Pensine de Timaël Novak Marloes 

Timaël n’aimait pas cette bibliothèque. Les livres qui reposaient dans ce lieu étaient bien trop complexes pour son jeune âge. Les garçons n’avaient pas le droit d’apporter des jouets ici, il y avait déjà une pièce qui leur été destinée et il n’était pas question de créer un désordre sans nom dans ce manoir. Les petites têtes brunes Marloes avaient beau avoir adopté le fort caractère de leur père, il n’était pas question qu’ils n’en fassent qu’à leur tête. Avant d’avoir l’ascendant, il fallait savoir obéir. La gouvernante était là pour veiller au grain. Elle avait beau être une femme rachitique et d’un sang que les parents qualifiaient de passable, la sorcière savait se faire respecter. Tim n’avait donc pas d’autres choix que de lire et relire les mêmes récits enfantins. Il aurait très bien pu profiter du parc, mais à l’âge de cinq ans il n’avait pas encore le droit de s’amuser seul. L’espace était bien trop vaste et le garçon trop têtu pour prendre un tel risque. Timaël avait entendu une fois son père rire en disant que le benjamin serait capable de se rendre dans le village voisin simplement pour les faire enrager. À l’époque ce n’était encore qu’une idée saugrenue. Il devrait attendre ses six ans ou profiter de la présence de Darko dans le parc, autant dire qu’il préférait attendre quelques mois. Pour une raison qu’il ne pouvait pas expliquer, son frère et lui ne s’entendaient pas. Chacun des deux garçons cherchant l’attention que l’autre lui volait par sa simple présence. Chaque jeu entre eux était pour déterminer lequel était le plus fort. Tim n’aimait pas perdre.

C’était le jour de l’anniversaire de rencontre des parents. Ils avaient tous deux pris leur journée pour rester au manoir. Dans l’éternelle bataille de l’attention, Darko venait de gagner haut la main en minaudant dans leurs pattes. Timaël se demandait bien pourquoi personne ne l’avait prévenu que ce jour là était important pour les parents. Par dépit il gagna comme à son habitude la bibliothèque. Pour passer le temps il entama la construction d’une cabane en livre. Il appela la construction qu’il fit Durmstrang. Toute la matinée il prit le rôle de son frère qui était en première année dans l’école de magie. Petar devait bien s’amuser. Dommage qu’il ne puisse pas échanger sa place avec Darko, la compagnie de l’ainé étant nettement plus agréable. Un coup à la porte le stoppa dans son élan.

Timaël c’est quoi encore ce désordre. Viens à table tu rangeras après le déjeuner.

Il toisa son père, puis vexé qu’il ne se soit pas intéressé à lui et qu’il n’ait pas reconnu Durmstrang dans sa construction il lui répondit en serbe. Moyen idéal pour mécontenter le patriarche, mais ça Timaël le savait très bien.

C’est Durmstrang, c’est mieux qu’ici.

Son père pointa son doigt dans sa direction l’air mécontent et sa mère arriva dans son dos.

Qu’est-ce que j’entends ? Tu présentes tes excuses et tu ranges maintenant !

Le garçon baissa la tête à moitié honteux et en colère. Ses parents étaient vraiment incompréhensibles. Il apprenait deux autres langues pour les satisfaire mais qu’il devait utiliser que dans certaines conditions. Il n’avait pas le droit d’apporter de jeux ici, mais n’avait visiblement pas le droit de manipuler les livres de la pièce. La gouvernante était de sang passable, mais on pouvait lui faire confiance, seulement il n’était pas question qu’il rencontre sa fille sait-on jamais qu’il tombe amoureux. Ils voulaient qu’il range, il allait leur montrer sa méthode. Sans réfléchir il jeta un livre en direction d’une étagère. Il remarqua immédiatement le regard horrifié de sa mère et leva les mains vers le livre dans l’espoir de l’arrêter. Tim allait recevoir un sacré savon. Impertinence, insolence, colère excessive et non maitrisée. Ce n’était pas digne d’un Marloes. Comme par magie le livre resta suspendu quelques centimètres avant l’impact avant de se glisser dans l’étagère comme si une main invisible le replaçait délicatement. Timaël se tourna vers ses parents pour constater lequel des deux avait sorti sa baguette, il était également prêt à entendre sa sentence.

Viens Tim, le repas va être froid.

Ce n’est pas pire que Darko et son attaque de cubes.

Timaël se dirigea vers ses parents dont les baguettes étaient bien rangées au fond de leur poche. Son père lui ébouriffa les cheveux. Les pouvoirs du benjamin étaient officiellement déclarés. Dès le lendemain le garçon devrait apprendre à être un meilleur soldat, en attendant les événements du jour seraient excusés.

