupé de moi jusqu'à ce qu'il quitte l'école et je n'avais pas eu l'occasion de le revoir depuis. Je décide donc d'aller lui dire bonjour.

« Draka ? Est ce que c'est bien toi ? c'est moi, Camille. »

J'ai pas revu grand monde depuis l'école. Il faut dire aussi que je suis toute dévouée à mes maîtres et que, les premiers temps, cela aurait peut-être été compliqué de garder un contact avec des personnes qui auraient fortement désapprouvé ma situation. Je sais très bien que tous mes amis d'enfance seraient très inquiets en apprenant que je fais leurs quatre volontés sans discuter. Il est vrai que je suis vraiment la nourrice aussi, mais pas seulement. Et j'avoue que les moments passés dans le lit de mon maître ne me déplaisent pas. J’ai toujours été amoureuse de lui et en même temps, tellement fascinée par ma maîtresse. C’est un couple pour qui je ferais tout.

Ce n'est évidemment pas ce que je vais raconter à Draka. Il n'a pas besoin de savoir que je suis maîtresse à plein temps, même si c'est avec le consentement de la maîtresse de maison qui profite autant de moi que lui. Je suis à eux deux et c'est exactement ce qu'ils veulent. Mais à celui qui m'a toujours protégé et qui ne sait probablement pas tout ce que je leur ai donné, il vaut mieux que je sois simplement la nourrice des enfants. Je n'ai pas tellement envie qu'il se mette à s'inquiéter pour moi alors que nous venons à peine de nous retrouver.

« Ca va. J’ai trouvé un emploi comme nourrice chez de riches sang-purs. Je m'occupe de leurs deux enfants avec ma fille Rose », lui dis-je, en désignant ma fille au milieu des enfants. « C'est une bonne situation, et comme ça, ma Rose a de la compagnie et bénéficie d'une bonne éducation. »

C'est ce que je sors à la plupart des gens quand on me demande ce que je fais de ma vie. De toute façon, personne ne peut s'attendre à ce qu'une fille née de parents moldus s'en sorte bien. Le boulot de nurse est probablement ce que l'on pense que je peux m'offrir de mieux, et c'est sûrement le cas. J’ai déjà la chance que la plupart des amis de mes maîtres soient persuadés que je suis une sang-mêlée, issue d'une famille peu importante, sinon ils me feraient sûrement la vie encore plus dure. La vérité, c'est que j'aime mes maîtres de tout mon cœur mais j'ai des raisons de leur être reconnaissante, car ils m'offrent une certaine sécurité.

En revanche, comme j'ai été coupée de mes proches pendant des années je ne sais pas du tout ce qui est advenu d’eux et j’admets que je suis curieuse. Je me rends compte que je ne sais absolument pas s'il avait des rêves ou des ambitions quand il prenait soin de moi. Il avait quelques années de plus et je n'étais pas à l'âge où on pose ces questions. Malgré tout, je me sens un peu honteuse comme si l'enfant que j'étais aurait obligatoirement dû se poser ce genre de questions. C’est l'un de mes travers, j'ai tendance à m'en vouloir pour des choses pour lesquelles je ne peux absolument rien faire. On me l'a déjà reproché mais comment pourrais-je être quelqu'un d'autre que la personne que je suis effectivement.

« Et toi, Draka, qu'est-ce que tu es devenu après tout ce temps ? »

Il ne fait pas d’histoires, mais je vois bien à son visage qu’il ne s’attendait pas à ça. Nourrice, c’est un métier de moldu. Enfin, en théorie. La vérité, c’est que les riches sangs-purs ne vont jamais engager de moldus pour s’occuper de leur progéniture. Je suppose qu’il doit y en avoir qui les font garder par des elfes. De toute manière, on ne va pas se mentir, ma place auprès de mes maîtres est principalement consécutive aux plaisirs que je leur donne. Je ne serais pas là s’ils n’y trouvaient pas leur compte, pas vu que je suis née de parents moldus.

