Venez me retrouver - Sydney & Min Seo#1 

Jusqu’à maintenant je profitais allégrement de mon été. Je n’avais pas vu passer ce premier mois qui touché aujourd’hui à sa fin. D'ici deux semaines, je devrais de nouveau penser à mes cours. En effet, chaque été je faisais le tri dans mes notes pour améliorer mes leçons. Rendre interactif les cours théoriques, trouver des façons originales de pratiquer les métamorphoses. Tout cela prenait du temps. Cette année, heureusement, j’allais pouvoir faire cela en duo avec mon mari. Il reprenait en septembre le chemin de Beauxbâtons et notre fils celui de l’école maternelle. Un gros changement s’annonçait, raison pour laquelle nous avions jusqu’à lors passé le moindre moment en trio. Enfin, exception faite en début du mois lorsque Lucas effectuait ses achats de rentrée et que j’avais pu rencontrer par hasard Seth dans le parc de la grande ville. Bonne surprise car il avait enfin pu faire la connaissance d’Eliott.

Aujourd'hui, la rencontrer n’était pas fortuite. J'avais reçu un hibou de la part de Min Seo, un jeune médicomage que j’avais croisé pour la première fois deux ans plus tôt. Il m’avait soigné avec application bien que je sois à ce moment-là une ennemie du régime en place. En plus de ses bons soins, j’avais rencontré une personne agréable et douce dont le caractère correspondait très bien au mien. Nous étions naturellement restés en contact depuis et j’avais ainsi accepté avec joie son invitation au restaurant. Je m’étais préparée ce matin avec application, une jolie robe estivale et un maquillage léger, puis j’avais transplané. Comme chaque été, il y avait du monde dans les rues de la Grande Ville Marchande, pourtant je repérai rapidement Min Seo déjà présent devant notre lieu de rendez-vous.

Je lui souris en l’entendant. Je n’oubliais pas qu’il m’offrait à chaque fois un savoureux mélange de vouvoiement et de tutoiement. Cela m’avait étonné la première fois puisque dans ma langue maternelle ces notions étaient quasiment inexistantes dans le langage courant. D'après ce que m’avait appris Lucas, cet emploi était beaucoup plus codifié dans la langue française. Chaque dialecte avait finalement ses règles. Enfin, je ne savais pas comment fonctionnait la langue maternelle de Min Seo, mais sur les transpositions au bulgare ou à l’anglais c’était original. Nous lisions les cartes magiques sur ces réflexions. Temps calme qui me permit également de répondre à sa première interrogation.



Je lui souris une nouvelle fois, m’intéressant à la fois à sa réponse et au menu. Il y avait un choix très varié dans ce restaurant américain. Cela dit, j’étais très fine bouche. Original pour une anglaise car je devais bien admettre que notre gastronomie n’avait rien de délicat, ni même parfois de savoureux. Sauf qu’à la maison Lucas tenait les fourneaux et il n’y avait rien de mieux qu’un français pour nous concocter des bons petits plats. Enfin, selon mes goûts bien sûr. Ainsi, lorsque Min Seo me demanda si quelque chose me plaisait j’hésitais encore. Je ne voulais pas quelque chose de trop pesant sur l’estomac en raison de la chaleur à l’extérieur. Et en même temps j’avais très faim.



Un autre sourire avec le regard braqué sur lui. J'étais curieuse de connaître son choix.

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Min Seo allait bien également et contrairement à moi il était submergé par le travail. Cela ne me surprenait pas. J'avais entendu parler des règlements de compte à la suite des procès. Certains verdicts ne plaisaient pas. Je devais admettre que pour quelques cas l’issue me semblait bien trop facile. Les Pozhiratelis avaient su se protéger en cachant des informations compromettantes et en se protégeant mutuellement. Après tout, il n’y avait pas eu tant de délation que cela pour sauver sa peau. À mon goût les libérations conditionnelles étaient pourtant une sacrée sanction. Les sorciers concernaient ne pouvaient plus user de la magie à leur guise sous peine de se retrouver emprisonné de nouveau et représentaient alors un danger moindre. J'étais une opposante convaincue, néanmoins j’étais en mesure de détecter plusieurs niveaux de culpabilité. J'étais également rassurée pour les jeunes enrôlés de force qui avaient échappé à une condamnation. Bref, il y avait eu des rixes et cela devait s’ajouter au travail habituel de Feudeymon. Puis, il y avait également plus de sorciers dans la nature, les élèves n’étant pas, en cette période estivale, pris en charge par les infirmeries des écoles.


