son profil sévère ♣ derek 

Derek & Nam-jung

Le mur froid contre ton dos, des bruits de conversations et de parchemins qu'on retourne, des employés qui passent sans cesse devant toi, une odeur d'encre et de cire de bougie, un goût de poussière sur ta langue. Même les yeux fermés, tu serais capable, en écoutant tes autres sens, de dire où tu te trouves. Depuis près d'un an maintenant, tu te rends dans cette salle chaque premier samedi du mois, attendant patiemment qu'on s'occupe de toi, que quelqu'un daigne t'emmener voir le directeur. Tu ne veux parler qu'à lui, lui qui a été le seul à t'accorder un peu de temps la première fois.

Ta jambe tressaute frénétiquement au souvenir de cette première visite, le premier samedi de janvier 2133. Tu venais d'apprendre que l'Europe était confinée et que tu ne saurais pas rentrer chez toi tout de suite. Mais tu ne pouvais pas rester ! Ton inscription à Poudlard avait touché à son terme et tu n'avais aucun endroit où aller ! Il fallait que tu rentres chez toi, qu'on te laisse passer malgré la loi qui l'interdisait. Alors tu t'es rendu au Poste de Police Magique, espérant que quelqu'un pourrait te venir en aide, t'écouter et te faire passer la frontière pour que tu retrouves ta vie, ta Corée, tes parents et Mahoutokoro. Ce jour-là, tu avais mis de côté toute ta timidité dans l'urgence d'obtenir de l'aide, et tu avais réussi à attirer l'attention.

Sauf que personne ne voulait t'écouter. Ils avaient mieux à faire, plus important à gérer que le caprice d'un adolescent. Il y avait des meurtres, des vols, des casses... tant de choses qui passaient avant toi, tu t'en es rendu compte par la suite. Sur le moment, pourtant, tu voulais qu'on t'écoute et tu as... lâché prise. Quand deux hommes t'ont attrapé par le bras pour te tirer dehors, tu t'es débattu, tu as crié, donné des coups de pieds dans le vide et mordu le poignet d'un des brigadier qui ne faisait que son travail. Tout ce raffut aurait pu t'attirer des problèmes, mais le directeur lui-même t'a entendu et est venu calmer le jeu. Il t'a pris dans son bureau, t'as fait asseoir sur une belle chaise, et il t'a écouté.

Malheureusement, il ne pouvait rien pour toi, n'avait aucune possibilité de te faire rentrer chez toi, aucune solution à te proposer. Il a envoyé une lettre à quelqu'un de Poudlard pour demander qu'on te garde en tant qu'élève jusqu'à ce que les choses changent, puis il a demandé à un brigadier de te ramener en sécurité à l'école. Tu n'oublieras jamais cette première rencontre, la peur qu'il t'a inspirée quand, de sa voix autoritaire, il a demandé le calme. Tu t'étais figé d'un coup face à ce géant qui aurait pu te briser du revers de la main. Toi, si chétif et menu que tu es, n'aurais rien pu faire contre un homme tout en muscle comme lui. Au final, il a été assez gentil que pour que tu oses, chaque mois, le déranger et lui voler quelques minutes pour connaître les avancées de l'enquête.

Aujourd'hui, c'est le premier samedi de novembre. Comme toujours, tu es parti un peu plus tôt de Poudlard, juste avant midi, pour pouvoir te rendre au Poste de Police par réseau de Cheminettes avant le début de ton service aux Trois Balais. Alors que la secrétaire de monsieur Stark t'a lancé un regard désapprobateur, tu t'es assis sur une chaise en plastique noir devant le bureau du directeur, attendant qu'il sorte pour déjeuner. Un regard à l'horloge t'indique qu'il est midi et quart ; à ce moment précis, la porte s'ouvre et le directeur sort sans te voir, ayant oublié ta visite ou t'ignorant délibérément. Ta timidité revenue, tu te racles la gorge en te levant.

Excusez-moi, monsieur Stark ?

D'un pas hésitant, tu te diriges vers lui, parcourant des yeux son dos imposant, sa démarche autoritaire et son profil sévère. Si tu ne le connaissais pas un minimum, jamais tu ne t'approcherais de lui, craignant qu'il te marche dessus sans même s'en rendre compte, comme les camions qui roulent parfois sur les petites voitures sans les avoir vues.

Est-ce que je peux vous parler une minute ?

Cachées dans la poche de ton sweat à capuche rouge et vert, tes mains se tordent de nervosité. Il ne t'a jamais envoyé promener les fois précédentes, mais qui sait ? Peut-être en a-t-il marre que tu viennes le déranger pendant sa pause de midi ? Ce n'est pourtant pas ta faute, c'est sa secrétaire qui refuse de te laisser entrer, sous prétexte qu'il a trop de travail. Tu le comprends bien, mais tu ne restes jamais que cinq minutes... ce n'est pas beaucoup, si ?

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Derek & Nam-jung

Sans un regard dans ta direction, il s'avance dans le hall de sa démarche assurée et rapide. Trottinant derrière lui, tu l'interpelles aussi fort que tu l'oses, gêné à l'idée d'attirer l'attention sur toi mais désireux de te faire entendre. Tu le vois ralentir et te places légèrement en retrait sur sa gauche, attendant qu'il te réponde, t'envoie au diable ou s'arrête pour t'accorder quelques minutes de son temps précieux.

