ne me déteste pas + dimitri 

Il y avait un endroit dans le parc où il aimait se rendre avec sa meilleure amie, quand elle était toujours là. Ils y étaient comme seuls au monde, isolés par des fourrés derrière lesquels bien peu de monde s'aventurait. Le seul moyen de les trouver était de regarder au sol si leurs ombres se superposaient à celles des feuilles et des branches, particulièrement quand ils se tenaient debout, appuyés contre le tronc d'un chêne robuste. De là, ils avaient une vue imprenable sur les Balkans et leurs sommets enneigés. Ils s'imaginaient les escalader, atteindre les plateaux proches des sommets et observer l'Institut de là-haut. Ils se sentiraient comme des géants et ne seraient même pas capables de distinguer leurs camarades, réduits à la taille de grains de poussière. Mais tout ça était fini. Elle n'était plus là et leurs rêves s'étaient évanouis avec elle. Il était seul, à présent, délaissé par tous ou presque, sans amis, sans famille. Mais il s'en fichait : personne ne comptait plus maintenant qu'on lui avait arraché une partie de son coeur, de son âme. Ses aînés lui tournaient publiquement le dos, ses parents l'avaient renié, il repoussait ses amis. tout était fade à ses yeux, plus rien n'avait de saveur ni d'attrait. Encore moins lors de jours comme celui-ci, où elle hantait ses pensées et où il la voyait à chaque fois qu'il ouvrait les yeux.

Dimitri cligna des yeux pour chasser le fantôme de Mira de ses pupilles. Elle n'était pas réellement là, il le savait, mais depuis qu'il avait entendu sa voix et vu son corps quelques jours plus tôt, il la voyait partout. Il avait l'impression que tout ce qu'il avait accompli depuis sa mort avait volé en éclat et se retrouvait le jour de son enterrement, à pleurer sa disparition. Et, aujourd'hui, il n'avait plus le courage d'affronter la réalité. Il avait décidé de sécher les cours et avait envoyé un hibou à Zora pour repousser leur séance de rattrapage au lendemain. Emmitouflé dans sa cape bordée de fourrure, il avait esquivé tout le monde et sauté le petit déjeuner pour se rendre dans le parc, à cet endroit précis où il allait si souvent avec Mira. Ils avaient ris à cet endroit, mais ils avaient aussi pleuré. Ils avaient eu peur ensemble quand la chasse aux nés-moldus a été déclarée. C'était là qu'il ressentait le plus sa présence, là qu'elle avait probablement laissé une partie de son âme pour qu'il la retrouve. Il n'y était plus retourné depuis le début de l'année, effrayé par ce qu'il ressentirait une fois qu'il y serait seul, sans elle. Écartant les fourrés pour se glisser dans son endroit secret, il eut un choc en constatant qu'elle n'était pas là. Une douleur sourde cogna dans sa poitrine et sa gorge se serra, mais il ne recula pas. Il alla s'adosser au chêne et fixa les Balkans si intensément qu'il ne vit bientôt plus rien d'autre.

De longues minutes avaient passé, peut-être bien des heures, sans que Dimitri ne bouge un muscle. Il faisait le vide dans son esprit, l'empêchait de penser à autre chose qu'aux montagnes devant lui. Puis un bruit le fit sursauter et il eut le fol espoir que ça soit Mira. Il l'imagina passer une main dans ses cheveux noirs pour en retirer les feuilles et sourire de ses lèvres pleines, s'excusant pour le retard. Mais quand il tourna la tête, il vit une fille blonde, le teint trop pâle. Demetria. Il faillit l'envoyer chier, vexé qu'il était qu'elle ne daigne lui parler que par l'intermédiaire de lettres. Depuis la rentrée, elle ne lui avait pas adressé la parole, ne l'avait qu'à peine regardé... ou était-ce lui qui évitait son regard et ne la voyait pas le fixer pendant les repas ? Il ne réagit aucunement à sa touche d'humour, n'esquissa aucun sourire ni ne marqua son agacement. En fait, elle aurait pu ne rien dire que la réaction n'aurait pas été différente. Il se contenta juste de détendre les traits de son visage, non pas pour éviter les rides mais pour ne pas montrer sa déception de la voir elle plutôt qu'une fille qu'il savait morte. Il regarda brièvement la chocogrenouille qu'elle lui montrait avant de reposer les yeux sur elle, toujours immobile. Il faillit rire quand elle lui dit s'inquiéter de sa nouvelle solitude. Si elle n'avait pas choisit le camp de leur père, peut-être lui aurait-elle tenu compagnie... Désolé, il faut croire que les gens n'apprécient pas trop ce que père a fait de moi. Il avait parlé lentement, détachant les syllabes avec soin, mais sans mettre aucune émotion dans sa voix. Il ne ressentait plus rien, de toute façon, juste le vide au creux de son ventre. Il détourna la tête pour reposer son regard sur les montagnes, se désintéressant de sa soeur. Tu ferais mieux de retourner auprès de Connor, faudrait pas qu'il te trouve avec moi, hein ? Il risquerait de dire à père quelle mauvaise fille tu es, à côtoyer un traître de mon genre. Cette fois, il ne pu masquer totalement sa colère, même s'il savait qu'il était injuste. Sous l'influence de leur père, il était impossible de lui désobéir. Lui l'avait fait, mais il avait eu une bonne raison... Demetria n'était pas encore assez désespérée que pour l'imiter.