Je dis cela avec un sourire. Ils allaient bien, c’était ce qui m’importait le plus. À présent, Eliott allait évoluer dans un monde plus juste, enfin je croisais les doigts pour que ce soit bien le cas. La menace que j’avais combattue ne nous pesait plus sur les épaules, c’était déjà un bon début. J'espérais que lorsqu’il aurait l’âge de penser à cela, les histoires de sang ne seraient plus un problème. Enfin, sur cette mise en bouche, il était temps pour nous de choisir un plat. Min Seo était moins décidé que moi et n’avait pas peur d’une spécialité plus grasse malgré la chaleur. Il avait certainement un organisme plus solide. En tout cas, j’étais bien en peine de l’aider à faire un choix. Cela dit, à la fin de sa phrase il semblait plus décidé pour le cheeseburger. Il revint ensuite sur une conversation plus centrée sur nos vies.


En gardant mon sourire sur les lèvres, je regardai autour de notre table si un serveur n’était pas dans le coin. Personne en vue. Enfin, nous n’étions pas pressés et nous pouvions poursuivre notre discussion.


Je cherchais à confirmer ou non mes suppositions initiales. Cela dit, je pouvais très bien me tromper et apprendre que la quantité de travail était tout le long de l’année importante pour mon ami médicomage.

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Comme beaucoup de parents j’adorais parler de mon enfant. Je ne menais pas des discussions uniquement tournées autour du sujet Eliott, cela pouvait même être agaçant d’être considérée seulement en tant que mère. En revanche, faire le point sur son évolution me ravissait toujours. Que Min Seo s’intéresse à cela était forcément un facteur de bien-être. Je ne pouvais pas lui retourner la question, mais ce n’était pas dramatique. Fonder une famille n’était pas une fin en soi, il y avait bien d’autres moyens d’être épanoui. Cela dit, oui c’était plaisant de voir les progrès de mon fils et je ne pus qu’acquiescer en entendant les paroles de mon ami.

Après le sujet de mes vacances et de manière plus éloignée de mon travail, je m’intéressais au quotidien de Min Seo. Il avait annoncé être très occupé mais j’espérais plus de détails. Ma curiosité fut vite rassasiée. Il ne manquait habituellement pas de travail mais, la charge était bien accrue suite aux attaques menaient contre les Pozhiratelis. Les bruits de couloirs étaient donc vrais. Enfin, avant le renversement du régime ce devait être les corbeaux qui dirigeaient les attaques en question. Mon ami médicomage avait dû en voir de toutes les couleurs ces quatre dernières années. Je faisais moi-même partie des sorcières ayant fait un séjour à Feydemon. Personne n’avait été épargné et malheureusement la folie continuait. J'espérais que la situation se calmerait rapidement. Nous ne pouvions pas reconstruire un monde juste en employant les mêmes ressorts haineux qu’un régime totalitaire.


Je croisais également les doigts pour que les jeunes enrôlés de force ne subissent pas cette double sanction. Ils en avaient suffisamment bavé pour ne pas en rajouter une couche. Comme si le passage des épreuves et l’emprisonnement n’avaient pas été traumatisants. Enfin, sur ces pensées peu joyeuses, le serveur arriva devant notre table. Je commandai comme convenu une cobb salade accompagnée qu’une limonade tandis que Min Seo choisit finalement le cheeseburger. Lorsque l’homme tourna les talons, je fixai de nouveau mon ami.


Après tout nous n’étions pas des êtres uniquement voués au travail. Bien que cela accaparait beaucoup de temps pour nous deux, nous avions aussi droit à nos moments pour souffler. De manière indirecte, j’étais également curieuse de savoir ce qu’il faisait de son temps libre.

