Le vilain petit canard (Demetria & Dimitri) 

Dimitri était toujours debout dans le hall d'entrée quand son frère passa la porte. Il se laissa débarrasser par un domestique sans prononcer le moindre mot à son cadet. Il ne s'excusa pas, ne l'engueula pas, ne le regarda même pas. Dim n'attendait rien de lui, de toute façon, ayant bien compris que Connor était trop profondément conditionné que pour ne serait-ce que tenter de penser par lui-même et oser défier leur père. Il ne se tourna pas vers lui pendant qu'il entrait dans le bureau du prince, ne vit pas le regard désolé et larmoyant qu'il lui adressa. Il n'entendit que la voix autoritaire qui lui faisait des reproches. Sans se soucier du sort de son aîné, Dimitri profita de la certitude que son père était dans son bureau pour passer devant le salon et rejoindre sa chambre. Les deux femmes de la maison n'étaient plus non plus près du sapin, les emballages de cadeaux abandonnés à même le sol pour que les domestiques les ramassent. Un éclat argenté attira son regard. Le bracelet de Mira. Alors même qu'il avait dit à Connor de le garder, Dim ne pu se résoudre à le laisser là. Il alla le récupérer et le glissa dans sa poche, souvenir cruel d'une époque révolue.

Traînant des pieds, vidés de l'intérieur, il monta les escaliers menant au premier étage et se dirigea vers sa chambre. Il nota avant même d'entrer que quelque chose clochait. Il avait refermé la porte, il en était certain, et pourtant un filet de lumière se glissait dans un interstice qui n'aurait pas du être là. Quelqu'un était dans sa chambre, mais qui ? Dem ? Sa mère ? Un domestique ? Anticipant toutes les éventualités, il poussa la porte et entra pour poser son regard sur les cheveux blonds de son aînée. Assise sur son lit, elle semblait l'attendre, ayant deviné par quelle cheminée il était arrivé. Immobile, il garda le silence un long moment, son regard plongé dans celui de sa soeur. Que devait-il lui dire ? Lui souhaiter un joyeux Noël ou se passer des mondanités et lui demander si elle savait ? Après tout, Connor et elle n'avaient jamais eu de secret l'un pour l'autre, c'était toujours Dimitri qui se retrouvait mis de côté, exclu du duo fusionnel formé par les deux autres. Il n'avait jamais eu sa place. Détournant le regard, il alla s'asseoir près d'elle et s'empara de son ancien oreiller pour le serrer contre lui. Il avait toujours la même odeur d'adoucissant, celui au jasmin que leur gouvernante aimait tant.

Là encore, Dimitri se tu un moment, ne sachant quoi dire. C'était sa soeur, sa chaire et son sang, et il ne savait même plus lui parler. Parce qu'il avait peur de ce qu'il pourrait entendre, parce que trop de trahisons avaient déjà brisé son âme pour qu'il en supporte une nouvelle. Baissant les yeux vers la moquette couleur crème, il remonta ses pieds sur la couverture pour s'asseoir en tailleur. Une pose fort nonchalante pour un prince, mais il s'en fichait. Il n'avait jamais été digne de ce titre, de toute manière. T'as eu des beaux cadeaux ? Voilà, il avait choisi. Ce serait donc les mondanités d'usage après les fêtes. Demander si la dinde était bonne, si les cadeaux étaient beaux et si l'ambiance était joyeuse. S'étaient-ils amusés ? Leur père les avait-il autorisés à prendre un verre de vin ? Auraient-ils droit au champagne au Nouvel An ? Avaient-ils parlé de lui ? Avaient-ils seulement pensé à lui comme il a passé sa soirée à ressasser et à tenter d'oublier qu'il était seul ? Tant de questions dont il ne voulait pas connaître les réponses mais qui ne cessaient de tourner encore et encore dans son esprit torturé. Pourquoi fallait-il que les Dragsa viennent tout gâcher à chaque fois qu'il allait mieux ?

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Elle avait eu de beaux cadeaux. Dim lui sourit tristement, content pour elle mais incapable d'effacer les dernières minutes de son esprit. Il n'avait pas envie de parler de tout ça, n'avait plus envie de parler de son frère et de son père, des mensonges, des trahisons qui s'accumulaient dans son dos, de la douleur. Il voulait juste passer au-dessus de tout ça, enfin se reconstruire et ne plus souffrir. Oublier cette partie de sa famille, finir son deuil et recommencer à vivre. Sans Mira, bien sûr, mais ce n'était pas impossible. Personne ne prendrait sa place, pas même Zora, mais il avait un coeur assez généreux pour le souvenir de la brune et l'amour de la blonde. Ce ne serait pas une trahison, si ? Mira voudrait qu'il soit heureux, qu'il fasse sa vie, qu'il rie et qu'il aime à nouveau. Elle ne voudrait pas qu'il se morfonde ainsi pendant encore des années et des mois. Et même si ça ne se ferait pas en un claquement de doigts, il voulait essayer.

La question de Démétria fit hausser ses épaules à Dimitri. S'il allait bien ? Pas du tout, et elle devait bien le voir, mais c'était plus une question polie. Il baissa les yeux vers ses mains qui serraient l'oreiller. Ca va aller. Mieux que pour Connor, d'ailleurs, je crois qu'il est en train de se prendre un savon. Par sa faute ? Totalement, si Dim n'était pas venu avec ce bracelet, son aîné ne serait pas en train de se faire engueuler par leur père. Le regrettait-il ? Pas du tout. C'était Connor qui avait merdé, en assistant au meurtre de Mira, en ne disant rien, en envoyant ce bracelet à un Dimitri encore fragile. Il n'avait qu'à assumer, lui qui n'avait aucun remord et qui criait fièrement qu'il avait obéit aux ordres et que si c'était à refaire il ne changerait rien. Il regarderait encore son père tuer la meilleure amie de son frère. Sans rien tenter, sans rien ressentir, froid et cruel. Un soldat, tout ce que son parrain aimait. Un abruti sans coeur qui obéissait sans réfléchir à ce qui était juste ou non. Aucun esprit critique, aucune prise d'initiative, juste des ordres et une obéissance aveugle.

Il soupira. Il ne voulait plus penser à ça et se pourrir avec cette histoire. Que pourrait-il y changer, de toute façon ? Mira était morte et son frère irrécupérable... Et toi ? L'ambiance était pas trop nulle hier ? Il se doutait bien que si, que leurs parents auraient fait semblant de rien et que les enfants - ou au moins Demetria - auraient regretté l'absence de leur cadet. Mais il espérait qu'elle lui dise que non, que tout s'était bien passé et qu'ils avaient rit comme avant. Juste pour qu'il culpabilise un peu moins. Juste pour s'imaginer qu'ils n'avaient plus besoin de lui et qu'il pouvait continuer à squatter chez son pote pour ne plus avoir à venir ici. Juste pour croire que sa soeur était quand même heureuse et gâtée pour les fêtes. Vous avez mangé quoi ? Lui avait mangé le repas préparé à Durmstrang, festin succulent et délicieux, mais qui avait un goût de solitude et de désolation. Être seul pour Noël était triste, et c'était sa première fois, mais il finirait par s'habituer, non ? Zora fêterait ses Nöels dans sa famille, et lui n'en avait plus. Il serait seul jusqu'à ce qu'on lui impose une fiancée et qu'il soit obligé de s'asseoir à la table qu'elle aurait dressée pour manger la nourriture qu'elle aurait préparée avec amour ou avec poison. Quelle belle perspective d'avenir...

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