L’année scolaire allait bientôt se terminer. Timaël attendait avec impatience cette échéance puisque Petar lui avait promis lors des vacances de Noël qu’il le laisserait essayer son balai. Peut-être que s’il tenait bien dessus, il aurait le droit de jouer au Quidditch avec ses frères. Il n’appréciait toujours pas de jouer avec Darko, mais lorsque l’ainé était avec eux cela se passait relativement bien. En attendant il n’avait pas d’autres choix que de se conforter aux leçons durant la matinée et de tuer le temps les après-midi. La météo étant clémente, le jeune garçon pouvait au moins parcourir le parc à sa convenance. Enfin, cela ne lui suffisait plus et il se risqua en ce début de mois de mai hors des barrières protectrices du domaine. Il n’y avait que des arbres autour, pour trouver une première âme qui vive il fallait marcher une quinzaine de minutes. Le premier jour, Tim fit demi-tour au bout de cinq minutes. Il craignait trop que cette infraction lui cause une punition. À son retour personne ne sembla avoir remarqué son absence. Darko vaquait à ses occupations et la gouvernante ne le menaça pas lorsqu’il passa devant elle. Le deuxième jour il marcha plus longtemps et ne trouva qu’une aire de jeu vide. Le Marloes monta sur la balançoire mais s’ennuya rapidement sur ce matériel inanimé. Voler sur le balai de Petar était un jeu plus attrayant. Le troisième jour il retourna voir l’aire de jeu mais aperçut cette fois-ci quatre enfants. Des moldus.

Son père les qualifiait de vermines. Un oncle disait qu’ils ne valaient pas plus qu’un elfe. Une tante les ignorait mais craignait ceux qui réussissaient à s’infiltrer aux côtés des sorciers. "Les impurs Tim, ils nous volent notre savoir". Sa mère ne la contredisait pas mais ne disait rien pour les accabler davantage. Elle se moquait de ce débat tant que la famille préservait sa lignée pure. Elle lui rappelait en revanche que la gouvernante était certainement une médiocre sorcière en raison de son sang, mais qu’ils pouvaient lui faire confiance car une sang-mêlé restait fréquentable. Ce troisième jour, Timaël les observa longuement. Leur jeux ne semblaient pas très intéressants, mais ils avaient l’air moins lugubres que lui. Ils ne donnaient pas l’impression d’être malins, enfin pas beaucoup moins que Darko. Il se cacha jusqu’à ce qu’ils partent. Pour des moldus le portrait n’était pas si catastrophique. Le quatrième et cinquième jour il ne vit personne. Tim ne put les approcher que le sixième jour. Il joua avec eux sans répondre aux questions qui lui étaient posées. Il savait déjà qu’il ne devait pas attirer ces gamins au manoir, ou seulement s’il désirait provoquer une épidémie de crise cardiaque. De prime abord les jeux étaient insipides, mais ils avaient le mérite de l’occuper bien plus qu’une après-midi passée au milieu de livres. Plusieurs fois dans le mois, le jeune garçon rencontra ses nouveaux camarades. Chaque fois qu’il rentrait personne ne semblait s’être aperçu de son absence.

Timaël rentra satisfait de sa dernière escapade. Le mois de mai se finissait. Bientôt il ne serait plus obligé de retourner à l’aire de jeu pour s’amuser. Petar serait là et il pourrait utiliser son balai. Le garçon passa sous la clôture à l’endroit où elle était abimée depuis un moment. Il avait entendu son père s’en plaindre durant l’hiver et avait profité de cette brèche durant tout le mois.

Tu vas te faire tuer.

Le garçon sortit de sa rêverie lorsqu’il croisa le regard de son frère. Il était du bon côté de la barrière mais finissait de retirer les brindilles de ses vêtements. Il était fort probable qu’il l’ait vu ramper alors il ne servait à rien de nier. Au contraire cela pourrait attirer l’attention de Darko qui n’hésiterait pas à fouiner pour avoir le fin mot de l’histoire. Si quelqu’un apprenait pour les moldus il allait se faire tuer en effet.

Ce n’est pas interdit de sortir du domaine.

Si tu le sais. Et tu sais aussi que c’est interdit de jouer avec les vermines.

Comment pouvait-il le savoir. Il n’avait jamais rien dit avant ce jour. Ce pourrait-il qu’il l’ait surveillé durant tout ce temps ? Timaël s’apprêta à nier mais son frère le devança.

Pas besoin de pleurer, les parents sont au courant, ils t’attendent dans le hall.