Mais je ne peux pas dire ça à qui que ce soit alors je ne dis rien. Je me contente de faire comme si c’était normal, mais de là à dire que c’est une vocation, je n’en suis pas là. Je me demande ce que j’aurais fait si je n’avais pas été focalisée sur mes maîtres. Je ne suis pas certaine que j’aurais pu trouver autre chose. Même si tout le monde pense que je suis de sang mêlé, ça ne donne pas une place sur un plateau d’argent. Et je n’ai jamais eu de grandes passions qui auraient pu orienter ma vie. Les Créatures Magiques, peut-être ? De toute façon, j’aurais fini en m’occupant d’autres êtres vivants.

« Je ne vais pas te dire que c’est la passion de ma vie, mais je me sens bien avec les deux petits, et puis, on va être honnête, à la fin de ma scolarité, j’avais pas le niveau pour faire des études avancées dans la plupart des boulots de sorcier. Je me suis dit qu’au moins, je vivrai bien comme ça. Et puis, il faut bien que je donne toutes ses chances à Rose. »

Lui, il a réussi. Prof à Poudlard, c’est sécurisé comme job. J’ai justement revu Tiphaine peu auparavant, un peu comme pour lui, au parc. Voilà une curieuse coïncidence. Mais il n’a pas l’air tout à fait heureux, alors qu’il est prof et papa. Il cache peut-être des secrets aussi, en fait. Je ne sais pas s’il aura envie de m’en parler, mais il a toujours été là pour moi, je ne vais pas le lâcher maintenant. Si je peux l’aider en quoi que ce soit, je serai là pour lui comme je l’ai toujours été. J’ai toujours mis un point d’honneur à soutenir mes amis.

« J’ai vu Tiphaine il y a pas longtemps, au parc aussi. T’es content de ton boulot ? Ca se passe bien à Poudlard ? Je connais une de tes élèves, Eowyn Derry. Elle passe de temps en temps à la maison. »

HJ:

Il est vraiment gentil, Draka, et si je ne détestais pas jusqu'à la perspective de m'éloigner de mes maîtres, j'aurais sans doute pu accepter son offre. Mais ils ont noué dans mon cœur un tel attachement et une telle fidélité que je suis tout simplement incapable d'envisager de faire autre chose que leur être définitivement fidèle et loyale et de m'occuper non seulement de leurs enfants mais d’eux, avec la même loyauté que je leur ai toujours donnée. Ce qu'ils ont réussi à faire en moi, je ne me l'explique pas vraiment. Je sais juste que je serai prête à faire n'importe quoi pour l'un comme pour l'autre. Et ils le savent.

« C'est adorable de ta part, mais je ne crois pas que je serai capable de les laisser tomber. C’est difficile à expliquer, mais disons que je suis particulièrement loyale envers eux depuis de nombreuses années. Je crois qu'ils sont ce que j'ai de plus précieux dans ma vie en dehors de ma fille. »

Je ne sais pas pourquoi je me confie autant à lui alors que nous venons à peine de nous retrouver. Je ne suis pas sûre qu'il serait capable de comprendre exactement tout ce qui se passe dans ma vie, mais je ressens le besoin de lui expliquer, du moins en partie, pour quelle raison je ne peux pas accepter son offre si généreuse. Je ne voudrais pas qu'il pense que je suis une ingrate, mais il n'est pas question pour moi de manquer à ce que je considère comme mon devoir, celui de ma vie comme celui de mon cœur. Si je dois être honnête, à l'adolescence, je n'aurais pas cru finir ainsi, mais c'est une version de l'histoire où je suis entourée par des gens que j'aime.

Ce n'est jamais facile de changer de voie et, quelque part, je suis plutôt contente d’estimer que je n'ai pas à le faire. Cela ne fait pas longtemps que Draka est à Poudlard d'après ce que je comprends, mais je suis sûre qu'il s'y fera. Il est doué pour s'occuper des autres et il sera certainement très bon auprès des enfants. Je me demande s'il sera encore là quand ma petite Rose ira à l'école à son tour. Si oui, je peux au moins être certaine qu'il y aura quelqu'un à l'école pour veiller sur elle. Je suis même certaine qu'il reconnaîtra mon nom tout de suite.

