(emily et paul) - monsieur et madame Dracula ont un fils  

Les dernières vacances de l’année scolaire n’étaient pas les plus calmes. Les clubs préparaient leur finale, les examens se rapprochaient à grand pas. En tant que professeur il fallait s’assurer d’être en mesure de terminer le programme à temps et de ne pas donner trop tardivement les derniers devoirs. Mon poste d’adjoint me rajoutait la charge de superviser l’organisation des examens. Autant dire que je n’avais pas vu ma première semaine passée. Il faut dire que j’avais organisé tout mon travail sur une seule semaine pour me libérer la seconde. Je n’allais certainement pas m’encombrer de paperasse pour mes premières vacances avec Emily. Première seulement entre nous et ailleurs qu’à Beauxbâtons ou en Corse. J’avais eu quelques remords d’abandonner Maddy, je devais bien l’admettre. J’étais même certain qu’elle aurait aimé profiter de la même manière que moi. Enfin, il restait tout de même quelques professeurs sur place sur lesquels elle pourrait compter. J’avais encore plus honte de piquer l’infirmière. C’était les vacances où le plus grand nombre d’étudiants restaient en raison de l’approche des examens. J’espérais qu’il n’y ait pas trop de crises d’angoisse. Ceci dit, un week-end en amoureux sans Emily aurait été un peu bête.

Nous étions arrivés en Corse le dimanche. Retrouvait la maison était toujours plaisant. Ne pas être obligé de faire attention aux autres était reposant. Ici au moins je ne risquais pas de croquer un élève. Nous n’avions pas fait grand-chose des premiers jours de repos, mis à part passer du temps ensemble ce qui était en soi beaucoup plus distrayant que rédiger des devoirs. Puis, en ce mercredi matin il était temps de transplaner pour la Roumanie. Emily connaissait la destination, je n’avais même pas tenté de préserver ce mystère. Grace au tourisme moldu nous allions pouvoir passer quelques jours dans un super château. Ces derniers étaient étrangement fascinés pas les vampires et avaient fait du château de Bran la maison de l’un des notres. Il était aujourd’hui possible de passer une nuit entre les murs de ce château. Pour notre part nous en passerions deux. J’avais bien sûr fait en sorte de ne partager le château avec personne. Si les moldus aimaient les contes, je n’étais pas certains qu’ils apprécieraient de rencontrer des vampires gourmands pour de vrai.

Le château était très beau mais rien à voir avec l’architecture de Beauxbâtons. Je comprenais que les moldus puissent lui associer une histoire aussi sanglante puisqu’il ne semblait pas rassurant. Enfin, ce n’était pas les vampires que nous craignons. Je pris la main d’Emily avant de m’avancer vers la porte d’entrée.


Je lui souris en lui tenant la porte ouverte. À l’intérieur nous trouvâmes l’hôtesse que nous convainquîmes facilement, grâce à l’hypnose, de nous laisser seuls pendant les deux prochains jours. En quelques minutes nous étions isolés dans le château. Le rêve.


Je lui fis un large sourire. Le rêve, définitivement.

( Pando )

Le silence. C'était reposant. Il ne devait pas y avoir grand-chose outre de la forêt dans les environs. S'isoler était tout aussi appréciable que prendre du temps pour nous. Je n'aurais jamais pensé qu'une école puisse être aussi bruyante. C'était parfois fatigant de devoir faire abstraction à tous les bruits parasites. Les chaises qui raclent, les chuchotements. Les dîners étaient par exemple un supplice car s'ajoutaient les repas. Enfin, ce serait trop étrange si du jour au lendemain je ne m'étais plus présenté à table. Je ne savais pas comment Emily faisait pour s'en accommoder. Ni même si c'était réellement le cas. Sans doute l'habitude jouait là-dessus. À force nos cerveaux devaient comprendre que certains stimuli ne devaient pas provoquer de réaction. Un cœur qui bat trop vite, une odeur alléchante. Ce serait malheureux de ne pas se contrôler et de sauter sur un élève au détour d’un couloir. Encore, je n'avais pas eu le malheur de faire face à une effusion de sang. Je me demandais comment Emily s'en sortait à l'infirmerie. Quoi qu’il en soit elle m'impressionnait.