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La réaction qu’il fit naître sur le visage de sa sœur ne lui apporta aucune satisfaction. Il savait bien qu’elle n’était pas responsable, qu’elle était sous l’emprise des hommes de la famille et n’avait d’autre choix que d’obéir, être une bonne fille et être jolie. C’était tout ce qu’on lui demandait, tout ce qu’on attendait d’elle. Une fille au sang pur n’avait pas le droit de penser par elle-même et encore moins quand ces pensées allaient à l’encontre de celles des hommes. Sa sœur pourtant était différente. Elle avait une volonté propre, des désirs, des rêves et un cerveau qui fonctionnait plus qu’à moitié. C’était peut-être pour ça qu’il lui en voulait tant, parce qu’il savait qu’une part rebelle avait grossi en elle et qu’elle ne s’en était pas servie pour rester en contact avec son cadet. N’était-il pas assez bien que pour qu’elle défie leur père ? D’autant qu’elle n’avait pas grand-chose à perdre, aucun privilège, aucun titre autre que celui de princesse à marier. Leur père n’aurait pas grand-chose à lui prendre, alors que son jumeau avait tout à perdre. Mais il était injuste, il le savait. Il ne pouvait pas lui demander de choisir entre lui et le reste de la famille, savait qu'à sa place il en serait lui aussi incapable. Sauf que, dans l'état où il était, la colère était sa seule défense, le seul rempart qui l'empêchait de s'écrouler.

Dimitri émit un bruit de gorge peu convaincu quand Demetria annonça qu'elle s'occupait de leur frère. Que croyait-elle pouvoir faire ? Le forcer à changer d'avis sur lui ? L'empêcher de parler à leur père ? Après la maison hantée, Connor devait le voir comme un faible, incapable de se rappeler que la fille qu'il aimait était morte et incapable de se ressaisir. Il était évident que, dès qu'il en aurait l'occasion, il irait cafter tout ça à leur père qui répandrait de nouvelles histoires à son sujet pour le décrédibiliser encore plus. La plupart des familles de sang pur devaient déjà le mépriser et rire dans son dos, à l'heure qu'il était. Au moins y voyait-il un avantage : le projet de fiançailles le concernant devait avoir été annulé à la seconde où il avait quitté le manoir familial ! Il serait libre de choisir la fille qui partagerait sa vie, pourrait décider de son sang, son nom, son caractère. Il pourrait même choisir de ne plus jamais tomber amoureux, ça lui éviterait bien des souffrances. Bon courage alors ! S'il avait réussi à mettre un peu d'ironie dans sa voix, c'était toujours la lassitude qui prenait le dessus. Il était fatigué de tout, de sa douleur, de la pitié, de l'absence des filles qu'il aimait, de Mira et Demetria. Il voulait que ça en finisse.