« C'est rassurant de savoir qu'il y a des choses qui ne changent pas vraiment avec le temps qui passe. »

Je ne peux pas vraiment dire que je vis une vie de rêve. Dans l’ensemble, je ne suis pas mécontente, mais bien entendu, je sais que je n’aurais jamais un mari et des enfants comme les autres femmes. J’ai Rose, mais elle grandira sans savoir qui est son père. L’un dans l’autre, j’ai choisi ma vie parce que mon cœur a décidé de se cramponner au seul homme que j’aie jamais aimé, mais je sais bien que ce n’est pas l’idéal aux yeux d’une personne qui vit une vie plus ordinaire. Je ne suis pourtant pas malheureuse, mais bien entendu, je comprends.

Il n’insiste pourtant pas et je lui en suis reconnaissante. Il n’a pas tort. Dans un sens, je me suis trouvé une place dans ce monde et pour quelqu’un comme moi, avec mes origines, ce n’est déjà pas si mal. Il y a tellement de parias dans le monde d’aujourd’hui. Je ne suis pas le seul cas. Les Nés-Moldus sont mis de côté, mais également tous les êtres hybrides ou maudits. Et chacun doit arriver à faire son chemin sans se retrouver seul, perdu ou condamné. J’ai un toit sur ma tête, une place sûre, je suis une personne de confiance pour quelqu’un à un certain degré, ce n’est déjà pas si mal.

« Tant que je peux assurer l’avenir de ma fille, je crois que je serai satisfaite. »

Je ne suis pas exigeante, je ne l’ai jamais été. Ni ambitieuse ni porteuse de l’envie d’accomplir quelque chose de grand. J’ai juste envie d’être entourée d’amour. On ne peut pas vraiment dire que c’est gagné de ce côté-là, mais cela pourrait être pire. Cela dit, lui, il a l’air d’avoir aussi trouvé sa place. Il semble un peu confus sur sa progression, mais il a l’air de se sentir stabilisé. Je ne sais pas trop si c’est momentané ou que ce sera plus définitif, mais ce n’est déjà pas si mal à mon sens. Il y a des gens qui mettent un temps fou pour juste en arriver à ça.

« Un peu de stabilité, une période où on n’a pas trop à se demander de quoi demain sera fait, c’est bien aussi. »

Je ne m'étais jamais trop posé de questions jusqu'à maintenant mais le fait de me confronter à mes amis et d'envisager la situation avec leur regard change un peu les choses pour moi. J’avais quinze ans lorsqu'une part de moi était tellement amoureuse qu'elle était prête à tout sacrifier pour vivre avec celui qui avait volé mon cœur, et même alors que tout le monde me faisait remarquer qu'il était étrange qu'un sang-pur aussi puissant choisissent de tout quitter pour vivre avec quelqu'un comme moi dont on ne connaissait même pas les véritables origines. Enfin, moi je les connais, mais pas la plupart des gens.

Quand j'ai compris qu'il n'avait pas l'intention de se séparer de sa promise sang-pure, mais qu'il me voulait moi aussi, et compte tenu de l'admiration que j'avais pour elle, je ne pouvais pas envisager le fait de leur appartenir comme autre chose qu'une chance. Aujourd’hui encore, un sentiment puissant me lie à eux, et je ne peux pas m'empêcher de vouloir leur faire plaisir au-delà de tout, même si ça ne semble pas spécialement raisonnable. Pourquoi ce sont eux qui sont parvenus à conquérir mon cœur, je l’ignore, mais le fait est là et je ne peux plus prétendre le contraire. Je ne l'ai jamais fait d'ailleurs.

Pour autant, mes retrouvailles récentes avec certains amis me font me demander jusqu'à quel point cette situation me rend véritablement heureuse et épanouie. Je ne peux pas être avec eux quand je le veux, et lorsqu'ils daignent m'accorder de l'attention, il n'y a plus autant de cette tendresse qui nous unissait à l'adolescence. J’essaie parfois de me dire que c'est parce que nous avons tous gagné en maturité, mais il n’empêche que cela me manque. Pour autant, je ne constate pas davantage de tendresse exacerbée entre mon maître et ma maîtresse non plus. Ce n'est pas leur façon d'être, tout simplement.

