[Camille & Emily] Visite de routine 

« On se dépêche les enfants, elle sera bientôt là ! »

Je ramasse les feuilles et les crayons et le jeune voyou que je garde râle un peu comme d'habitude. Il ne veut jamais commencer les jeux que je propose mais, quand il est temps d'arrêter, il dit toujours qu'il n'a pas terminé. C’est le plaisir de faire des caprices pour dire ensuite à ses parents que je n'ai pas voulu faire ce qu'il veut. Au début, mes maîtres prenaient sa défense et il m'est arrivé de prendre quelques gifles, mais depuis qu'ils ont confié le petit capricieux à garder à un membre de la famille qui a exposé son côté capricieux à ses parents, ils n'y font plus attention même s'ils ne le réprimandent toujours pas.

Pour moi, ça ne change pas grand-chose, outre le fait que je sais que mes maîtres estiment que j’effectue correctement mon travail, les caprices continuent et je dois bien faire avec. La plupart du temps, soit je l'ignore, soit je lui offre une friandise ou une distraction pour le faire changer d’idée. Comme je n'ai pas le temps de me battre, aujourd'hui, ce sera l'ignorance. Heureusement que ma Rose et la petite princesse ont décidé de coopérer, pour leur part. Ca me facilite grandement les choses, et ce n'est pas toujours le c'est quand elles font aussi leurs caprices.

Mais je dois reconnaître que cela arrive moins souvent. Le petit héritier a énormément de considération de la part de ses parents tandis que sa sœur représente un peu moins d'intérêt pour eux. Quant à Rose, il n'y a personne pour accepter des caprices de sa part et elle est donc moins encline à en faire. Cela dit, je n'accepterai jamais de caprice de ma fille. Elle est la seule pour qui j'ai le contrôle plein et entier de son éducation, alors je compte bien qu'elle soit élevée comme je l'entends. J’admets que ce n'est pas toujours très juste vu ce que les deux autres ont le droit de faire, mais je ne suis pas leur mère. Je ne sais pas si elle comprend du haut de ses cinq ans, mais un jour, elle comprendra.

Une domestique vient me prévenir que la personne qui s'occupe de son suivi médical depuis toujours est annoncé à la porte et je presse les filles pour finir de ranger étant donné que leur frère n’est pas décidé et bougonne dans son coin. S’il était mon fils, il ne serait pas question qu'il ne participe pas au rangement, mais si je m’avise de le gronder, je sais que je n'aurai pas ses parents de mon côté. Une fois la pièce en état, la domestique amène l'infirmière qui doit s'occuper de Rose. Je ne sais pas si sa venue est toujours aussi capitale qu’au tout début, mais elle me fait plaisir et ce n'est pas plus mal de vérifier que ma puce va bien.

« Bonjour Miss, je vous remercie de vous être déplacée. Désirez-vous que je fasse apporter quelque chose à boire ? Je n'ai pas remarqué d'anomalie dans l'état physique de ma fille depuis votre dernière visite. Mais bien-sûr, je ne vois peut-être pas tout. »

Le fils de la maison ne prend même pas la peine de saluer comme il se doit la visiteuse. Même lorsqu'il ne s'agit pas d'une invitée de ses parents au sang-pur, il est tout de même censé montrer la bonne éducation et honorer l'esprit de sa famille. Mais puisque j'ai arrêté le jeu, il est bien trop occupé à bouder pour prendre en considération l'honneur de sa famille. Je remonterai cette information à mon maître et ce sera à lui de prendre la décision de punir ou non son héritier. C’est le genre de décision qu'il ne m'appartient pas de prendre. Je ne suis que la nourrice.