Soupirant quand Demetria insista avec sa chocogrenouille, Dimitri tendit la main et s'en empara d'un geste blasé. Sa soeur n'aimant pas le chocolat, c'était uniquement pour lui qu'elle achetait ces friandises. Pas forcément parce qu'il adorait ça, car le chocolat en lui-même était simplement passable, mais surtout pour sa collection de cartes qui grandissait chaque année. Même ses parents avaient pris l'habitude de lui en offrir pour le féliciter pour ses examens ou une autre réussite du genre. Mais maintenant il n'aurait plus rien d'eux. Merci. Il ne savait pas trop pourquoi il la remerciait, si c'était pour la friandise, ses excuses, ou simplement parce qu'elle était là. Elle se glissa à ses côtés et il ne fit rien pour la repousser ou s'éloigner. Il avait besoin d'elle. Cette certitude s'insinua en lui avec une telle force qu'elle lui coupa le souffle une seconde. Le silence s'installa entre eux, le genre gênant durant lequel aucun des deux ne savait quoi dire. Si ça n'avait pas été sa soeur, il aurait parlé météo, Quidditch ou cours, mais il savait que ça aurait été ridicule. Il aurait pu demander des nouvelles de sa famille aussi, mais est-ce que la santé de leur père, qui l'avait déjà renié, et de sa mère, qui n'avait rien fait pour le protéger, l'intéressait réellement ? Est-ce que sa santé à lui les intéressait ? Pensaient-ils seulement à lui ? Sa mère avait-elle pleuré son départ ? Parce que lui avait pleuré son absence. Elle lui manquait à lui, l'adolescent, et non au prince de sang pur ni même au fier Voda. Il était un enfant en manque de sa mère. Mais lui ne lui manquait probablement pas, raison pour laquelle il préféra garder le silence plutôt que d'entendre sa soeur lui dire combien elle allait bien sans lui dans sa vie.

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Un frisson parcourut son corps au contact de la main de sa soeur sur la sienne. S'il avait recommencé à toucher la peau d'une autre fille depuis la mort de sa meilleure amie, ces contacts restaient rares et éprouvants. Il avait l'impression que c'était elle qui le touchait, qui le prenait par la main et glissait ses doigts le long de son bras, comme avant. Et depuis la maison hantée, tout était amplifié, confus, comme si c'était réel et qu'elle était revenue pour lui. La chaleur de la main de sa soeur lui rappelait la sienne, un peu plus grande et forte, certes, mais d'une douceur similaire. Il ferma les yeux, s'abandonnant au souvenir de ses visites ici avec elle, imaginant que sa soeur était une autre personne. Il se la représenta un peu plus petite, avec des cheveux noirs et la peau plus foncée, des yeux d'un bleu de glace et la lèvre étirée dans un sourire satisfait. Il serra sa main un peu plus fort et inspira, imaginant que le parfum qui lui montait au nez était celui de son amie, aux senteurs de lilas. Puis elle ouvrit la bouche et le charme se rompit d'un coup. Il ressenti le vide au fond de lui et tourna la tête vers sa soeur, si différente de celle qu'il aurait aimé trouver, et pourtant si réconfortante. Elle était réelle, présente, vivante.

Dimitri dévisagea un instant sa soeur, avalant ses paroles comme un médicament. Il avait besoin d'elle, c'était une certitude, et les mots qu'elle prononça lui firent plus de bien qu'il ne l'aurait cru. Savoir qu'elle ne lui avait jamais réellement tourné le dos, qu'elle ne le considérait pas comme un traître était une bénédiction. Même si elle ne lui avait pas forcément montré, qu'elle avait mis du temps avant d'oser venir le voir, ça comptait pour lui. Il ne lui répondit pas, se contenta d'un sourire qui signifiait tout. Dire merci serait trop peu par rapport à ce qu'il ressentait, trop léger. Il serra sa main et tourna la tête vers les montagnes. À mesure que sa soeur parlait, la rancoeur qu'il avait accumulée contre elle s'apaisait, remplacée par la douceur de sa voix et le bien qu'elle lui faisait. Il avait toujours pu compter sur elle quand il allait mal, aurait presque pu l'appeler maman si elle avait eu plus que dix-sept ans. Elle se comportait avec lui comme une mère poule, comblant l'absence de la duchesse qui déléguait tout aux précepteurs et aux nounous. Avant son départ, c'était à peine s'ils se parlaient une fois par jour, sa mère et lui, alors que sa soeur le soignait quand il se blessait, l'écoutait quand il était triste et lui apportait des chocogrenouilles. Enfant, quand il faisait des cauchemars, c'était Dem qui venait le consoler et le bordait jusqu'à ce qu'il se rendorme. Il pouvait se passer de sa mère, mais ne pourrait jamais survivre sans Demetria.