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Anxiogène c’était bien le mot. J'étais rassurée que d’autres personnes opposées au régime Pozhiratelis ne se satisfassent pas de ces attaques. Il était évident que beaucoup de sorciers faisaient confiance à la justice et aux verdicts rendus, néanmoins c’était bien de l’entendre. J'adhérais aux propos de mon ami, la haine ne pouvait qu’attiser la haine. Notre communauté avait besoin de souffler puisque tout le monde en avait bavé. Les nés-moldu plus que les autres puisqu’ils avaient été traqués et tués. Quant aux sang-mêlés, même si notre vie n’était pas en danger, nous étions tout de même brimés et déconsidérés. Parfois l’atteinte physique avait eu lieu, il me suffisait de me rappeler le récit qu’Hayden m’avait fait du camp de duel l’an dernier. Une violence symbolique était lourde à porter et encore les corbeaux n’avaient pas poussé le vice en nous excluant des hautes fonctions. Enfin, concernant le sort des sang-purs, je ne le trouvais pas bien glorieux. Entre ceux qui étaient obligés de rejoindre les Pozhiratelis, ceux qui avaient été mariés contre leur gré, et les étudiants qui n’avaient pas eu d’autres choix que de poursuivre leur cursus à Durmstrang. La vie des non partisans n’avaient pas été simple.

Parler des vacances permettait de penser plus positif. Min Seo aurait des vacances prochainement. Voilà ce qui me rassurait même s’il ne s’agissait que de deux semaines. Je reconnaissais encore plus ma chance d’être enseignante, bien que mon travail ne s’arrêtait pas qu’au temps passé dans ma salle de classe et que je devrais d’ici quelques jours me pencher de nouveau sur la préparation des leçons. J'étais contente d’apprendre qu’il comptait profiter de son animal de compagnie et de ses proches. Il allait pouvoir souffler et prendre du temps pour lui. Je ne pouvais que répondre à son sourire communicatif. Quant à la décoloration, je souris davantage. J'avais touché adolescente à mes cheveux, ce qui avait rendu furieuse grand-mère. Pour cela j’avais usé d’une métamorphose, ils n’étaient donc pas sortis abimés de cette passe. Cela dit, j’avais fait quelque chose de peu complexe. Je devais me pencher sur la possibilité de reproduire avec la métamorphose les choix capillaires de mon ami.


Mon sourire se poursuivait tandis que le serveur apportait les boissons. Parfait, je commençais tout juste à mourir de soif.


Une petite virée dans la Grande Ville Marchande ne comptait pas bien entendu.

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Mon sourire se décomposa quelque peu en entendant les paroles de mon ami. Pour me donner une contenance je bus quelques gorgées de ma limonade. Grand-mère était l’une des personnes que j’aimais le plus au monde. Elle avait également été mon modèle principal. La période qui avait suivi son décès avait été l’une des plus difficile de ma vie. J'avais beaucoup de respect pour la femme qui avait veillé sur moi et élevé mon frère. Nous ne nous étions pas toujours entendues à merveille car adolescente je n’étais pas facile à vivre. Butée dans ma passion du Quidditch, pas toujours intéressée par les cours. En colère aussi de l’absence des parents. Mon entrée dans la vie de joueuse professionnelle avait aidée à apaiser notre relation. Nous étions moins l’une sur l’autre et lors de mes déplacements je ne manquais jamais de correspondre avec elle. Si elle avait été furieuse pour cette histoire de décoloration c’était aussi parce qu’elle était accompagnée d’autres débordements. Puis, il y avait certainement de sa part la crainte de me voir grandir et le souhait que je ne prenne pas de mauvaise décision. Vu comme cela ce n’était pas si peu. Puis, elle ne se serait pas permise de commenter le style d’autres personnes. Elle aurait certainement été surprise en le voyant mais, elle ne se serait pas arrêtée là-dessus.