Je sentis sa main parcourir le chemin entre mon ventre et mon visage. Un contact si plaisant qui me poussait à laisser de côté les tracas du quotidien. Je laissais échapper un large sourire. Quelques jours rien que pour nous. Le rêve. Ses lèvres trouvèrent les miennes rendant l'instant encore plus exquis. Elle s'octroya même le plaisir de mordre ma lèvre. Ça il était certain qu'elle ne l'aurait jamais tenté avant. Il y avait bien certains avantages à ma nouvelle condition. Ça et aussi l'idée de passer un nombre infini d'années à ses côtés. À côté les soucis sensoriels paraissaient infimes. N'importe quelle autre pièce. Je ris franchement imaginant nos étreintes ici et là. Je me demandais si les meubles seraient assez solides. Après tout, entre nous nous n'étions pas dans le self control de par l'appréciation de nos forces mutuelles. Ici le mobilier était assez vieillot et je craignais qu’ils ne résistent pas. Enfin nous verrions bien si nous devions croire à la légende du célèbre vampire, à moins que Dracula n’avait pas de madame D.

Emily fila rapidement et je la suivis tout aussi vite. Peut-être devrions nous visiter un peu afin d'établir notre camp à l'endroit le plus opportun. N’importe quelle pièce d’accord, mais autant trouver la meilleure. Celle par exemple avec une vue splendide me conviendrait. Je la retrouvais devant une petite salle. Parfait pour centième anniversaire ? Je jetais un coup d’œil dans la pièce. Il est vrai que la tapisserie révélait une scène de chasse splendide. Enfin, je savais que ce n’était pas l’activité favorite d’Emily. Peut-être était-ce plus le lustre qui lui donnait l’idée de souffler ses bougies. Bientôt cent ans. Aussi étrange que cela puisse paraître je n'étais pas certain de connaître son âge réel jusqu’à aujourd’hui. J’étais impressionné et en même temps depuis bientôt un an je ne me formalisais plus de l’étrangeté de la situation. J'étais donc un bébé vampire mais un bébé tout court. Cent ans. Il était certain qu'on ne pouvait le pressentir en la voyant, quoique parfois les expressions qu'elle employait semblaient passées. En tout cas physiquement elle demeurait un peu plus jeune que moi. Nous formions définitivement un couple atypique.


Je lui fis un large sourire avant d'attraper sa nuque et de déposer un baiser sur son front. Trop chaste ? Et alors nous pouvions aussi passer du temps à papoter entre deux choses sérieuses.


Après tout j'avais toujours des liquidités avec mes parents, les folies ne sont jamais trop grosses pour Emily. Puis nous ne pouvions pas vraiment quitter l'Europe. Enfin, trêve de bavardage, cette fois ce fut ses lèvres que je trouvai pour un baiser tendre et langoureux.

( Pando )

Nous verrons pour plus tard la destination, l’Italie ne faisant pas mouche. Ceci dit je comprenais. Je ne m'accommodais toujours pas aux contraintes que nous imposait le soleil. L'été dernier je n'avais pas eu à en souffrir car j'étais resté cloîtré pour la santé de tous. Maintenant que mai approchait, je me rendais bien compte qu'il était de plus en plus difficile de concilier la vie quotidienne avec la météo. Emily connaissait déjà les difficultés et comment les atténuer. Elle voyait plus clairement les endroits à éviter alors que de mon côté j'étais toujours relié à mon état antérieur. Je m'habituais à l'explosion des sens, à l'envie du sang, aux attentions quotidiennes pour ne pas brûler, mais le cordon avec mes habitudes n'était pas encore coupé.

En attendant son rire je comprends le sous-entendu. Juste moi. Nous deux. Il est clair que c'est suffisant. Pourtant ses dernières paroles résonnent en moi. L'absence des proches. J'ai réfléchi longuement à cette question. C'est ce qui me terrorise le plus parce qu'il n'y a pas de solution contre la mort. Je n'imagine pas un monde sans Lucas et pourtant je sais qu'un jour il ne sera plus là. La perte d'un proche n'a rien d'extraordinaire, seulement jusqu'à l'an passé je n'imaginais pas que cela me suivrait jusqu'à l'éternité. L'éternité. C'est un vide qui m'inquiète à bien des égards. Et si cela devenait ennuyeux à force. Quels amis oserais-je me faire en sachant que je les verrais vieillir en restant un homme de trente ans. Comment Emily avait-elle pu prendre le risque de m'aimer en sachant que ma vie ne s'éterniserais pas.

