Les messes-basses finissent toujours par s'entendre (Nikita & Elena) 

Des murmures dans les salle de réunion, elle en entendait chaque jour. Parfois complices, parfois énervés, parfois sulfureux. Elle surprenait des intimités et des relations - amoureuses ou conflictuelles - à chaque fois qu'elle sortait de son bureau. Dès qu'elle entendait les chuchotements, elle s'éloignait, ne voulant pas être mêlée à ces histoires et désireuse de respecter la vie privée de ses collègues. Elle-même n'apprécierait pas qu'on l'espionne, alors elle n'espionnait pas, n'écoutait pas au porte, ne jetait même pas un coup d'oeil pour voir qui étaient les protagonistes de ces échanges secrets. Elle se contentait de tourner les talons ou de passer en regardant droit devant elle si vraiment elle n'avait pas le choix. Aujourd'hui, cependant, elle ne pu s'en empêcher. Les mots qu'elle entendit attirèrent son attention, associant le nom de sa mère à des insultes fleuries et un désir de la voir être remplacée à la tête du Secrétariat. Surprise et curieuse, elle avait jeté un oeil dans l’entrebâillement de la porte et son regard s'était posé sur une seule personne, la seconde étant cachée hors de sa vue. Une brigadière... un allié inattendu, mais un allié de choix.

Sourire aux lèvres, Elena remonta vers son bureau. Elle n'emprunta pas l'ascenseur afin d'avoir le temps de masquer sa satisfaction et arriva à son étage avec le masque hautain qui la caractérisait. Elle s'arrêta un instant devant son assistante, claquant des doigts pour attirer son attention. Convoquez la brigadière Bless, je la veux dans mon bureau le plus vite possible. Avec un regard suspicieux, la jeune femme s'empressa d'écrire une lettre qu'elle envoya sous les yeux d'Elena. Satisfaite, elle claqua la porte de son bureau derrière elle et s'assit en attendant que la brigadière n'arrive. La jeune femme allait probablement se demander ce qui lui valait une convocation aussi inattendue, n'ayant aucune explication dans la lettre qu'elle allait recevoir, mais Elena s'en fichait. Une fois qu'elle saurait les motifs de cette requête, Nikita comprendrait qu'elle ne pouvait pas demander à son assistante de l'écrire. Ces quelques mots auraient signé la fin de leurs carrières et peut-être même de leurs vies. Elles auraient été enfermées pour complots contre la Secrétaire et, connaissant Kathleen, elle aurait été jusqu'à exiger le baiser d'un Détraqueur... pour la brigadière du moins. Elle aurait peut-être la clémence de laisser sa fille en vie, penserait pouvoir la remettre sur le droit chemin et s'en servir à nouveau à l'avenir.

S'occupant avec un dossier en attente, Elena se forçait à ne pas regarder l'horloge qui, le supposait-elle, n'avançait de toute façon pas assez vite à son goût. Quand on vint frapper à sa porte, son assistante passa la tête pour annoncer l'arrivée de miss Bless. Eh bien faites-la entrer ! D'un geste désinvolte, elle chassa la jeune femme et se leva pour accueillir Nikita avec un sourire aimable et le regard froid et distant qui la caractérisait. Elle regarda entrer l'ancienne Auror et l'invita d'un geste à prendre place tandis qu'elle refermait la porte au nez de son assistante. Merci d'être venue, mademoiselle Bless. Elena alla s'asseoir à son tour, croisant les mains sur son bureau. J'imagine que vous vous demander ce que vous faites ici ? Avez-vous une petite idée ? S'il avait été difficile au début de se comporter avec autorité face à des gens plus âgés qu'elle, Elena avait compris que ce n'était pas l'âge qui jouait, mais l'attitude. Alors elle regardait les gens de haut, posait des questions pièges pour les mettre mal à l'aise et avait perfectionné l'art du sourire dit "aimable et méprisant" qui avait le don de perturber son interlocuteur. Seulement, aujourd'hui, elle ne se comportait ainsi que parce qu'elle se doutait que son assistante resterait un peu derrière la porte. Une minute, minimum, avant de retourner s'asseoir en pensant que la Secrétaire Adjointe faisait correctement son travail.