Je lui souris timidement. Je n’osais lui dire de manière directe que son cœur avait déjà lâché. Je ne voulais pas non plus jeter un froid. Il ne pouvait pas le deviner. En revanche, je tenais tout de même à réhabiliter sa mémoire. Grand-mère n’était pas une vieille femme aigrie, simplement une lady qui vivait avec les codes qu’elle connaissait sans pour autant se permettre de juger les autres. Enfin, je ne fus pas suffisamment attentive sur la suite de la phrase pour rebondir. Quoi que j’aurais aimé à l’instar du Pozhiratelis blessé, pouvoir contempler l’arc-en-ciel. À la place je poursuivis avec un sujet plus joyeux en espérant qu’il ne reviendrait pas là-dessus ni même qu’il s’excuserait. Je n’avais pas besoin de cela et il n’avait pas à se sentir coupable. Les vacances donc. Rien de prévu au programme d’après ce qu’il me disait.


Il fallait en effet faire la demande auprès du Secrétariat et ils étaient débordés. En même temps, la quantité de demandes était très importante puisque les sorciers séjournant à ce jour en Europe n’avaient pas pu quitter le continent ces dernières années. Il y avait forcément des priorités entre ceux qui voulaient rentrer dans leur pays d’origine et ceux qui souhaitaient simplement changer d’air. Puis l’étude des dossiers était minutieuse afin de ne pas laisser filer un Pozhiratelis sans un jugement préalable.


Je lui souris une nouvelle fois. Je ne savais même pas si son père était un sorcier ou un moldu. S’il était vélane cela voulait dire que sa mère l’était et donc qu’elle avait un pied dans la magie. En revanche, les sang-mêlé pouvaient avoir leurs deux parents sorciers, c’était mon cas, alors cela ne me renseignait pas sur l’origine de son père.

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Son père était donc moldu et pratiquait lui aussi un métier de soin. Je ne savais pas ce que faisaient exactement les chirurgiens, mes connaissances du monde moldu étaient assez limitées, mais je pouvais tout de même classer leurs professions dans de grandes catégories. Est-ce que son père lui avait donné le goût du soin ? Ou alors sa vocation de médicomage venait d’autre part, si vocation il y avait. Parfois on ne choisissait pas vraiment son métier. Je gardais cette interrogation pour moi pour laisser mon ami poursuivre. Ma question avait provoqué chez lui une envie ou une nécessité de s’étendre davantage sur son histoire familiale. Sa mère, elle, était décédée et n’avait pas laissé une impression très agréable à Min Seo. Je savais que les relations de famille n’étaient pas toujours évidentes. Je n’avais subi aucune agressivité de la part de mes parents mais leur abandon avait été une violence difficile à accepter. Très peu de personnes savaient cela. Je ne cachais pas que ma grand-mère nous avait élevés, cela ne voulait pas dire que j’en expliquais la raison.

Quant aux relations amoureuses, c’était un vaste sujet de joie et de discorde. Avec Lucas les choses n’avaient pas toujours été simples. Nous nous étions même séparés avant de nous retrouver et fonder une famille. Sans le tournoi à Beauxbâtons nous ne nous serions peut-être pas retrouvés. Malgré les violences de la mère de Min Seo, son père était resté amoureux et poursuivait son deuil difficile. C'était néanmoins dommage qu’ils n’arrivent pas à reformer des liens forts entre père et fils. Enfin, ce n’était pas à moi, ni à quiconque, de juger cela. Parfois la douleur était trop importante pour être dépassée. Quoi qu’il en soit je n’en voulais pas à mon ami de s’être autant dévoilé aujourd’hui.


Je lui souris et le serveur choisit ce moment pour arriver avec les plats. Je le remerciai et pris mes couverts lorsqu’il tourna les talons.


Je pris une première bouchée histoire de me donner de l'énergie et une pointe de courage pour poursuivre avec mes questions indiscrètes.


Je connaissais la grande faiblesse des vélanes face à l’amour cela dit, j’avais aussi l’impression que pour Min Seo il s’agissait de ne pas souffrir à l’instar de son père. De plus, je n’avais pas envie de lui donner l’impression que l’amour était une fin en soi et que chaque être devait obligatoirement trouver chaussure à son pied. Il y avait bien d’autres moyens de former des liens qu’une relation amoureuse.