Je la laisse s'enrouler autour de mon bras et m’entrainer dans les couloirs. J'ai la consolation de l'avoir pour toujours. C'est le meilleur des réconforts, le plus beau projet sur le long terme d'une vie. Je me demande comment elle a vécu ces cent dernières années. Qui elle a aimé, avec qui elle a partagé sa vie. Étaient-ils de simples mortels ? Qu'est-ce qui les différenciés de moi. Je ne suis pas jaloux. Je sais qu'Emily m'a sauvé en pleine connaissance de cause. Mais je veux en savoir plus sur elle. Je connais son présent, mais jamais je ne me suis réellement penché sur son passé. S'ils étaient extraordinaires, pourquoi les aurait-elle quittés. Je marche aujourd’hui à ses côtés et j’aimerais connaître les fantômes qu'elle a accepté de laisser derrière elle. Enfin, ses dernières paroles me tirent de mes réflexions. Je tâche de rester sur l'instant présent même si je compte l'interroger plus tard. Après tout nous avons un temps infini à combler.


Petit je savais ce qu'était un vampire sans pour autant douter de l'existence de ce monde fantastique dans lequel je vis à présent. L'image que je m'en faisais, bien que largement décorée, était assez proche de la réalité. Je n'y croyais pas à l'époque, mais je ne croyais pas non plus à la magie. Pour le conte de Dracula, la représentation était si proche de la réalité que je ne doutais pas que l'auteur ait rencontré un vampire ou ce soit fait conter l'histoire.


En marchant dans le couloir j'aperçois une porte ouverte. Je vois immédiatement un lit à baldaquin. La chambre semble fraîchement préparée, sans doute pour nous. Avant de faire honneur aux autres pièces peut-être devrions-nous commencer par celle qui nous était dédiée. Je tends main libre vers celle d’Emily et commence à marcher en arrière pour l'entraîner dans la chambre.


Je lui fis un large sourire en mordant ma lèvre là où les canines d’Emily avaient percé ma peau. Une invitation et une couche pour préparer une future interrogation. Il était clair que je ne perdais pas de temps.

( Pando )

J’adorais entendre Emily rire. J’adorais voir son visage s’éclairer d’un sourire. Malgré une éternité qui nous attendait, je me languissais des heures durant de sa présence. Peut-être que lorsque les gens verraient que les signes de vieillesse ne me poursuivaient plus, qu’il faudrait que je me retire de Beauxbâtons pour ne pas susciter des interrogations, peut-être que ce temps où je m’effacerai de l’histoire nous le passerons simplement à la maison. Des années rien que pour nous deux qui paraîtront seulement des jours à notre échelle. Avec cette idée j’aimerais presque que le temps avance. Bien sûr la perte de mes proches me freinait dans cette hâte. La prochaine période ne serait sans doute pas la bonne pour ce beau projet. Ceci dit, je ne craignais pas de le remettre à demain. Emily serait toujours avec moi. Puis, cela ne nous empêchait pas de profiter de l’instant présent. Les vacances étaient justement là pour cela.

Être vampire c’était faire attention à ses pulsions, se cacher du soleil, être fatigué par l’explosion des sens, ne plus apprécier la gastronomie, se trouvait face à un avenir infini et pourtant inconnu. Mais, cela m’apportait également une nouvelle relation avec Emily. Une explosion de sens positive et enivrante. Une faim aussi intense que celle du sang. Caresser sa peau parfaite sans que sa température ne m’interpelle. L’embrasser langoureusement car ni l’un ni l’autre ne pouvions nous faire du mal. Notre amour n’était plus limité et il pouvait s’exprimer librement. Il était certain que je voulais rattraper le retard. Ici les tracas de nos élèves ne nous éloigneraient pas. Ils ne forceraient pas Emily à rester loin de moi. J’avais aussi besoin que mon infirmière s’occupe de moi.


Mon sourire ne veut plus se décrocher de mon visage. Mes jambes ne cessent de nous entrainer vers la chambre, vers le lit. Vers des instants de pur bonheur. Parce que le corps d’Emily n’avait plus de secret pour moi et pourtant je me délectais de l’explorer encore et encore. Parce qu’elle m’avait manqué. Parce que je l’aimais tendrement et intensément. Parce que notre éternité ne nous empêchait pas de vivre cet instant comme si c’était le dernier. Et Dracula ne nous perturba pas. Il n’y avait personne pour nous interrompre ici. Combien de temps nous étions restés collés l’un à l’autre, je n’en avais aucune idée. Cela n’avait pas beaucoup d’importance. Contre toute attente le lit avait résisté à l’explosion vampirique de nos sentiments. Peut-être devrais-je enfin croire à l’existence de Dracula.