Furieux, Timaël courra en direction du manoir et profita de la présence de son frère sur le passage pour le bousculer. Des larmes commençaient à couler sur ses joues, Darko n’avait pas l’air de mentir ses parents allaient lui en vouloir. Le bon sens voudrait qu’il fuit le domaine, mais à sept ans Tim savait que cela ne ferait qu’aggraver la situation. Les Marloes avaient en horreur la lâcheté. Puis il avait besoin d’un toit et de l’attention de ses parents pour vivre. Le garçon atteignit donc le hall bien avant son frère et trouva comme convenu ses parents. Tous deux avaient un air grave. Ils le réprimandèrent un moment, lui rappelèrent les règles. Ils n’utilisèrent que des mots, mais parler de honte était beaucoup plus douloureux pour le garçon. À aucun moment ils lui demandèrent une explication. Enfin, après plusieurs minutes infernales, il dut prendre la main de son père pour une visite express des quartiers Pozhiratelis. Il lui présenta des salles lugubres en lui affirmant que si son attitude ne changeait pas il finirait ici, du mauvais côté de la barrière. À son retour, Tim fut congédié dans sa chambre. Il n’en sortit qu’une semaine plus tard. Après cela les leçons de la matinée se poursuivirent dans l’après-midi. La discipline devenait la matière la plus importante. Puis, lors des temps libres, il devait aider la gouvernante dans la cuisine. Il devait retenir cette leçon, sans la magie la vie était fastidieuse et certainement pas attrayante. Il retient surtout que fréquenter les impurs causaient trop de problèmes.

Le manoir était bruyant. Cela changeait de l'ambiance des derniers mois. Les parents étaient toujours pris par le travail. Petar continuait d'étudier à Durmstrang. Darko l'avait même rejoint depuis le mois de septembre. Il ne restait que la gouvernante et quelques professeurs pour les leçons non magiques habituelles. Timaël s'ennuyait pourtant moins. À présent, il avait le droit d'utiliser l'un des vieux balais à condition qu'il vole bas pour ne pas se faire remarquer. Son père lui apprenait quelques sortilèges inoffensifs lorsqu'il avait du temps libre. Tim n'avait pas sa propre baguette, mais il s'entraînait tout de même en maniant les bouts de bois qu'il pouvait trouver dans le jardin. Enfin, maintenant que son frère cadet ne traînait plus dans le coin, il osait proposer son aide pour la préparation des repas. De façon surprenante, c'était une activité qu'il appréciait et cela avait le mérite d'améliorer l'humeur de la gouvernante. Les jours passaient plus vite et il lui semblait bien loin le temps où il risquait son honneur pour jouer avec ces moins que rien de moldus.

Aujourd'hui l'ambiance était véritablement différente. Ses frères étaient rentrés pour les vacances de Noël. Ses parents profitaient du week-end pour se réfugier dans la chaleur du manoir. Surtout il y avait de nombreux invités. Timaël les regardait arriver un à un dans le hall d'entrée. Tous révélaient un corbeau tatoué sur la clavicule lorsqu'ils retiraient leur écharpe. Ici, ce n'était pas un signe qu'il fallait cacher pour ne pas attirer l'attention des autorités. Alors que l’organisation s’était reformée il y a de ça vingt années, il s’agissait encore d’un secret de polichinelle. Viendrait pourtant un temps où l’on prononcerait de nouveau le mot Pozhiratelis avec respect. En attendant, ces réunions informelles étaient l'occasion de se rassembler et de rêver un jour d'une politique plus strictes et respectueuses de la race supérieure. Ce n'était pas la première réunion de ce genre qui était organisée à l'improviste chez les Marloes.

Les invités ne semblaient pas remarquer le jeune garçon assis sur les marches qui les observait fasciné. Bientôt son frère Petar aurait le droit de les rejoindre. D'ailleurs il était autorisé ce soir à les suivre dans la grande salle à manger pour écouter leur débat. Quant à Darko, malgré des demandes incessantes, il avait été invité à faire ses devoirs. Cela l'avait mis dans un sacré colère, le benjamin avait même cru l’entendre dire qu'il n'était plus un bébé comme Timaël. Le bébé rigolait bien, lui au moins était autorisé à sortir de sa chambre. Enfin, lui non plus n'aimait pas être mis de côté, mais il savait que son tour viendrait. Un jour il aurait la chance de rendre fière sa famille et de défendre leur clan. En attendant de porter fièrement le corbeau, il devait travailler dur pour être un excellant sorcier. Le moment venu il espérait voir les Pozhiratelis au pouvoir et ne pas être contraint de cacher la marque sur sa clavicule. Il n’en aurait pas honte c’était certain, ce combat était juste.