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L'attitude polie et respectueuse de Nikita plu directement à Elena. Comme elle, elle avait perfectionné l'art de masquer ses pensées derrière des sourires et des flatteries bien placées, des "mademoiselle" et autres formulations qui laissaient croire à l'autre qu'il avait le dessus. Elle lui plaisait, oui. Avoir quelqu'un comme elle de son côté serait un bon atout pour l'adjointe qui rêvait de renverser sa mère. Le sourire d'Elena s'élargit, se fit plus sincère quand Nikita avoua n'avoir aucune idée de la raison de cette convocation. C'est préférable, en effet, sinon nous nous retrouverions bien bêtes, n'est-ce pas ? répondit-elle à la supposition de Nikita. Il lui paraissait évident que, si elle l'avait fait venir dans son bureau, c'est qu'elle savait pourquoi, mais ça avait été dit sans ironie, et donc Elena lui répondit sur le même ton, avec un sourire sympathique. Lançant un regard discret derrière son interloctutrice, elle vérifia qu'aucune ombre sous la porte n'indique la présence d'Anna derrière celle-ci.

Certaine qu'on ne les écoutait plus, Elena se pencha un peu en avant vers Nikita et lui lança un regard entendu. Je vous ai entendue parler de ma mère il y a quelques minutes. Haussant un sourcil, elle marqua une pause pour lui laisser, si elle le voulait, le temps de se justifier, de nier ou de jouer aux idiotes. Le mieux serait qu'elle assume, qu'elle arbore un regard de défi et qu'elle accepte d'éventuelles conséquences, mais Elena comprendrait très bien qu'elle tente de sauver ses fesses et son poste face à la fille de celle qu'elle venait d'insulter ouvertement. Après quelques secondes, elle reprit, le plus calmement du monde. Voulez-vous boire quelque chose, mademoiselle Bless ? Ce changement de sujet aussi radical qu'inattendu était un moyen pour Elena de montrer à Nikita qu'elle n'allait rien lui faire de mal. Elle ne la ferait pas renvoyer, ne la dénoncerait pas et ne l'engueulerait même pas pour ces propos irrespectueux. Se servant elle-même un verre de jus de citrouille, l'heure matinale n'invitant pas à partager de l'alcool, Elena attendit la réponse de Nikita pour la servir ou non.

Après avoir pris une gorgée du breuvage sucré, Elena se reconcentra sur ce qui l'intéressait réellement : le mépris évident de la brigadière envers madame la Secrétaire. Je pense comme vous, voyez-vous. Ma mère n'a rien à faire à ce poste, elle ne se préoccupe que d'elle-même et oublie la sécurité des gens qu'elle est censée servir. Parcourant le bureau des yeux, Elena soupira, consciente que ses propos étaient de la pure trahison et pouvaient l'emmener droit à Azkaban. Si Kathleen l'entendait... elle perdrait toute la liberté qu'elle avait réussi à acquérir miette après miette. Mais elle ne comptait pas s'arrêter là. Savez-vous qu'elle a le sang moldu ? Malgré ça, elle a signé les ordres de les massacrer, éliminant ses semblables tout en gardant ses fesses bien au chaud dans son bureau. C'était certes la décision qui rebutait le plus Elena, ne comprenant pas comment sa mère pouvait accepter de vivre avec ça sur la conscience. Elle devait bieb se douter, pourtant, que si les Pozhiratelis n'avaient pas eu besoin d'elle, son corps ne serait déjà plus qu'un squelette moisissant dans une fosse anonyme.

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Parler de sa mère en ces termes pouvait faire renvoyer Elena sur-le-champ, mais elle se doutait que la brigadière ne la dénoncerait pas, et elle devinait que Anna était partie face à l'ennui de la conversation. Elle pouvait parler librement, et elle ne se gênait pas, révélant des détails sur la vie privée de sa mère. Le fait qu'elle était née moldue n'était pas un secret, mais ça ne se criait pas non plus sur les toits. Certains n'étaient pas au courant et, en l'apprenant, étaient outrés de savoir qu'elle avait laissé les Pozhiratelis massacrer les siens sans bouger un orteil. La brigadière Bless, cependant, ne manifesta pas d'étonnement. Elle trouvait ça logique, et Elena reconnaissait qu'elle n'avait pas tort. Kathleen avait sauvé ses fesses en approuvant ces décisions immondes, et maintenant elle se prenait pour la reine de l'Europe. Je ne suis pas sûre qu'elle ait vu aussi loin tellement elle est aveuglée par le pouvoir, mais il est vrai qu'elle s'est sauvée en fermant les yeux. Et c'était écoeurant. Le jour où les gentils reprendraient le pouvoir, Elena serait ravie de pouvoir envoyer elle-même sa mère à Azkaban pour la punir de ses crimes odieux.