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L’entendre rire et me répondre me rassura. Au moins je ne l’avais pas froissé avec mes questions indiscrètes. Cela dit, je ne cherchais pas à m’immiscer dans sa vie, ni à porter un jugement sur sa façon de voir les choses, ni même encore à colporter ces éléments. Indiscrétion oui mais, je souhaitais avant tout en apprendre plus sur lui. Je l’écoutais ainsi avec attention. Mes suppositions étaient bien vraies. Il s’agissait pour lui d’un mélange de crainte du fait de sa condition de vélane et de souvenirs de la souffrance de son père face à son amour perdue. Il était compréhensible que se penser amoureux dans ces conditions n’était pas envisageable. Je ne pouvais pourtant pas m’empêcher de penser que c’était dommage de se priver de la sorte. Cela dit, n’étant pas concernée je ne pouvais pas avoir toutes les clés en main pour comprendre. Puis, encore une fois, je n’étais pas là pour le juger.


Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel en écoutant la suite. Non pas que Min Seo m’exaspérait. C'était plutôt les propos qu’il rapportait qui me faisaient souffler. Les remarques de ces collègues étaient du niveau de Poudlard. Et encore, ce serait prendre tous les adolescents pour de sombres crétins. Comme si leur avis sur l’intimité des autres comptait. Ces personnes exerçaient une profession où l’empathie était primordiale et ils n’étaient même pas capables de comprendre un collègue. Une simple question comme celle que j’avais posée aujourd’hui et ils seraient libérés de leurs préjugés. Ce n’était pourtant pas si compliqué. Vraiment cela m’énervait. Quant à mon ami, je comprenais que cela le touche mais je l'espérais en mesure de passer au-dessus de cela. L'important était qu’il se fie à son rythme et à ses envies. Si pour le moment il préférait l’abstinence ce n’était pas le problème des autres. Si demain il multipliait les relations désincarnées avec des partenaires consentants, grand bien lui fasse.


Je lui souris. Vraiment il n’y avait pas de quoi avoir honte ni même penser que la situation n’évoluerait jamais. Et au risque de me répéter l’amour n’était pas la seule destinée qui valait la peine.


L'art et la manière de passer du boursoufle au dragon.

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Le débat était donc clos. Pour Min Seo l’amour n’était pas pour maintenant. C'était sa décision et personne n’avait à revenir là-dessus. Je ne doutais pas qu’il trouve un jour chaussures à son pied mais il serait le premier à s’en rendre compte. Autant en revenir à ce qui nous amenait spécifiquement dans ce restaurant, la nourriture. Mon ami affirma que son plat était très bon, le mien l’était également. Rien d’aussi raffiné de ce que j’avais l’habitude de manger mais ma salade ne manquait pas de saveur ni de texture. Je gardais l’idée pour un plat rassasiant qui ne pesait pas sur l’estomac. Puis, cela ne me semblait pas trop difficile à reproduire dans ma propre cuisine.


Je lui souris. Comme toujours je jouais l’honnêteté quitte à m’étendre un peu plus par rapport à la question posée. J'étais bavarde, ce n’était pas la nouvelle du siècle et mon ami devait en avoir l’habitude. Heureusement que je me cadrais davantage en classe, sinon mes élèves ne verraient jamais le bout du programme de leur année. Quoi que j’alternais entre cours magistraux et cours pratiques, ces derniers finissant parfois en véritable foire. Heureusement que Tiphaine ne passait jamais vérifier le bon déroulement des leçons. Puis j’estimais qu’il fallait bien s’amuser et finalement les étudiants n’étaient pas recalés dans ma matière lors des examens officiels. Aucune culpabilité à avoir donc.


Cette fois-ci je ne virais pas totalement de sujet. Après tout, chaque pays avait sa culture culinaire donc nous restions plus ou moins dans le thème. Pour certaines nations la cuisine était même ce qui les faisaient rayonner mondialement. Puis, pour le côté purement pratique, je ne connaissais pas la réponse à cette question. Il venait de Corée du Sud, il vivait en Pologne depuis plusieurs années, or j’ignorais s’il avait visité d’autres lieux. Les voyages nous enrichissaient, nous changeaient même parfois, c’était d’autant plus intéressant de connaître sa réponse.