Le port de Sofia était noir de monde en ce premier jour du mois de septembre. Timaël avait onze ans, presque douze et il restait impressionné pas la scène qui se déroulait sous ses yeux. Il n’avait jamais accompagné ses frères au départ du bateau, pour lui c’était une grande première. Ce n’était pas une rentrée comme les autres, le benjamin de la famille rejoignait enfin les rangs de Durmstrang et pour l’occasion les parents avaient pris leur matinée. Le jeune garçon n’avait pas très bien dormi cette nuit-là. Il savait ce qui l’attendait en débarquant. Darko lui avait suffisamment dépeint la difficulté de l’initiation durant l’été pour réussir son coup, inquiéter son frère. Pourtant, il était certainement plus préparé que la majorité de ses futurs camarades si bien qu’il demeurait finalement le seul Marloes inquiet.

Après de longues embrassades, Timaël suivit ses frères à bord du bateau. Ces derniers ne tardèrent pas à le laisser seul, leurs amis les attendaient. Le garçon trouva sur le pont quelques connaissances, des enfants de familles amies, préparés eux aussi pour la prochaine étape. Trois garçons, à cette époque l’entourage du Marloes était davantage masculin. D’un commun accord, le quatuor décida de passer l’initiation en équipe. À leur arrivée ils avaient plus fière allure que les autres, ils étaient en groupe et ils étaient formés pour sortir de la forêt les premiers. Le marécage leur causa tout de même quelques difficultés, ils n’étaient pas en accord sur le plan à adopter. L’un désirait foncer droit devant et se débarrasser des obstacles quand ils leur tomberaient dessus. L’un proposait d’attendre que quelques camarades passent en cobaye pour qu’ils puissent ensuite déterminer le meilleur chemin. Tim et un autre proposèrent de contourner le marécage pour trouver un passage plus praticable. La majorité remporta et éclairés par leurs baguettes, ils firent ce détour bénéfique. Arrivés de l’autre côté et reprenant le sentier dessiné, ils virent des premières années embourbés, certains avec la lanterne cassée. L’un émis l’idée de les aider, Tim et les deux autres préféraient avancer, ce qu’ils firent suivant encore la loi de la majorité.

Après de longues minutes de marche, le quatuor se trouva face à l’institut. Timaël était bouche bée, depuis le temps qu’il rêvait de venir ici, il avait presque hâte que les cours démarrent. Ces derniers allaient être plus intéressant que ceux qu’il suivait au manoir. Le plus fougueux de ses camarades profita de l’ébahissement des trois autres pour les devancer et arriver premier. Pozhar accueillait un autre élève. Le Marloes avança avec les deux garçons restant. Il ne savait pas dans quelle maison il pouvait aller, dans sa famille il y en avait pour tous les goûts. Zemlya, la maison de sa mère, était certainement celle qui lui correspondait le moins. L’un de ses camarades fut envoyé là-bas. Son père et Darko étaient des Pozhar, il partageait de nombreux traits de personnalité avec eux tout comme avec Petar envoyé chez les Voda. Son troisième camarade alla dans la maison de l’eau, quelle que soit sa répartition il aurait un camarade de dortoir digne de ce nom. Ayant fait preuve ce soir là de plus de ruse que d’impulsivité, Tim fut associé au Voda.

Le banquet fut délicieux. Petar accepta son frère et son nouvel ami à ses côtés à table. Ils contèrent leur aventure, fiers d’en être sortis avec les vêtements immaculés et peu conscients que leur exploit n’impressionnait pas les huitièmes années qui les entouraient. Plus tard ils descendirent pour la première fois l’escalier qui les menait vers la mer. En bas, leur salle commune pour les huit prochaines années les attendait.

La première année se déroula sans encombre. Timaël fit preuve d'autant d'arrogance qu'un enfant de douze ans pouvait se permettre dans la mesure où il avait été élevé avec la certitude qu'il était supérieur aux autres. Ses trois autres camarades étant fait du même moule, ils passaient la plupart de leur temps ensemble sans souffrir d'une quelconque contradiction. L’idée même d’accueillir dans leur cercle un étudiant aux origines plus douteuses faisait office d’une grande farce. Le garçon s’accommodait ainsi très bien de cette situation qui rassurerait par la même occasion ses parents.

En classe, il n’était pas l’élève le plus assidu, considérant ses connaissances comme étant avancées par rapport à son niveau. À certains égards c’était la vérité, pourtant les leçons lui permettaient de se perfectionner même s’il n'en avait pas conscience. Il ne pouvait ainsi pas être l’étudiant le plus brillant de sa promotion sans être pour autant en queue de peloton. Cela ne semblait pas le déranger, il désirait avant tout être un bon sorcier pour suivre les pas de ses parents. Néanmoins, Petar le ramenait souvent à l'ordre lorsqu'il le voyait papillonner dans la salle commune alors qu'il aurait déjà dû terminer ses devoirs.