Draka a raison quand il me dit qu'un enfant est ce que l'on a de plus cher et de plus important. C’est exactement pour ça que ,quel que soit ce que je pourrais éprouver, je n'ai pas l'intention de changer ce qui est. Je n'oublie pas que Rose et génétiquement la fille de mon maître, même s'il m'a bien fait comprendre qu'elle ne devrait jamais le savoir et personne d'autre non plus. Mais il pourrait me l'enlever assez facilement, d'autant que son statut lui vaudrait très certainement de se la voir confiée beaucoup plus facilement que moi. Et je ne crois pas qu'il voudrait s'en embarrasser, mais il est évident que cela m'empêchera toujours d'envisager de changer ce qui est.

« C'est ce qui est le plus précieux et il faut espérer que le monde que nous allons leur laisser ne leur sera pas trop difficile à gérer. Tu t'inquiète pour l'avenir de ton fils ? »

C’est une bonne façon d'assurer l'avenir de son enfant que de lui donner des armes pour être sûr qu'il saura affronter ce à quoi il va devoir faire face. J'essaie de préparer Rose à ce qui l’attend dans le futur. Enfant sans père d'une mère employée de maison, elle va devoir s'attendre à des quolibets et à des moqueries, voire peut-être à des insultes en ce qui me concerne. Il faut qu'elle soit prête à l'affronter. Je ne sais pas à quel point c'est le cas, mais j'essaie de faire en sorte qu'elle ait suffisamment de répondants et en même temps qu'elle connaisse les limites afin d'avoir les meilleures armes pour survivre.

Il est difficile de savoir exactement de quoi son enfant aura besoin dans l'avenir, mais ce qui est certain, c'est que lui donner de bonnes valeurs combinées au fait de savoir réagir à la dureté des autres me semble être la meilleure option quand on est né d'une née-moldue et qu'on n'a pas de père à présenter. Encore le monde la verra-t-il plutôt comme une enfant de sang-mêlée, ce qui lui évitera peut-être les pires difficultés. Je ne les ai pas eues non plus, grâce à la présence d'esprit de ma voisine d'enfance, mais je n'oublierai jamais ce que j'ai appris par la suite concernant les enfants comme moi qui sont nés dans une famille où la magie n'existe pas.

« Préparer ses enfants à affronter l'adversité, c'est le seul moyen, je pense, pour être certain qu'ils sauront faire face à tout. Mais c'est terrible de se dire qu'on a besoin d'en passer par là pour simplement vivre normalement de nos jours. »

Ses paroles me font forte impression et je ne peux m'empêcher de penser que la simple naissance de Rose, sa conception, et ce qui a fait toute la seule vie qu'elle a connue résulte d'une décision de ma part plutôt discutable. Quand on rêve à vingt ans, et que l'on croit en ses rêves, ce qu'on trouve à la fin n'est pas forcément ce dont on avait rêvé. Au début, je me dis que Rose ne pourra pas subir quelque chose de grave à cause de ça mais elle va grandir et je ne sais pas ce qui se passera quand elle sera plus vieille. Les enfants de mon maître la traitent avec étonnamment de respect pour des enfants de sang pur, mais cela m’effraie quand-même un peu.

« J’espère que les choix que j’ai fait ne lui seront pas néfastes. Je l’espère de tout mon cœur. »

Je tiens tellement à Rose. C’est la personne que j’aime le plus au monde, même au-delà de mes Maîtres. Eux, et leurs enfants, ils ont des personnes pour veiller sur eux, ils veillent les uns sur les autres. Ils sont le haut de la société, en plus. Ils ont tout ce qu’il faut pour vivre bien, heureux, pour que tout se passe bien pour eux. Je m’occupe d’eux tous évidemment, mais je dois prendre soin de ma fille qui n’a pas cette chance. Si je l’abandonne, elle n’aura plus personne. C’est pour ça que je préfère assurer sa sécurité, quoi qu’il arrive.