(derek) ...

Surpris, tu t'arrêtes au milieu du couloir, te demandant si c'est vraiment à toi qu'il a demandé de le suivre. D'habitude, il te fait entrer dans son bureau ; il ne lui est jamais arrivé de te proposer un déjeuner ou même une petite visite du poste. Plissant les yeux, tu le regardes faire quelques pas avant de te reprendre. Tu le rattrapes un peu plus loin et, en silence, le suis dans les couloirs. Ton regard se promène partout, observant les gens, la décoration, les portes fermées et les intersections, te demandant ce qui se trouve derrière et où mènent les couloirs adjacents.

Plus vous approchez de la cafétéria, plus tu sens des odeurs alléchantes, senteurs salées et sucrées, fruitées ou fumées. Un murmure de conversations atteint tes oreilles avant que vous n'entriez, t'annonçant la présence de plusieurs dizaines de personnes. À l'intérieur, la plupart des tables sont occupées par le personnel du Secrétariat, des plateaux remplis de nourriture devant eux. Ils discutent en mangeant, certains lisent des dossiers, d'autres ont des journaux ouverts à côté d'eux.

Impressionné par cette foule inconnue, tu suis monsieur Stark comme l'adolescent perdu que tu es. Au self, tu choisis une part de pizza et une canette de coca, n'ayant pas assez sur toi pour t'offrir ce morceau de tarte aux pommes qui te fait de l'oeil. Plateau en mains, tu suis de nouveau le chef de la police jusqu'à une table, t'asseyant en face de lui en te faisant tout petit pour que personne ne remarque ta présence ici. Personne ne te regarde, et pourtant il te semble que tous les yeux sont braqués sur toi.

Est-ce que... vous avez du nouveau ? À propos du dôme ?

Assis sur le bord de ta chaise, la tête rentrée dans tes épaules, tu t'empares de ta pizza pour en mordre un coin. Tes yeux grands ouverts sont fixés sur le directeur, dans l'attente d'une réponse que tu supposes déjà négative. Tous les mois, c'est pareil : tu viens dans l'espoir de trouver une amélioration, une piste, une possibilité, mais rien ne change et tu repars déprimé... jusqu'au mois suivant. Chaque fois, tu te dis que c'est peut-être la bonne, que cette fois-ci sera plus chanceuse, et chaque fois tu es déçu et tu repars frustré.

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Derek & Nam-jung

Le goût de ta pizza te parait bien fade tandis que le directeur Stark t'annonce qu'il n'y a toujours pas de nouveau. Le dôme est toujours là et les policiers n'ont aucune idée de comment le faire disparaître... Ca te laisse une saveur amère sur la langue et tu poses ton repas avec une moue déçue. Le parfum d'un espoir désillusionné.

Tu hoches cependant la tête avec reconnaissance pour le compliment qu'il te fait sur ta persévérance. C'est un de tes traits de caractères et que monsieur Stark le voie comme une qualité te fait plaisir, même si tu aurais préféré n'avoir à venir qu'une fois, obtenir des bonnes nouvelles et rentrer chez toi. Tu le remercies du bout des lèvres, autant pour sa réponse que pour son admiration, et poses les yeux sur ta pizza.

Sa question indirecte sur ton pays te surprend et tu relèves la tête, oubliant ta déception pendant une seconde. C'est la première fois qu'il s'intéresse à toi, qu'il mentionne tes origines. Tu te remémores un instant ta ville, la plage à proximité, ta maison et la capitale non loin. Tout y était beau. Tu aimes beaucoup l'Écosse, aussi, mais l'image de l'Europe a été ternie par la sensation d'être enfermé dans une prison dorée.

J'habitais à Incheon, une ville au nord-est qui longe la Huang Hai - la Mer Jaune. La plage était à vingt minutes de ma maison donc j'y allais assez souvent avec mon intendant, Kim. On ramassait des coquillages et on faisait des barbecues avec des crabes et des poissons qu'il pêchait.

En y repensant, tu peux presque goûter la chaire des palourdes que vous faisiez cuire les pieds dans l'eau. Tu t'amusais tellement ces jours-là que tu en oubliais que tes parents étaient au travail et que tu étais laissé seul avec Kim. En général, il t'offrait une glace avant de rentrer et tu choisissais toujours celle à la pomme, fraiche et sucrée.

Les hivers coréens sont très froids, bien plus qu'ici. Nous avions l'habitude de passer Sae-hae - le Nouvel An - sur l'île de Jeju, au sud du pays, car elle possède un climat plus chaud. On ne fête pas trop Noël avec mes parents, car cette fête n'est pas très populaire en Corée, mais on s'offrait des cadeaux pour la nouvelle année.

Et cette année encore, si rien ne change, tu seras loin d'eux pour Sae-hae et pour Seolnal, la nouvelle année lunaire. Tu aimerais pouvoir leur écrire une lettre, leur envoyer un hibou ou n'importe, mais le dôme t'en empêche et tu devras encore attendre avant d'avoir de leurs nouvelles.

Tu pourrais encore parler pendant des heures, décrire les villes, les paysages, les coutumes et le respect des coréens. Parler de la nourriture, si caractéristique de ta culture, mais tu t'interromps, ne voulant pas monopoliser la conversation. Tu finis par reprendre une bouchée de ta pizza froide. Ton pays te manque, ta famille te manque, Mahoutokoro te manque...

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