L’année passa à une vitesse folle. Lorsque le soleil d’été pointa le bout de son nez, Timaël n’avait qu’une ambition, rejoindre l’équipe de Quidditch à la rentrée. Il passa les premiers jours de ses vacances à s’entrainer avant de supplier sa mère de lui trouver un billet pour assister seul à un match. S’il voulait être un meilleur gardien, il devait analyser le jeu de ces derniers. S’agissant d’une activité magique qu’elle pouvait gérer en le conduisant puis en venant le récupérer par la suite, Olga accepta de bonne grâce. Au moins ses fils ne passeraient pas une autre soirée à se lancer des piques.

Le jour J, Timaël prit place dans les gradins. Malheureusement, il avait devant lui un groupe de géants. Habitué des bonnes choses, une telle situation était déplaisante et méritait réparation. Lorsque les spectateurs cessèrent d’affluer, le jeune garçon se mit en quête d’un siège vide. Peu lui importait les premières minutes du match, il était préférable de ne pas souffrir de cette position sur toute sa durée. Sa quête fut rapidement fructueuse, même au-delà de ses attentes. Il avait repéré deux sièges, autant en faire profiter sa voisine qui accepta contre toute attente. Sans se préoccuper des plaintes et des regards noirs qui accompagnaient son déplacement il gagna son nouveau siège. Ici il avait une bien meilleure vue.

Au fait, moi c'est Niky

Ravi de te connaître Niky, moi c'est Tim. Alors, quels sont tes pronostiques pour ce match ?

Le Marloes s’intéressa dès lors à la jeune femme qui l’avait suivi. Elle était plus âgée que lui, mais cela ne le perturbait pas vraiment. Il allait sur ses treize ans tout en paraissant être âgé d’un ou deux ans de plus. Sa maturité suivait également l’impression qu’il pouvait donner. Pour avoir sa place sur la table des adultes, il avait dû depuis longtemps laisser ses enfantillages de côté. C’était par ailleurs plus simple de penser comme les adultes, cela lui évitait de lourdes erreurs comme celle de jouer avec des gamins moldus. Qu’avait-il pu être bête par le passé. Ils discutèrent sans pour autant manquer les situations de jeu importantes. À la fin du match ils échangèrent même leur adresse. Le jeune garçon avait rarement l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes et c’était bien la première fois qu’il ne cherchait pas à connaitre l’origine de son interlocuteur. Il avait trouvé une personne avec qui discuter passion sans que cela devienne trop sérieux, c’était largement suffisant pour lui.

Sa deuxième année fut à l’image de la première à la différence qu'il n'avait plus le statut du dernier arrivé au sein de l'institut. Avec ses camarades, ils prenaient un malin plaisir à exercer leur autorité sur les plus jeunes. Tim se prenait pour la figure paternelle en miniature et ses agissements allés dans ce sens. Il ne fréquentait jamais des sang-mêlés, quel intérêt alors que ses amis étaient d'une compagnie parfaite. Jamais il ne souffrait de ces idées préconçues qui lui paraissaient naturelles, elles constituaient son éducation. Son orgueil était tel qu’il espérait se mesurer aux autres. L’annonce des jeux du pouvoir ne put qu’attiser sa curiosité. Sans grande conviction il se présenta aux épreuves de sélection. Bien qu’il s’estimait excellent il n’était pas stupide au point de se penser plus apte que des élèves de niveau supérieur. Hors, peu d’étudiants étaient intéressés par les jeux. La situation politique était en ce temps complexe et beaucoup craignaient une intervention de Malo Retrac. Timaël n’avait que faire de ces réticences. Il voulait gagner, il gagnerait.

La première épreuve consistait en un duel. Il affronta un élève plus âgé, Hacho Vasilev qu’il tenait peu en estime. Le Pozhar était pourtant plus aguerri et remporta ce premier test. Le jeune Voda passa tout de même la seconde épreuve qui le plongea dans un rêve artificiel. Ses performances lui permirent contre toute attente de représenter l’école. À partir de ce moment il se montra exemplaire dans les cours impliquant l’usage de magie et délaissa les leçons théoriques. Sa tête gonfla davantage et il n’était pas rare de le voir se pavaner dans les couloirs tel un petit prince. Il avait à présent une obsession, battre ses adversaires quitte à s’allier avec Vasilev l’autre représentant bulgare. Le samedi 28 avril arriva à une vitesse folle. Timaël était prêt à en découdre. Il devait représenter dignement son école, sa famille et son rang. L’échec n’était pas une option. Il s’allia rapidement à son camarade jusqu’à ce que ce dernier s’écroule. De changement de zone en combat, le plus jeune participant se retrouva finaliste. Exténué, il plia finalement le genou face à l’adversaire anglaise. Deuxième, une place bien déplorable.