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Je souris en entendant mon ami vanter la cuisine asiatique. Je n’étais pas la seule à être dans l’exagération quand il s’agissait de mousser ses origines. Pour avoir beaucoup voyagé, il me semblait difficile de généraliser la cuisine d’un continent à une seule entité. Pour ce qui était de l’Asie, il y avait un monde entre l’Afghanistan, le Japon ou le Sri Lanka. Je ne savais pas si Min Seo mettait en avant toutes les traditions culinaires de ce continent ou s’il simplifiait tout en pensant uniquement à son pays d’origine. Enfin cela n’avait pas grande importance. De toute manière je ne pouvais pas rivaliser sur ce terrain tant la cuisine britannique était catastrophique. Heureusement que nous mangions des plats typiquement français à la maison.

Vint donc la question des voyages. J'écoutais avec attention mon compagnon de table. Il avait donc visité plusieurs nations d’Asie de l’Est et du Sud-Est avant de venir explorer l’Europe. Cela faisait plein de belles découvertes et je ne pouvais que valider son appréciation de la gastronomie française. Pour la suite Min Seo visait un petit peu à côté. J'avais beaucoup voyagé de mon côté en particulier lorsque j’étais enfant. Mes parents étant diplomates pour le compte du Ministère de la Magie anglais, nous n’étions que très rarement à Londres. Mon frère Hayden était même né lors d’un long séjour au Japon. De l’Argentine, au Kenya en passant par la Nouvelle-Zélande, mes géniteurs m’avaient permis de me familiariser avec tout un tas de culture. Ma courte carrière de Poursuiveuse m’avait également fait voyager cette fois-ci davantage sur le continent européen. Mon passage à Sofia et ma rencontre avec Lucas venait de là. En revanche, depuis la naissance d’Eliott c’était une autre histoire. Il était né quelques semaines après le coup d’état et mon implication dans la résistance nous avait contraint à prendre des décisions radicales. La première année de sa vie il l’avait passé en Australie auprès de Tiphaine et loin de nous. À la suite de ma libération et de son retour en terre natale nous avions surtout eu besoin de rester à trois dans notre concon.


Je lui souris. Pas de grande escapade en famille pour nous. L'enfance de mon fils ne ressemblait en rien à la mienne.


Autant rebondir sur ses paroles puisque ma liste serait certainement trop ennuyante.

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J'écoutais mon ami me répondre. Des villes étasuniennes qu’il cita, je n’avais été qu’à New York où nous avions passé un mois entier. Cette traversée de l’Atlantique avait été l’occasion de visiter Chicago, ville qui m’attirait à l’époque pour je ne sais quelle raison et que me parents avaient consenti à me faire découvrir. Un autre passage aux Etats-Unis nous avait amené à la Nouvelle-Orléans, sans aucun doute un endroit assez remarquable du pays malgré son histoire peu réjouissante. Quant au Canada, je n’y étais jamais allée. En revanche, le Mexique et le Brésil étaient des destinations que je connaissais sans pour autant être capable de dire une phrase en espagnol ou en portugais. Cela dit, je comprenais Min Seo lorsqu’il évoquait la barrière de la langue. Ma langue maternelle étant l’anglais, j’arrivais à communiquer la plupart du temps, or il serait idiot de penser que le monde entier maîtrisait ce dialecte. L'expérience m’avait tout de même prouvé qu’un mélange de geste et de mots épars appris sur le tas était parfois suffisant pour s’en sortir.

Je réfléchis par la suite au retour de question. Quels lieux non visités me faisaient envie ? La question n’était pas si évidente car j’avais pu cocher un bon nombre de mes rêves. Il y avait des endroits que je souhaitais découvrir plus longuement mais ce n’était pas la question. Après quelques secondes de réflexion, je trouvais une réponse adéquate.


A bien réfléchir il y avait un autre projet de voyage mais celui-ci tenait de l’irréalisable tant les secrets étaient tenaces. Enfin, l’espoir ne coutait rien et mon rôle d’adjointe d’une école prestigieuse pourrait peut-être m’aider.


Donnez-moi une question et laissez-moi divaguer sur mille et un autres sujets. Min Seo était ma victime du jour et il était à présent tenu de me parler du lieu de ses études. En espérant que cela ne soit pas un sujet sensible.