Pour le moment, j'ignore complètement le petit garçon et je me concentre sur la jeune femme. Puisqu’elle est là pour s'occuper de ma fille et non des héritiers en titre, il convient qu’elle reste le moins possible et qu'elle n'occupe pas trop du temps que je dois consacrer aux enfants. Ce n'est pas que je veuille qu'il en soit ainsi, mais c'est un fait. J’ai déjà de la chance que les suivis si réguliers soient autorisés par mes maîtres. Le lien biologique de rose avec le père de famille n'y est peut-être pas complètement étranger. Il refuse de la reconnaître, mais il est évident qu'il est important pour elle qu'elle soit en bonne santé. Je n'irai pas jusqu'à dire qu’il lui est véritablement attaché, encore que je n’aie aucune preuve dans un sens ou dans l'autre.

« C'est comme vous voulez. Nous avons du thé, des jus de fruits ou même de l'eau si vous préférez. »

J’évite de lui proposer de l'alcool. Après tout, elle est là dans le cadre de son travail et il ne serait pas correct qu’elle boive. De toute façon, je suis persuadée que c'est un choix qu'elle ne ferait pas. J’aime autant régler la question en ne me dirigeant pas dans cette direction. Je la conduis vers la pièce qui sert aux séances d'auscultation où elle pourra être tout à fait à l'aise pour vérifier l'état de santé de ma fille. Si jamais elle veut ausculter les autres enfants, je ne pense pas que leurs parents y trouveraient à redire. Pour le moment, c'est Rose que j'entraîne à cet endroit et comme elle est habituée à se montrer coopérative, elle se laisse aisément faire.

« Je serai à côté, si vous avez besoin de quoi que ce soit. »

Je sais très bien que la soignante ne va pas rester bien longtemps au-delà du temps qui lui est alloué pour s'occuper de ma petite fille. Elle ne reste jamais trop comme si elle savait à quel point la possibilité de venir soigner Rose était un privilège dont elle ne devait pas abuser. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir un minimum de courtoisie en lui proposant au moins quelque chose à boire avant de repartir. Si elle fait plusieurs visites dans la journée, elle n'aura peut-être pas le temps de se poser et ce verre de jus de fruit sera peut-être tout ce qu'elle aura pour se rafraîchir un peu.

Mais tout d'abord, le travail. Elle part ausculter Rose et je l'informe que je l'attends à côté. Elle ne semble pas plus concernée que cela par l'information et je sais bien que c'est l'état de ma fille qui la préoccupe le plus en ce moment. Je suis vraiment touchée par les efforts qu'elle fait et j'apprécie aussi le fait que mon maître autorise ces soins. Bien entendu, il s'agit aussi de sa fille, mais personne ne le sait et je ne suis pas convaincue qu'un enfant de sexe féminin soit très important dans la tête d'un homme pour qui seul son héritage compte vraiment. Mais l’attention qu'il manifeste à moi et une fille me fait tout de même chaud au cœur.

« Votre jus d'orange », lui dis-je en le lui tendant.

Elle m'a informée que ma fille est en bonne santé et cela me fait plaisir. Au moins, je n'ai plus à m'inquiéter pour ça, même si j'espère que le traitement continuera à suffire pour qu'il ne lui arrive rien. Ce n'est pas que je n'aie pas confiance en la jeune femme, au contraire, mais je crains vraiment que quelque chose arrive à ma princesse. La tolérance de mes maîtres envers cet enfant illégitime a ses limites, même si tous les deux sont conscients de la paternité dans ce cas-ci. Il vaut mieux pour tout le monde que Rose ne pose pas trop de problème. Ce serait quelque chose qu'il me faudrait lui expliquer plus en détail à l'âge où les enfants commencent à poser des problèmes qu'ils ne posaient pas avant.

« Est-ce qu’elle gardera des séquelles à long terme ? »

Il est rare que les séances de soins de ma fille ne se terminent pas par une conversation avec l'infirmière. Et j'ai parfois l'impression qu'elle tient à moi à peu près autant qu’à ma fille et qu'elle veut absolument s'assurer que je me porte bien. Ça ne me dérange pas plus que ça, étant donné que sa compagnie est agréable et que son inquiétude n'est que le témoignage de la façon dont elle me considère, ce qui est plutôt flatteur en soi. Mais d'abord, je tiens à savoir où en sont les soins pour ma fille et si tout va bien de ce côté-là. Cette maladie sur le long terme m'inquiète un peu même s'il n'y a pas trop de conséquences au premier abord.