Dim hocha la tête à l'affirmation de sa soeur. Tout était plus facile à Durmstrang, loin de leurs parents et de leurs obligations royales. Mais cette année, tout y était aussi plus douloureux et empreint de souvenirs dont il ne voulait pas. Je sais. Ici, ils ne peuvent pas nous surveiller. Pas autant qu'au manoir, en tout cas... Lâchant la main de sa soeur, il croisa les bras et baissa la tête. Depuis qu'il était parti, il était libre de faire ce qu'il voulait, de sortir quand il voulait et avec qui il voulait. Pourtant il n'était pas plus heureux qu'avant, ne se sentait pas libéré de l'emprise de son père. Où qu'il aille, il entendait ses reproches, croisait les regards hostiles de ceux qui avaient crus aux mensonges du prince. Il le suivrait partout, et il ne pouvait rien faire pour l'arrêter. Si ça avait été quelqu'un d'autre, je serais resté, tu sais. J'aurais été en colère et je l'aurais montré, mais j'aurais pu supporter de le regarder. Mais je l'aimais... Et vivre dans un monde où elle n'est plus là et devoir regarder chaque jour le visage de son assassin m'était impossible. Je l'aimais... et à cause de lui elle ne le saura jamais. S'il se doutait que sa soeur avait deviné ses sentiments pour Mira depuis longtemps, il ne l'avait jamais dit à voix haute. C'était la première fois qu'il l'admettait, sa voix tremblant de larmes qu'il ravalait avant qu'elles ne passent la barrière de ses cils. Il avait imaginé un futur avec Mira, un mariage, des enfants, une vie loin des conventions, des histoires de sang pur et de royauté dont il n'avait cure. Tout ce qu'il comptait pour lui, c'était cette fille. Et son père la lui avait arrachée sans aucun remord.

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Oui, Demetria avait raison, Mira avait du se douter de l'amour que lui portait Dim. Il fallait dire qu'il n'était pas très discret, passant son temps à la dévorer des yeux, cherchant toujours le contact avec elle et souriant dès qu'elle entrait dans son champ de vision. Il l'aimait, elle l'avait probablement deviné, mais jamais il ne lui avait dit. Elle avait du mourir avec ce doute, cette incertitude et la possibilité qu'elle ne faisait qu'imaginer ces sentiments... C'était ça le plus grand regret de Dimitri, cette lâcheté qui l'avait empêché de dire ces trois petits mots, de rendre réel cet amour qu'il lui portait. Elle était morte sans le savoir et lui vivrait en ignorant la possible réciprocité de ses sentiments. Mais je ne lui ai jamais dit... Il secoua la tête, déprimé par cette lâcheté, cette torture qui ouvrait dans sa poitrine un trou béant. S'il lui avait dit, tout aurait peut-être été différent. Peut-être même que, s'il l'avait dit clairement à son père, il l'aurait épargnée ? Par amour pour son fils ? C'était improbable, mais pas impossible... malheureusement c'était fait et il ne le saurait jamais.

Quand Demetria parla de l'ambiance tendue qui régnait chez eux, Dim baissa la tête, ressentant une pointe de culpabilité mêlée à une satisfaction lugubre. C'était son départ qui avait causé tout ça, lui qui avait créé cette ambiance pesante. À cause de lui, sa soeur avait du passer un mauvais été mais, grâce à lui, la réputation de son père avait baissé d'une bonne dizaine d'étages. Désolé. Même si le mot sonnait faux, Dim le pensait en partie. Il s'en voulait un peu d'avoir quitté le manoir sur un coup de tête, d'avoir abandonné sa soeur avec le reste de la famille, de ne plus avoir donné de nouvelles après. Mais eux n'en avaient pas pris non plus, ils ne s'étaient jamais inquiétés de savoir où il vivait, s'il mangeait à sa fin, s'il avait un toit au-dessus de sa tête. Peut-être avaient-ils pensé à lui, peut-être s'étaient-ils inquiétés en esprit, mais ça ne comptait pas. Rien d'autre ne comptait que la certitude que son père avait tué Mira et que personne n'avait rien fait pour le punir. Sa mère ne l'avait pas quitté, ses enfants ne s'étaient pas rebellés, ses collègues ne l'avaient pas renié. Tout le monde avait trouvé normal qu'il ait assassiné une enfant et tout le monde avait jugé indigne qu'un de ses fils ne puisse l'accepter.