Emily est maintenant lovée contre moi. Comment avais-je fait pour convaincre Maddison. En lui demandant simplement le dernier lundi avant les vacances. Au lieu de parler de sujets graves et d’examens, la conversation avait été plus gaie. La directrice était mon amie et elle avait été ravie de m’accorder cette semaine. Je me doutais qu’elle aurait apprécié en faire de même et que sa situation était beaucoup plus complexe que la mienne. Elle devait se douter qu’en inversant les rôles j’aurais été enchanté de la laisser s’échapper pour vivre son amour. Maddison me comprenait comme je la comprenais. Ceci avait été le cas lorsque nous étions étudiants et c’était toujours d’actualité maintenant que nous étions collègues.


Je lui pose un baiser sur le front. Je ne mettais jamais trop questionné sur son rapport avec notre directrice. Je savais qu’elles avaient dû avoir une discussion suite à l’incident des Pozhiratelis morts sur le domaine. Ni l’une ni l’autre ne m’en avait parlé. Il y avait déjà un écart entre nous. Je ne me voyais pas l’appeler madame Jones dans une conversation privée, mais cela ne devait pas être naturelle pour Emily de l’appeler par son prénom. Encore moins de la nommer Maddy comme je l’avais fait.

( Pando )

L'hypnotiser. À vrai dire l'idée me paraissait farfelue car je n'avais pas eu de difficultés à convaincre Maddison. Puis si elle avait été dans l'incapacité de nous libérer tous les deux, je n'aurais pas abusé de ce talent caché. Je n'aimais pas user de la force pour convaincre les autres, que ce soit physiquement ou mentalement. Certes je m'entraînais à cette aptitude parce que, si jamais je dérapais et qu'Emily n'était pas dans le coin, je devais réparer mon erreur par moi-même. Emily était ma compagne, pas ma maman. Je devais être en mesure de me sortir d'affaire sans être forcé de recourir à ses talents. Je voyais en tout cas que je progressais avec l'hypnose, après tout ceci m'avait paru naturel avec la femme du château. Naturel et efficace. Ce n'était pas une raison pour en user à la moindre occasion. Autant parler et rester le plus normal possible. Et pour en revenir à Maddison, elle était une amie donc je ne m'abaisserai pas à ce genre de pratique avec elle.

Parler travail. Je n'étais pas surpris au fond. Elles prenaient toutes les deux leur rôle avec professionnalisme. Ceci dit, en étendant la conversation je pense qu'elles pourraient bien s'entendre. Enfin j'étais biaisé par mon propre rapport à elles deux. Parler travail et. Je devine le mot avant qu'il soit prononcé. Les Pozhiratelis. Ceux qui avaient fait de moi leur ennemi seulement parce que mes parents n'avaient pas une once de pouvoir. Si je parlais beaucoup de ce sujet avec Maddy car il était au cœur de nombreux problèmes touchant nos élèves, c'était moins le cas avec Emily. Entre nous la conséquence était différente. Ils m'avaient offert l'opportunité de vivre éternellement avec Emily, mais sans elle nous savions tous les deux que je serais simplement mort et enterré. Il est clair qu'il n'était pas aisé de parler deuil avec la personne qu'on aimait le plus au monde, même d'un deuil avorté.

Je hoche tout de même la tête. Je suis content également qu'elle enchaîne sur un sujet plus réjouissant. Nous sommes en vacances, ce n'est pas dans ces circonstances que je souhaite parler des corbeaux. Ma rencontre avec Maddison donc. Elle remonte à des années maintenant. À l'époque de nos années d'études. Même maison. Même particularité d'avoir un accent malgré notre maîtrise respective de la langue de Molière. C'est ce qui m'avait poussé à m'approcher d'elle malgré qu’elle soit en année supérieure. Et ça avait fonctionné. Après cela nous avions trouvé d'autres points communs comme ceux des relations familiales particulières. Elle orpheline, moi me sentant parfois comme tel. Nous avions très peu de contact à la fin de nos études, mais lorsque j'avais été promu adjoint auprès d'elle j'étais vraiment heureux de la retrouver. Notre travail prouvait que c'était réciproque. Tout comme avec Lucas, je savais que je pouvais lui accorder une confiance sans faille.


Je lui souris tout en lui caressant les cheveux.