Elle me rassure et m'affirme que d'ici quelques temps, ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Il faudra peut-être encore bien des années avant que cela ne se fasse, mais c'est déjà une forme de réconfort. Ce qu'elle me dit me rassure mais elle sait ce qu'elle fait et elle a l'habitude d'administrer son traitement, je n'ai là qu'une preuve supplémentaire du professionnalisme de cette femme. Je n'en reviens toujours pas qu’elle continue à vouloir veiller sur mon enfant aussi longtemps après ce qui s'est passé. J’ai vraiment cru qu'elle finirait par se défiler, mais c'est une femme loyale et en qui on peut avoir confiance.

« Ca me rassure de l'entendre. Quand tout ceci a commencé, je me suis demandé si elle s'en sortirait en un seul morceau, mais c'est vraiment réconfortant d'avoir quelqu'un comme vous à mes côtés pour affronter cette situation. Quand vous me dites que tout ira bien, je ne peux pas faire autrement que de vous faire confiance. »

Comme je m'y attendais, elle me demande ensuite comment je vais moi. Je hausse les épaules. La vérité, c'est que cela fait longtemps que je ne me suis plus permise de me demander comment j'allais. Je vis mon quotidien et je ne le vis pas trop mal, dans la mesure où c'est celui que j'ai choisi. Mais dorénavant, je serai toujours soumise à la nécessité de protéger ma fille plus que moi-même. Si je pouvais prendre des risques pour moi à un moment donné, je n'en prendrais plus aujourd'hui, surtout si cela devait impacter ma Rose.

« Je ne vais pas trop mal. Rien de particulier vous voyez. Je vis mon quotidien. C’est plus facile en sachant que des gens me soutienne, comme vous. »

Je ne sais pas trop pourquoi je m'en faisais toujours. À chaque fois, tout s'est bien passé pour Rose et je continue à me dire que quelque chose ne va pas tourner rond. Je ne sais pas pourquoi je suis aussi stressée mais j'imagine que c'est le lot de toutes les mères. Je suis quand-même contente d'avoir quelqu'un comme cette personne pour s'occuper de mon bébé. J'ai confiance en elle, je ne sais pas pourquoi précisément elle, mais je suis certaine qu’elle est la personne qu'il faut pour être sûr que Rose soit parfaitement soignée.

Elle prend toujours du temps avec moi après, et j'ai l'impression que ce n'est pas seulement pour parler de ma fille. Elle me pose toujours des questions sur moi et sur la façon donc je me sens dans ma vie. Je lui dis toujours que ça va. Après tout, personne ne me maltraite. J'ai un toit et de quoi vivre et ma fille a accès à l'enseignement que l'on offre aux enfants qui font partie de l'élite. Je ne vois pas pourquoi je me plaindrais. Je n'ai peut-être pas une vie de princesse et je ne suis peut-être pas riche à million, mais je suis une née-moldue en vie et avec un bon travail sous la protection de gens puissants. Je sais devoir me compter chanceuse.

Je suis un peu surprise quand elle me dit que mes maîtres semblent bien s'occuper de moi. Ils ne s'occupent pas vraiment de moi et d'ailleurs, personne ne le leur demande. C'est moi qui suis là pour m'occuper d'eux et notamment pour satisfaire mon maître dès qu'il en ressent le désir. Bien-sûr, ce n'est pas comme ça que je le formule quand j'en parle, mais c'est la réalité. Les personnes comme moi sont là pour être au service des autres et satisfaire leur moindre caprice. Je connais ma place et ne m'y oppose pas.

« Mais ils ne s'occupent pas de moi », dis-je en riant. « C'est moi qui m'occupe d'eux. C’est comme cela que les choses se passent non ? »

Je n’ai pas à me plaindre. Bien entendu, mes maîtres ne sont pas là pour prendre soin de moi et si je ne le fais pas toute seule, personne ne le fera pour moi. Mais je ne suis pas maltraitée et je suis assez libre de mes mouvements. J’ai une belle chambre et de bons repas et je ne manque de rien. On offre même à mon enfant la même éducation qu’à ceux de mes maîtres, du moins en ce qui concerne les notions purement scolaires. Évidemment, elle n’est pas élevée comme une dame, mais elle n’en est pas une.