L’été ne s’annonça pas sous les meilleurs hospices. Timaël n’était pas sorti de cette deuxième année avec un excellent bulletin. Ses ainés avaient habitué les parents à de bien meilleurs résultats. Sa participation aux jeux ne l’excusait en rien puisqu’il n’était pas sorti vainqueur. Perdre face à une sang-mêlé n’avait rien de glorieux, peu importe que l’étudiante en question soit plus expérimentée. Le jeune homme accordait beaucoup de crédit à ces reproches qu’il partageait. Il n’avait pas été à la hauteur et reprochait à l’organisation l’intervention de protagonistes qui avaient causé son échec. Seul face à son adversaire il aurait forcément gagné. Que son entourage ne le comprenne pas était source d’une haute frustration.

Le jeune bulgare reprit ainsi une ancienne habitude. Celle qui lui avait valu une sacrée punition. Il quitta le domaine sans prévenir, usant à sa convenance du réseau de Cheminette. L’irritation que cela pouvait causer à ses parents était plus attirante que n’importe quelle rencontre. Pourtant ce fut bien une rencontre qui sauva son été et certainement son caractère. Timaël fit la connaissance de Maelle autour d’une glace partagée dans les rues de la Grande Ville Marchande. Il apprécia immédiatement la compagnie de la française et les rendez-vous se répétèrent. Lorsqu’il apprit que ses origines étaient des plus douteuses il fit mine de ne pas avoir saisi. Il s’agissait sans doute d’une erreur et sinon il pouvait toujours prétendre n’avoir pas entendu. Il n’était pas question de se priver de la compagnie d’une personne qui avait trouvé son parcours plus que correct lorsque l’on prenait en compte son niveau d’étude et la difficulté des jeux. Timaël se promit de rester en contact avec la jeune femme durant l’année scolaire. Pour une fois il privilégiait la qualité de l’amitié à la qualité du sang.

Vexé de son échec, Timaël était tout de même prêt pour faire son entrée en troisième année. Il allait jouer la carte fierté et était déterminé à se battre si un élève osait le prendre à partie. Sa deuxième place n’était pas glorieuse pourtant il n’avait pas à rougir de sa performance. Les jeux avaient été truqués et il comptait bien faire entendre sa version. Il était également déterminé à devenir le meilleur de sa promotion. Il en avait les capacités et cela ne devrait pas être bien difficile s’il suivait davantage les enseignements théoriques. Concernant la pratique, il ne doutait pas d’être déjà exceptionnellement doué.

Le 31 août sa valise était prête. Tim était sur le point de s’endormir lorsqu’une ceinture vint soudainement l’enserrer. Avant qu’il ne puisse comprendre ce qu’il se passait tout devint noir. Il se réveilla en pleine journée dans l’une des artères principales de la Grande Ville Marchande. Il se demanda d’abord comment il avait fait pour atterrir ici. Il ne souffrait pas de somnambulisme et si c’était le cas il y aurait bien eu quelqu’un au manoir pour l’empêcher d’utiliser le réseau de poudre de Cheminette et le raccompagner au lit. Quoi que Darko serait capable de le laisser faire. En se redressant, habillé alors qu’il avait retiré ses vêtements pour se mettre au lit, il constata les regards appuyés des passants. Certes cela devait être surprenant de croiser un adolescent endormi dans la rue, tout de même cela ne justifiait pas de le pointer du doigt. Il perçut quelques murmures et distingua même son nom. Décidément, il lui manquait une pièce du puzzle. Un homme s’approcha finalement et vint le tirer de cet embarras. Il le reconnut rapidement comme étant l’infirmier qui s’était occupé de lui à sa sortie de l’arène des jeux. Ce qu’il lui expliqua le laissa coi.

Timaël avait disparu de la circulation avec les autres participants des jeux, ainsi que la directrice. Pour le moment, seule cette dernière et une étudiante de Poudlard avaient refait surface. Le retour des deux sorcières avait été plus mouvementé puisqu’elles s’étaient réveillées au pied d’un cadavre. Les autres étudiants étaient encore introuvables. Autre fait surprenant Tim refaisait surface en avril. Sept mois de souvenirs envolés. Une année scolaire gâchée.