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Mon envie de découvrir les écoles magiques m’avait poussé à rechercher des éléments sur chacune d’entre elles. Des livres sur le sujet il y en avait un tas, si bien que j’étais consciente d’être loin d’en faire le tour. De plus, dès que je rencontrais un sorcier qui avait fait ses études autre part je n’hésitais pas à l’interroger sur la question. Lucas avait été ma première victime. Étudiant de Beauxbâtons, il avait également commencé sa carrière de professeur en étant adjoint à Durmstrang. Les écoles européennes étaient donc celles que je connaissais le mieux. De Mahoutokoro je savais que l’établissement se situait au Japon et que les élèves n’étaient pas répartis dans des maisons. J'avais également une idée vagues des matières enseignées et des activités pratiquées. Néanmoins, l’expérience concrète de Min Seo m’intéressait.

Mon ami qualifia l’endroit de beau et les cours particulièrement intéressants. Néanmoins, il s’attarda également sur la fermeture d’esprit qui pouvait régner là-bas, en particulier en ce qui concernait les normes sur la sexualité. Je me pinçais les lèvres. Je connaissais trop peu la culture du Japon pour me douter de cela. J'avais voyagé trop jeune dans ces contrées pour remarquer des écarts par rapport à l’Angleterre ou à d’autres nations européennes. Aujourd'hui je constatais que sur notre continent la tolérance variée d’un pays à l’autre. Je ne cachais pas non plus que mon pays était loin d’être parfait et qu’il y avait encore du travail à faire sur ces questions-là. D'après ce que Min Seo disait Japon et Corée semblait être sur le même point dans leur rapport à l’homosexualité. Il suffisait de l’entendre dire que son père en mourait même s’il apprenait. Je repensais aux mots dits précédemment sur ma grand-mère, les coupes de cheveux particulières la surprenaient mais, elle n’aurait jamais cillé en apprenant la bisexualité d’Hayden.


Les préjugés avaient encore une longue vie devant eux.


Rien de mieux qu’un peu de sucre pour voir la vie sous un nouvel angle. Dommage que cela ne fasse pas disparaitre l’homophobie et les autres intolérances.

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Des mariages plus ou moins arrangés entre un homme et une femme dans l’espoir de procréer. Cela ressemblait beaucoup à ce que les Pozhiratelis avaient fait lorsqu’ils exerçaient le pouvoir. Les sorciers de sang-pur n’avaient pas d’autres choix que de se voir lié à une autre personne du même rang. Même ceux qui avaient déjà fondés une famille inter-sang se voyaient forcer d’en construire une nouvelle plus acceptable. Bien entendu, l’homosexualité n’était même pas une option à envisager puisqu’elle ne permettait pas de reproduire le sang, du moins pas de manière directe. Ce fonctionnement que beaucoup d’Européens trouvaient archaïque semblait être la norme dans d’autres contrés. Il fallait espérer que cela change sans balayer pour autant la culture des pays concernés. Ne serait-ce qu’accepter des mariages différents pouvait être un grand pas. Ce qui était rassurant pour mon ami était que son père ne le forçait en rien pour le moment. Il fallait espérer que cela soit toujours le cas.

Min Seo était partant pour un dessert et demanda les cartes pour que nous puissions faire un choix. Je hochais la tête en réponse à sa question. J'étais bien trop gourmande pour me passer d’un dessert alors même qu’il restait de la place dans mon estomac. Le serveur revint avec la carte que je consultai attentivement. Les choix étaient nombreux mais j’optai finalement pour un cheesecake. Je levai ensuite la tête pour rompre le silence.


Je souris consciente d’être un poil dans l’exagération. Cela dit, il y avait une part de vérité, il n’y avait rien de mieux qu’une bonne balade digestive. Il suffisait de repenser aux repas de Noël auprès de la famille de Lucas. Un dîner bien trop chargé qui pesait encore sur le ventre le lendemain matin et qui empêchait également de bien dormir.


Si Min Seo ne travaillait pas et n’avait pas d’autres obligations autant en profiter pour passer un peu plus de temps ensemble. Ma famille ne m’en voudrait pas de m’être éclipsée une après-midi entière. De toute manière, je n’avais pas donné d’heure sachant qu’ils s’inquiéteraient seulement si je n’étais pas rentrée avant le coucher du soleil.

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