La médicomage est assez clairvoyante pour remarquer que je ne suis pas rachitique ou rouée de coups et que j’ai une vie raisonnablement correcte. Même si on ne me pouponne pas, bien des sorciers ont moins de sécurité dans leur quotidien que j’en ai. Je n’ai pas peur qu’il m’arrive quelque chose, j’ai une vie paisible. Je sais que j’ai beaucoup de chance. La plupart des sorciers ne sont pas aussi tranquilles, quel que soit le côté qu’ils ont choisi. Ils doivent se battre, soit pour garder leur place soit pour obtenir ce qu’ils veulent. Moi, je suis bien où je suis et je ne suis pas obligée de prendre parti.

« Je ne suis clairement pas dans une situation pénible, j’ai de la stabilité. »

Je n’avais pas forcément en tête le fait qu’ils me font tellement confiance, mais elle a raison sur ce point aussi. Après tout, ils me confient ce qu’ils ont de plus précieux. Après, ils savent que je leur suis loyale. Je le suis depuis Poudlard et ils n’ont aucune raison de douter de ma loyauté. Ils savent que j’ai pour eux un attachement qui va au-delà de la simple servitude. Je ne vais pas avouer ça à la jeune femme, mais c’est un fait. On ne doute jamais des personnes qui vous sont sentimentalement attachés. L’amour est un vecteur puissant.

« Je leur suis loyale depuis longtemps. Ils n’ont aucune raison de ne pas me faire confiance, tout simplement. »

Une part de moi se rend bien compte que je ne suis pas totalement neutre dans mon appréhension de mes maîtres et de la façon dont ils me traitent. J'ai tellement l'habitude d'être à eux depuis l'adolescence qu'ils pourraient me demander n'importe quoi et de n'importe quelle façon, je m'exécuterais. Mais ils ne me frappent pas, ils n'exercent aucune violence sur moi et ce qu'ils me demandent, je suis généralement ravie de le faire. Il est évident que ce sont eux qui trouvent le plus leur compte dans toute cette histoire. Mais je l'accepte comme tel.

Après tout, j'ai bien des raisons de ne pas vouloir chercher à faire des histoires. Je suis née de parents moldus et ils sont au courant. Ils pourraient me causer bien des ennuis. Et même les sang-mêlés, pourvu qu'il soit pro moldus, ne reçoivent pas forcément de leur maître un tel soutien comme celui que j'ai, notamment pour ce qui est de l'éducation de ma fille. Peu de sang mêlés reçoivent l'éducation à laquelle Rose a droit et même si elle est techniquement la fille de mon maître, je ne pense pas que ça entre en jeu dans le fait de l'autoriser recevoir ces mêmes privilèges.

« J'en suis bien consciente. J'ose espérer que c'est en partie grâce au fait que j'ai su leur montrer ma loyauté et gagner leur confiance. »

Le plus important dans toute cette histoire, c'est encore qu'ils laissent la médicomage venir s'occuper de ma fille. Quelles que soient les conséquences que cet incident ait pu avoir sur la santé de Rose, ils ne seraient absolument pas obligés de la laisser me rendre visite et prendre soin de ma fille mais ils le font. Je ne sais pas à quel point ils lui confieraient leurs propres enfants, mais je leur suis reconnaissant pour ma Rose. Je sais que Emily fait du bon travail et qu'avec elle, je n'ai pas à m'inquiéter. C'est sans doute le plus précieux pour une mère.

« La chose la plus importante, c'est que ma fille puisse être éduquée et soignée. Grâce au fait qu'ils vous laissent venir la voir, elle a tout ce dont elle a besoin. Je ne demande rien de plus. Mais et vous, êtes-vous satisfaite de votre sort ? »