Elena prit une gorgée de son jus, regrettant de ne pouvoir boire quelque chose de plus fort. Elle eu un sourire amer en entendant la brigadière dire qu'elle était ravie qu'elles soient du même côté. En théorie, il était vrai qu'avoir dans son camp quelqu'un de haut placé était intéressant, mais quand cette personne était pieds et poings liés, c'était bien moins utile. Malheureusement je ne suis pas certaine de pouvoir être très utile. Je suis surveillée et on me tient en laisse. Elle posa son verre avec un claquement de langue désapprobateur et un regard sombre vers la porte. Si elle avait pris quelques libertés ces derniers temps pour aider quelques innocents, ça ne compensait pas son incapacité à prendre des décisions ou à dire non. L'année précédente, elle avait baissé les bras et signait, pendant les massacres, des dizaines d'actes de décès par jour, parfois même alors que la victime vivait toujours. Et elle n'avait pas réagit. Des gens auraient pu vivre si elle avait tenté de les sauver, mais elle n'avait rien fait. Aujourd'hui, elle aidait deux ou trois personnes mais n'osait pas faire plus. Et ce n'était pas assez.

S'appuyant contre le dossier de sa chaise, elle bascula la tête en arrière pour fixer le plafond. Elle se fichait pas mal de paraître faible ou inutile face à la brigadière. Elles étaient dans le même panier et la dignité n'était bonne à jouer que pendant les événements publics. En privé, Elena se laissait aller, sachant que de toute façon elle avait le pouvoir de détruire la vie de quiconque ferait courir des sales rumeurs à son sujet. Que mademoiselle Bless essaie seulement de dire que Elena était contre sa mère et elle perdait son travail dans la seconde. Elena la pourrirait tellement qu'elle deviendrait une pestiférée à tous les niveaux de la société et n'aurait plus de possibilité que de vivre parmi les moldus. Si je vous ai fait venir, mademoiselle Bless, c'est parce que nous pouvons nous aider mutuellement. Redressant sa tête, elle lança un regard sérieux à la brigadière. Celle-ci n'était pas très haut dans les échelons, ni même particulièrement importante, mais c'était mieux ainsi. Si personne ne la connaissait, personne ne ferait attention à elle. Personne ne la verrait. Si bien sûr vous le voulez. Dans le cas contraire, je vous invite à sortir et à oublier cette conversation. Elena lui laissait le choix, mais toutes deux savaient qu'il n'y avait qu'une option : collaborer et retirer ensemble les fruits pourris du panier.

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Un sourire naquit sur les lèvres d'Elena quand, avant même que la brigadière ne prenne la parole, elle lu sur son visage qu'elle s'était fait une alliée. Sa réponse le lui confirma, et Elena leva son verre pour trinquer en silence. Un an et demi. Il lui avait fallu un an et demi pour se bouger le cul, mais enfin elle réagissait et allait se révolter. Elle ne serrait plus seulement un pantin manipulé par sa mère, un visage qu'on exhibe, un nom qu'on clame alors qu'on tient fermement la laisse qui lui enserre le cou. Dorénavant, elle ferait quelque chose pour aider ceux qui le méritent et botter les fesses de ceux qui lui ont fait du mal. Oui, elle allait agir, enfin. Et elle ne serait pas seule. En ce cas tu peux m'appeler Elena et me tutoyer aussi. Elle rendit son sourire à Nikita, pris une gorgée de son jus de citrouille puis se renfonça dans son siège pour se mettre plus confortablement. Savoir qu'elle pourrait compter sur quelqu'un d'autre dans le Secrétariat était libérateur. Elle n'aurait plus à se méfier de tout le monde - Timaël excepté, évidemment. D'ailleurs, pouvait-elle le compter parmi ses alliés ? Même s'ils étaient meilleurs amis, Tim était un Pozhirateli convaincu...

Repoussant ces doutes de son esprit, Elena laissa couler un instant de silence pour choisir ses mots. Elle avait une alliée, restait maintenant à voir ce qu'elles pouvaient faire ou non. Comme elle l'avait dit plus tôt, Elena était quasiment pieds et poings liés, mais elle pouvait tout de même faire quelques petites choses. Transmettre des dossiers avec du retard pour permettre à Nikita de sauver des gens. Lui faire passer en douce des documents confidentiels. Peut-être même lui faire des copies qu'elle lui donnerait en mains propres et brûlerait après qu'elle les ait lus. Quant à Nikita, elle pourrait être ses yeux et ses oreilles au sein du Poste de Police. Je vais probablement te décevoir, mais je n'ai pas de plan d'action précis. Je ne pensais même pas trouver quelqu'un qui partage mon avis dans ce foutu bâtiment alors... Elle leva les yeux au ciel en insultant ce lieu qu'elle avait pourtant toujours rêvé diriger. Aujourd'hui, si elle pouvait partir loin et ne jamais revenir, elle le ferait sans hésiter, emmenant Seth avec elle et ne se retournant sous aucun prétexte. Mais elle était en prison et elle comptait bien faire de la vie de ses geôliers un enfer sur Terre.