Le fait que Connor prétende être du côté de Dimitri lui arracha un rire jaune. Comme si son aîné, le fils à papa, l'enfant parfait, pouvait être du côté de son cadet ! Ils n'avaient jamais été d'accord sur rien, ne s'étaient jamais bien entendus, et là soudainement il ressentait de la compassion ? Il faut dire que ton frère n'a jamais rien fait pour la détacher, cette laisse. Ton frère. Aujourd'hui, Dimitri ne considérait plus Connor comme son frère, ne gardait comme lien que le fait qu'il était lui aussi le frère de leur soeur. Pour lui, il pourrait mourir que ça ne lui ferait rien. Sa seule famille se résumait à Demetria, point. Son père était un assassin, sa mère une soumise et son frère un insensible qui se fichait de lui. Tous les trois se fichaient de lui, en vérité, ça avait toujours été le cas. Dimitri n'était rien à leurs yeux, juste une roue de secours au cas où l'hériter ne pourrait assumer, mort, débile ou rebelle. Mais Connor était l'enfant prodige et Dimitri était inutile, une bouche de trop à nourrir, un enfant à l'esprit trop libre et à la langue trop bien pendue. Seule Demetria l'a traité comme un frère, un être humain, un enfant, plutôt que comme un nuisible mal éduqué.

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Il s'était excusé et elle lui avait dit que ce n'était pas à lui de le faire. Demetria avait raison, bien sûr, ce n'était pas Dim qui avait déclenché cette histoire, pas lui qui avait décidé que sa meilleure amie devait mourir. Mais il aurait pu essayer de rester, faire face. Il aurait pu essayer de sauver Mira, aussi, l'obliger à se cacher, la prévenir qu'elle risquait de devenir une cible. Au lieu de ça, il avait espéré que leur père épargne son amie et puis il était parti en se fichant des conséquences sur la famille. Un vrai égoïste. Mais au moins pas un assassin. Demetria avait raison, ce n'était pas lui le plus gros fautif dans tout ça. Il avait ses torts, mais ce n'était rien comparé à ceux de son père. Lui n'avait tué personne. Lui n'avait brisé personne. Lui n'avait pas planté un couteau dans le dos de son propre fils. Je sais. Il savait, oui. Il savait que leur père n'aurait jamais laissé sa fille unique sortir à la recherche du vilain petit canard. Il ne lui en voulait pas pour cet été, mais il lui en avait voulu pour les semaines qu'ils venaient de passer à Durmstrang et durant lesquelles elle l'avait ignoré comme Connor l'ignorait.

Les excuses de Demetria arrivaient trop tard, et Dim n'aurait su dire s'il lui avait déjà pardonné ou si ça lui collerait à la peau pour le reste de sa vie. Dorénavant, serait-il capable de garder confiance en son côté maternel ? De ne pas perdre la foi ? De continuer à croire qu'elle serait toujours là pour lui ? Si elle ne lui parlait pas pendant quelques jours, est-ce qu'il croirait à nouveau qu'elle l'a oublié et renié ou ne s'inquiéterait-il pas plus que de nécessaire ? Il décida de ne pas mentionner son absence depuis la rentrée et de ne penser qu'à l'été où elle avait probablement était surveillée d'aussi près que du lait sur le feu. T'en fais pas, je n'attendais rien de toute manière. Pas de Connor ou toi, en tout cas, je savais que Père vous en empêcherait. C'est le silence de Mère qui faisait le plus mal. Comme si elle se fichait pas mal de savoir où je vivais, si je mangeais ou si je faisais mon deuil. C'était son rôle à elle, pas le tien. La chaire de sa chaire, le sang de son sang... Comment pouvait-elle être aussi indifférente par rapport à lui ? Était-ce parce que son époux lui avait imposé cette distance ou bien n'avait-elle réellement aucun sentiment pour son dernier né ?