Tim ne retourna pas à Durmstrang. Si ses parents avaient été durs avec lui à son retour des jeux, ils se montrèrent bien plus protecteurs avec lui. Ils le gardèrent à l’œil au manoir et lui laissèrent le temps de se reposer. Il ne gardait aucun souvenir, mais son corps lui portait toujours les traces de ces mois d’absence. Égratignures, hématomes et muscles en compote, il était certain qu’il n’avait pas dormi tout ce temps. Il fut interrogé de nombreuses fois, mais hormis un sentiment de frustration, il était incapable d’expliquer ce qu’il s’était passé pour lui, ni même de situer l’endroit où il s’était retrouvé. À leur retour, les autres étudiants se trouvèrent dans le même flou. La seule certitude était que Malo Retrac était le grand responsable de tout cela.

Timaël avait écrit à Nikita. Il avait évité ses amis et sa famille ne supportant plus d’être encore interrogé au sujet de sa disparition. Aussi étrange que cela puisse paraître, rien n’avait refait surface. Le jeune homme passait le plus clair de son temps dans sa chambre et à force il finissait par s’ennuyer. Jouer au Quidditch lui ferait certainement du bien. Il avait envie de discuter de choses anodines et de se défouler avec un Cognard. Le Marloes appréciait l’anglaise. Ils n’étaient pas particulièrement proches et n’étaient certainement pas du genre à se confier l’un à l’autre. Par exemple, elle ne lui avait même pas envoyé de courrier pour avoir sa version de l’histoire en avant-première. Puis, la jeune femme partageait avec lui la même appréciation du sport. Pile la personne qu’il lui fallait, Tim passerait forcément un bon moment, en sa compagnie.

En retour et pour réponse elle lui avait envoyé un vif d’or. Timaël avait souri, Niky était décidément la bonne personne à contacter. Le rendez-vous sur un terrain de Quidditch était pris.

Tim était arrivé en premier sur les lieux si bien qu’il avait aperçu de loin son amie arriver. Il la trouvait changée, pas seulement parce que sa coupe de cheveux était différente. Non, il avait beau ne pas être la personne la plus attentionnée du monde, il voyait son visage marqué. Comme si elle dormait peu et qu’elle était triste. Décidément il n’était pas le seul à avoir passé une sale année. Le jeune bulgare fut surpris de la voir le serrer dans ses bras, mais n’hésita pas à lui rendre son étreinte. Peut-être qu’elle en avait besoin. De son côté il ne l’admettrait jamais, mais cela lui faisait le plus grand bien. Il était content de la revoir et n'aurait pas pensé l'être autant.

Je suis content de te voir.

Comme s’il n’avait pas disparu. Manque de maturité ou déni ? Certainement un mélange des deux. Tim préférait éclipser cette année scolaire de son histoire, sans comprendre pour quelle raison cela était si difficile même en absence de souvenirs.

Tu veux qu'on s'asseye un peu, ou tu préfères attaquer directement par le Quidditch ? Personnellement, je t'avoue que j'ai un peu mal aux fesses. Le voyage entre Poudlard et la Bulgarie est assez long et mon balai n'est plus tout jeune. J'aimerais bien faire une petite pause avant. Ça te va ?

En tant qu’idiot égocentrique, Timaël aurait été bien incapable d’avoir une si bonne idée. Il aurait déjà dû reconnaître que l’invitation à jouer au Quidditch n’était qu’un prétexte. Nikita avait une bien plus grande intelligence émotionnelle. Elle avait compris son besoin et admis que cela était réciproque. Elle trouvait le bon prétexte et ne l’avait pas assailli de questions au bout de deux minutes de conversation. La direction qu’elle voulait prendre était évidente et pourtant subtilement tissée.

Le jeune homme osa, ce jour, exprimer la frustration qu’il ressentait depuis des mois, à savoir depuis son retour des jeux. Il admit même sa crainte d’être de nouveau manipulé ou victime d’une telle expérience. Il l’écouta ensuite raconter son année et ses peines. Puis ils jouèrent ensemble, non pas pour faire disparaitre le moment de confidence, mais bien pour tâcher ensemble de se changer les idées. Après cette rencontre, Timaël décida d’écrire plus souvent à Nikita. Il lui faisait confiance et chose surprenante, il s’inquiétait pour elle. C'était peut-être cela une amitié sincère. Quelque chose d’inattendu, de naturel. Le plaisir d’être écouté et compris. La surprise d’être là pour les autres sans avoir rien à y gagner si ce n’est une confiance partagée. Nikita était devenue importante en un éclair de feu et il espérait qu’elle le soit encore longtemps.