Croisant les jambes, Elena laissa son regard se perdre dans la contemplation de son bureau. Elle était tellement inutile. Une fichue usurpatrice. Elle convoquait Nikita pour l'enrôler et voilà qu'elle n'avait rien à lui proposer. Pathétique. Passant une main dans ses cheveux, elle se retourna vers la brigadière. Je pense que pour commencer, il serait bien de déterminer en qui nous pouvons avoir confiance ici. Personnellement, je ne suis autorisée à côtoyer que des gens que ma mère a dans la poche ; si je convoque quelqu'un, tu as pu constater que je suis surveillée. D'un geste nonchalant, elle désigna la porte et, de ce fait, Anna. Elle se doutait que son assistante n'écoutait plus, mais elle était certainement en train d'écrire à Kathleen pour lui dire que les deux jeunes femmes se sont rencontrées. Dorénavant, elles ne pourraient plus se voir trop souvent sous peine d'attirer l'attention sur leur nouveau duo. Est-ce que tu pourrais me présenter ces gens avec qui tu parlais tout à l'heure ? Je me dis que ça sera moins suspect si je m'adresse à vous à tour de rôle. Parler sans cesse à Nikita reviendra à attirer sur elle les soupçons des espions de Kathleen, et la faire surveiller n'était pas l'idée.

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Elena fronça le nez quand Nikita lui annonça que les hommes à qui elle parlait tout à l'heure ne les aideraient peut-être pas. Elle les présenta comme des grandes gueules qui ne bougeraient pas leurs fesses pour agir et pour les aider. Génial. Elena se frotta le front du bout des doigts pour réfléchir, puis reporta son attention sur Nikita. Elle hocha la tête. Merci de ton avis, je vais être prudente. Peux-tu m'écrire leurs noms pour que je décide lesquels valent la peine d'être contactés ? Elle fit glisser un parchemin et une plume vers la brigadière pour lui permettre d'inscrire les noms de ces gens. Selon leurs postes et leurs pedigrees, elle verrait lesquels seraient dignes de son attention. En choisir dans des secteurs variés serait le plus judicieux. En choisir sans famille aussi, ils ne seraient pas bloqués par la peur que leurs actes retombent sur des parents ou des enfants. Les sang pur seraient évidemment à éliminer ; ils pourraient être compromis.

Le fait que Nikita se propose pour fouiner et trouver des alliés fit sourire Elena. Elles étaient sur la même longueur d'onde. La brigadière  était prête à enquêter contre les ordres de ses supérieurs, à passer en revue ses collègues pour trier le bon grain du mauvais. C'est une bonne idée, mais ne te mets pas en danger, d'accord ? Si quelqu'un commence à avoir des doutes, restes prudente, d'accord ? Il ne fallait pas que quelqu'un découvre leur petit manège et décide d'aller les balancer. Nikita risquerait son poste et Elena... elle risquait soit une tape sur les doigts, soit la prison, selon l'humeur de sa mère quand elle choisirait de sa punition. Et si Nikita était découverte, elle serait officiellement une cible pour les Pozhiratelis et sa vie serait constamment en danger. Alors il fallait qu'elle soit prudente et discrète, qu'elle ne s'approche des gens que lorsqu'elle serait sûre d'y trouver un allié.

Elena prit une gorgée de son jus de citrouille en réfléchissant. De mon côté, je pourrai te transférer certains dossiers, sur tes collègues ou d'autres employés du service. Je peux aussi m'arranger pour te prévenir quand un arrêt de mort concernant un innocent passe par mon bureau, ça te laissera un peu de temps pour prévenir la cible et peut-être la sauver. Elena avait décidé qu'elle ferait tout pour sauver les nés-moldus ou toute autre victime potentielle des Pozhiratelis. Bien sûr, elle ne pourrait pas tous les aider, mais si quelques uns pouvaient garder la vie sauve grâce à elle, alors elle serait heureuse. Elle repensa à Nam-jung, le sang pur étranger qui avait été fiancé alors même que les lois ne s'appliquaient pas à lui. Elle ne lui sauverait pas la vie, certes, mais elle aiderait à lui éviter une vie malheureuse. Et il y avait cette née-moldue disparue depuis un moment qu'elle voulait retrouver et aider. Oui, il était temps que les choses changent.

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