Je choisis ce moment pour lui mordiller le lobe de l’oreille, lui réservant le même traitement qu’elle sur ma lèvre. Je pourrais être gêné de partager ma vie avec une ancienne étudiante, mais techniquement elle avait déjà plus d’expérience et de maturité que moi. Ce n’était pas n’importe quelle ancienne élève, c’était la plus intéressante et la plus intrigante. Il n’y avait rien de calculé dans nos premières rencontres, c’était simplement naturel.


C’était étrange de parler de mes parents. Je le faisais très rarement et souvent j’étais plus irrité qu’heureux. C’était particulier de les évoquer alors que nous partagions un instant merveilleux. C’était encore plus improbable de les associer à un souhait qui me préoccupait depuis quelque temps. Avoir des enfants.

( Pando )

Parler de mes parents. Ce n’était certainement pas prévu au programme. L’idée m’était en quelque sorte venue instinctivement. Nous avions le temps de discuter. La période depuis mon arrivée à Beauxbâtons était claire pour nous et ne révéler aucun secret. Pourtant bien que nous partagions tout, nous n’évoquions que très peu l’avant première rencontre. Elle savait que j’avais travaillé au Ministère à la fin de mes études, mais sans plus. Elle savait que Lucas était mon ami depuis notre première semaine à l’académie mais je n’avais jamais abordé les séjours estivaux passés chez lui pour éviter mes parents. Volontairement ou non, nous avions parlé présent mais très rarement avenir ou passé. Je ne connaissais pas son âge réel, elle ne connaissait pas le lien qui m’unissait à Maddison. J’avais l’impression que ce séjour pourrait au moins nous permettre d’élargir nos connaissances sur l’autre. L’instant présent avec Emily était largement suffisant en tant que tel, ceci dit après des années de relation j’avais envie de creuser un peu plus.

Parler de mes parents. Je ne le faisais pas naturellement. Emily avait dû le constater car elle ne m’avait jamais interrogé là-dessus. Qu’est-ce que j’aurais pu dire de toute manière. Qu’ils étaient plus préoccupés par la réussite que par la stabilité de la famille. Qu’ils avaient vu la magie comme une opportunité et qu’ils n’avaient ainsi pas craint de me laisser traverser l’Atlantique. Que j’avais au fil du temps coupé les ponts pour ne pas être utilisé et pour suivre ma propre voie. Que j’échangeais depuis des années uniquement par courrier. Malgré tout je leur avais parlé d’Emily et de mon poste. J’essayais encore d’obtenir leur approbation. Si les évoquer était étrange, je devais admettre que parler d’avenir l’était encore plus. Nous avions une éternité ce qui laissait supposer un nombre incalculable de possibilités. Pourtant j’avais mis un sujet sur la table en particulier. Les enfants. Parce que j’y pensais, bien avant de comprendre qu’Emily était ce qu’elle était. Bien avant que je devienne moi aussi un vampire. Un enfant. Voir Eliott ne faisait qu’accroitre cette envie. Lucas était si différent depuis sa naissance. Plus épanoui.

Je vis Emily se redresser. Est-ce qu’il y avait un message caché. Initialement non, mais le fait est que je n’étais pas venu à cette conclusion par hasard. Puis c’était certainement le moment de parler de cette idée qui m’obsédait depuis un moment. Je fis la moue. Oui j’avais conscience que c’était naturellement impossible d’avoir un enfant. Dans un sens nous n’étions pas obligés de faire attention jusqu’à lors, mais aujourd’hui cela nous, ou plutôt me, posait un problème de taille. Enfin, visiblement je laissais Emily sur le cul avec cette idée. Elle avait sans doute réfléchi à la question dans le passé mais sachant que dans sa condition c’était impossible le projet avait été avorté.


Je la regardais fixement. Bien sûr je ne l’accusais pas. Quelles que soient ses raisons, elles devaient être parfaitement réfléchies. Ceci dit au cours des réunions avec Maddison. Ces piles de dossiers évoquant des enfants orphelins en raison des vagues m’avaient donné une idée. Si nous ne pouvions pas avoir d’enfant, nous pouvions toujours adopter. Bien sûr j’avais conscience que cela soulèverait un autre problème. L’enfant vieillirait et pas nous. Mais cela nous laissait quoi, une quinzaine d’années pour prendre une décision. À notre échelle ce n’était rien et pourtant suffisant pour un choix réfléchi.


J’avais parlé vite pour ne pas être interrompu. Voilà c’était dit. La bombe bébé était lâchée. Je lui caressais le dos de la main. Je ne comptais pas gâcher le séjour avec ce genre de sujet mais je ne pouvais pas non plus garder l’idée pour moi. Parler présent nous étions forts pour cela. Parler passé, c’était parfois dur alors cela venait lorsque nous l’avions décidé. Mais parler avenir, pour un couple c’était important.