Ils en arrivèrent ensuite à parler de Connor, de cette laisse qu'il utilisait en prétexte pour agir comme un connard sans coeur. Dimitri n'était pas dupe, leur père avait effectivement une emprise sur lui, mais Connor ne semblait pas vouloir s'en défaire. Il l'aimait bien, cette éducation, ces ordres qu'il pouvait suivre sans réfléchir. Ca lui servait d'excuses. "Ouais je suis un connard mais j'ai obéi, c'est pas ma faute." Dimitri et lui se disputaient souvent pour ça, avant, parce que l'un était docile et que l'autre préférait penser par lui-même. Non, il n'en a plus sur moi. Je n'ai plus peur de lui, il ne peut plus me blesser aujourd'hui. Il soupira. Qu'est-ce qu'il pourrait me faire de pire, de toute manière ? À part tuer ses aînés, ce qu'il ne ferait jamais, leur père ne pourrait plus l'atteindre comme il l'avait fait en éliminant Mira d'un geste nonchalant. De toute façon, il ne le laisserait plus faire, ne lui donnerait plus jamais d'occasions pour le blesser. Il ne le reverrait jamais, ou uniquement par hasard, ne lui parlerait plus jamais. Il ne l'appellerait même plus son père, car aucun père digne de ce nom ne faisait subir ça à ses enfants.

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Le commentaire de Demetria à propos de leur mère trouva écho en Dimitri. Il était possible en effet que la vie de duchesse ait durcit son caractère, que les règles et les conventions et l'isolement lui aient arraché une part d'humanité. Car il se souvenait d'elle quand il était enfant. Elle était douce et gentille, elle l'aimait. Qu'est-ce qui avait changé ? Lui ou elle ? Les deux ? Était-il devenu une déception ou avait-elle perdu tout sens de l'empathie envers son dernier né ? Il étira ses lèvres en un nouveau sourire sans joie. Ou peut-être la peur l'a-t-elle rendue insensible. Père fait cet effet sur beaucoup de monde, hein ? Connor, par exemple. Lui aussi avait été un peu plus sympa dans leur enfance ; pas franchement amical ni aimant, mais moins dur. Et puis il avait commencé à écouter les discours du prince et voilà ce qu'il était devenu. Même Dimitri devenait insensible, engourdi par la douleur et la tristesse de la perte. Enfin, il retrouvait quelques sensations avec Zora, mais ce n'était pas encore comme avant. Il n'était toujours pas redevenu le Dimitri qu'il était - et il ne le serait jamais plus.

L'avertissement de Demetria fit rire son cadet. Il ne sous-estimait pas son père, il ne faisait qu'une constatation. Rien ne pouvait plus le blesser comme l'a mort de Mira l'avait détruit. Rien que son paternel ne pourrait faire, du moins. Il garda le silence un instant, ressassant de sombres pensées avant de répondre à sa soeur. Il ne vous tuera pas, Connor et toi, parce que vous êtes trop précieux. Mère est sa chose, elle ne risque rien. Et me tuer moi serait une délivrance plutôt qu'une nouvelle trahison. Il dit ça sur un ton neutre et grave, sérieux. S'il mourrait demain, il accueillerait la Mort avec le sourire, ne supportant plus cette vie de souffrances, de trahisons et de mensonges. Il n'en pouvait tout simplement plus, mais pas au point de se suicider lui-même. Il voulait vivre, c'était une évidence, mais il ne se défendrait pas si quelqu'un décidait de mettre un terme à ses jours. Même pas son père. Surtout son père. Au moins il ne pleurerait plus, ne souffrirait plus. Il retrouverait Mira là-haut et veillerait sur Zora ici-bas.

Poussant un soupir, Dimitri décolla son dos du tronc d'arbre et avança d'un pas. Cela faisait longtemps qu'ils étaient là, et il ne voulait pas que Connor vienne chercher sa jumelle et les trouve ensemble en train de parler. Il serait capable de foutre la merde, de se faire des idées et d'aller tout raconter à leur père. Demetria aurait des problèmes simplement parce qu'elle s'inquiétait pour son cadet... Va rejoindre ton frère, je suis sûr qu'il te cherche. Il se décala pour la laisser passer, désirant rester encore un peu à cet endroit où vivait toujours le fantôme de Mira. Dem... Merci d'être venue. Il lui sourit et la pris dans ses bras, elle qui avait été là pour lui toutes les années où sa mère ne l'avait pas fait. Elle qui l'avait ignoré par obligation mais avait trouvé le courage de quand même venir. Trop tard, certes, mais quand même. Il ne pouvait pas lui reprocher d'avoir peur de leur père ; elle avait encore plein de choses à perdre alors que lui n'était plus qu'une coquille vide. La peur était un sentiment lointain pour lui, vestige d'un passé plus lumineux. Il lâcha sa soeur et se rassit à même le sol, la laissant s'éloigner vers leur aîné. Loin de lui.

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