La rentrée était arrivée. Timaël était monté à bord du navire avec beaucoup plus d’appréhensions que lors de sa toute première traversée. Il saluait ses parents depuis le pont, tâchant d’ignorer les regards insistants de bon nombre de ses camarades. Sa participation au tournoi et sa disparition faisait de lui un objet de discussion. Certains avaient peut-être même parié sur son retour pour cette nouvelle année scolaire. Pour le moment, les curieux gardaient leurs distances, mais Tim savait que cela ne durerait pas. Lorsque le port de Sofia ne fut plus qu’un petit point à l’horizon, il partit à la recherche de ses trois fidèles amis. Ces derniers n’avaient pas changé et ne semblaient pas lui reprocher de ne pas avoir répondu à leur courrier. Ils se contentèrent de le questionner sur ses vacances et finirent le voyage en critiquant élèves et professeurs qui n’étaient pas à leur goût. Peut-être que finalement cette année se passerait normalement, le jeune homme s’était bien inquiété pour rien.

Grossière erreur.

Le lendemain, après le cours de sport et avant le début des cours théoriques, Timaël fut convoqué par son directeur de maison qui lui confirma ce qu’il craignait, il ne passerait pas en quatrième année. Il devrait également prouver au cours du mois qu’il n’avait pas perdu le niveau requis pour la troisième année sous peine d’être encore une fois rétrogradé. Ce deuxième point, il le jugeait bien insultant. Il n’appréciait pas d’être pris de haut et encore moins qu’on le soupçonne d’être un incapable. Puis, c'était injuste de le traiter comme s’il avait pris un an de vacances au soleil alors qu’il s’était fait enlever et qu’on l’avait privé de tous souvenirs sur cette étrange expérience.

Timaël rejoignit sans grande satisfaction sa nouvelle classe, n’arrivant pas à trouver ses amis pour leur annoncer la nouvelle sous peine d’arriver en retard à sa première leçon. Il saisissait bien qu’il était en sursis et qu’il ne pouvait pas se permettre un seul faux pas. Il s’installa au fond de la classe, de cette manière ses nouveaux camarades se feraient réprimander s’il leur prenait l’envie de se retourner pour le fixer. Le Marloes pouvait également les observer avec plus d’attention. Il ne s’était jamais intéressé à eux et n’en connaissait aucun même parmi les étudiants de Voda. Après une journée dans leur classe il ne pouvait que conclure qu’ils étaient incultes, immatures et parfaitement soporifiques. Les six prochaines années allaient être bien longues.

Son air renfrogné qui s’affichait en permanence sur son visage ne l’empêchait pas d’être attentif en cours puis de retrouver ses amis aux heures de pause. Pourtant, il remarqua que les trois garçons se montraient de plus en plus sarcastiques à son égard. Celui qui appartenait à la maison Voda l’ignorait même quelques soirs en traversant la salle commune. Lorsque le bulgare se trouvait seul à travailler dans son coin, certains élèves venaient le questionner sur sa disparition. Timaël voyait bien qu’ils ne le croyaient pas lorsqu’il affirmait ne pas avoir de souvenir, estimant qu’il ne faisait que les mépriser. Il est vrai qu’à force son ton se faisait de moins en moins aimable, mais il était également vrai qu’il ne faisait que dire la vérité.

Dans cette ambiance plus que désagréable, une ancienne camarade de promotion le surpris. Ils n’avaient jamais été proches et le Marloes n’était même pas certain de lui avoir adressé la parole plus de dix fois en deux ans. Elle eut l’intelligence de ne pas l’interroger et lui proposa même son aide pour s’assurer qu’il était bien au niveau pour sa mise à l’épreuve à la fin du mois. Tim apprécia la compagnie mature de Katherin qu’il trouva reposante. Il prouva sans difficulté qu’il avait le niveau et continua de fréquenter cette nouvelle amie dans le confort de leur salle commune. Progressivement les élèves de l’institut commencèrent à se désintéresser de sa petite personne, ce qui rendit son quotidien plus confortable. Ses amis tentèrent de profiter de nouveau de sa compagnie, mais le Marloes bien trop fier garda une certaine distance avec eux, les rejoignant que quand l’envie lui prenait. Il avait de toute manière suffisamment à faire avec les cours, les clubs, les courriers échangés avec Maelle et Nikita et ses discussions avec Kate.

Juin arriva. L'année ne s’était pas si mal passée. Elle n’avait pas été simple, mais s’était révélée enrichissante. La normalité du quotidien lui avait fait prendre du recul sur la situation. Son expérience avait été traumatisante, plus qu’il n’oserait l’admettre. Tim était bien résolu à ne jamais revivre une telle chose. Personne ne pourrait l’utiliser comme une marionnette, le faire disparaître et s’amuser avec sa mémoire sans en subir les conséquences. Dès la rentrée suivante, il se battrait.