Il est d’accord avec moi sur le fait de préparer nos enfants pour le pire en espérant le meilleur. Si on apprend ma véritable nature, on me l’enlèvera et on me tuera, dans le meilleur des cas. Elle aura peut-être la chance d’être considérée comme sang-mêlée et de survivre. Mais il y a plus de risques qu’elle soit aussi considérée comme Née-Moldue. Après tout, personne ne sait que mon maître est le père, sauf ma maîtresse, et il est évident qu’aucun des deux ne la protègera. Je ne sais pas s’ils iraient jusqu’à nous dénoncer si je disparaissais, mais je sais combien ils détestent la déloyauté.

« Je ne sais pas comment les choses vont évoluer. Mais je veux la protéger par-dessus-tout. Il est hors de question de la mettre en danger. »

Je sens qu’il est gêné que je ne me sente pas bien et que je culpabilise par rapport à tout ce qu’il se passe. Mais pour moi, c’est simplement que la culpabilité est juste là pour m’empêcher de prendre trop de risques. Je ne crois pas être une mauvaise mère, mais je sais que je ne dois pas l’être, ce qui est un peu différent. Le plus important, c’est que ce sont eux qui vont construire leur monde et il va falloir leur donner des bases solides pour qu’ils construisent quelque chose de beau pour eux. Même si on ne peut pas changer l’héritage que nous allons laisser, ils pourront peut-être en faire le meilleur.

« Ils faut les aider à construire le meilleur monde pour eux-mêmes, tu ne crois pas ? »

HRP:

Je ne sais pas comment j'ai fait pour en arriver là. J'ai toujours considéré que j'étais loin d'être une personne responsable et que je ne pouvais m'enorgueillir de maîtriser la situation. Cela dit, devenir mère m'a forcé à prendre certaines mesures et il ne fait aucun doute que la priorité dans cette prise de mesure est ma fille. Je sais bien que c'est illusoire de penser que je pourrais la protéger toujours de tout, surtout en vivant dans une famille où elle était officiellement inférieure aux enfants de la maison tout en passant du temps avec eux. Mais tout ce que je pourrais faire pour lui éviter les problèmes et les difficultés, j'ai bien l'intention de le faire.

Draka a l'air d'être d'accord avec moi. Je ne suis pas surprise. Il fait partie des gens pour qui j'ai toujours pensé que le bonheur de leurs enfants serait une chose essentielle. On pourrait croire que c'est le cas de tout le monde mais je sais que dans le monde de mes maîtres, il y a des gens qui sont plus avides de pouvoir et qui ne voient leurs enfants qu’occasionnellement. Et j'ai beau les aimer de tout mon cœur, mais mettre eux-mêmes ne passent pas énormément de temps avec leurs progéniture. Ceux qui ont un nom dans ce monde tolèrent rarement de faire certaines choses et il est évident qu’ils ne choisissent pas tout. Je ne peux pas ne pas croire qu'il les mettrait au centre s'ils en avaient la totale liberté.

« Je m'y efforce de mon mieux, mais ce n'est pas toujours facile. Quelques fois, je me demande ce qui se cache dans notre futur et si nous n'avons pas tort de ne pas nous en soucier autant qu'il le faudrait. »

Je trouve quand-même que Draka a quelque chose, je me demande si tout va exactement comme il veut. S'il se sent perdu, je peux peut-être faire quelque chose pour l'aider. Je ne peux pas faire tout et n'importe quoi, mais je peux totalement être là pour mes amis et je pense que c'est quelque chose de nécessaire actuellement. Du moins pour lui. Il ne voudra peut-être rien me dire mais il n'est pas question que je renonce avant d'en être sûre. Et puis, j'ai perdu mes amis depuis bien trop longtemps, je n'ai pas envie de continuer sur cette voie. C'est bien trop compliqué.

« J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui te perturbe. Est-ce que tu veux m'en parler ? »