( Pando )

Je vois Emily se redresser et jouer avec ses mèches de cheveux. J'aimerais savoir lire dans ses pensées à cet instant. Savoir ce qu'il se passe dans sa tête avant de l'entendre. Me préparer à être déçu ou à lancer un nouvel assaut pour la convaincre. Un enfant. Ce n'était pas une idée saugrenue qui passerait rapidement. Je n'étais pas en train de faire un caprice. C’était une réflexion qui murissait en moi depuis Eliott. Bien sûr en raison du contexte de l’an passé il en était hors de question. J’étais moi-même en danger direct. Mais avec la rentrée, les liens avec l’orphelinat, les dossiers que nous traitions avec Maddison, je me rendais compte qu’un nombre incalculable d’enfants0 se retrouvaient seuls. Je savais mon envie accessible, même si j'écoutais Emily attentivement. Je n'avais pas réfléchi à tous ses détails en effet. Elle n'avait pas tort si l’on voyait cet enfant comme une contrainte. Il y avait un tas de parents capables de s'accomplir professionnellement parlant tout en étant en mesure d'éduquer et d’être présents pour leurs enfants. Selon moi, il y avait toujours des solutions si compté qu’on se donne la peine de les chercher.

Je me redressai à mon tour. L'élément que je partageais avec elle, en revanche, était le fait que nous n'avions pas autant de temps pour nous que nous le voudrions. Mes journées étaient chargées mais mes nuits étaient libres. Emily devait en revanche être disponible à n’importe quelle heure. C’était ennuyeux, surtout en cette période d’examen où nous étions fortement sollicités. Mais nous n’avions pas à nous plaindre. Travailler sur les mêmes lieux nous permettait quand même de profiter de la présence de l’autre. C’était un luxe que tous les couples ne pouvaient pas s’offrir. Puis, nous avions les vacances en répit. Alors oui, nous avions deux rythmes à intriquer et en rajouter un pourrait s'avérer compliqué. Compliqué, pas impossible. Il suffisait d’organiser différemment mes horaires. Ouvrir l'infirmerie de l’école à un stagiaire pour mieux répartir la charge de travail d'Émily. Rien n'était insurmontable.


Je pouvais paraître dur mais j'avais besoin de savoir exactement le fond de sa pensée. Si j'acceptais de remettre le sujet à plus tard il fallait que je sois certain qu'Emily réfléchirait à la question. Je ne voulais pas me baser sur un espoir voué à l’échec. Je l'entourais pourtant de mon bras.


Je serai déçu oui, mais pas contre elle. Puis en exerçant d’autres professions dans le futur le projet pourrait toujours revenir. Enfin, ce serait différent. De nos jours, il y avait vraiment des enfants que cette décision commune pourrait aider. J’avais eu de la chance, ce n’était pas le cas de ces gosses.

( Pando )

Mon bras était forcément une invitation au réconfort. Malgré mon amertume, mon visage un peu crispé car je ne pensais pas essuyer ce genre de refus, je devais me montrer attentif. Emily avait ses raisons, c’était plus qu’évident. Je souhaitais seulement les connaître. Si ça se trouve la maternité en tant que vampire l’inquiétait. C’est un détail qui me questionnait aussi. J’étais un jeune vampire, elle avait déjà suffisamment de travail avec moi. Certes, je savais me nourrir sans avoir besoin que l’on essuie les traces derrière moi et je ne comptais encore aucun massacre à mon actif. Pourtant je savais qu’Emily veillait sur moi sans entrer dans l’excès. Cela n’était en rien infantilisant, mais au contraire rassurant. J’étais libre de tester mes capacités tout en sachant qu’aux moindres soucis je ne serais pas seul. Bref, c’était une charge en plus et je lui demandais de faire encore de la place pour un enfant. Un petit que je pourrais effrayer voire tuer si un jour je perdais le contrôle. Puis, comment faire grandir un petit sorcier entre deux vampires. À un moment l’avancée des horloges biologiques serait claire et nette. Dans ce cas-là que faire, il faudrait le transformer ou le laisser vivre normalement. La première option impliquerait une nouvelle période de veille, la seconde d’accepter un jour la perte de son enfant. Par-dessus le marché, il fallait prendre en compte les sentiments qu’éprouverait ce gamin, ce qui était tout bonnement impossible à prévoir.

Après cette brève étreinte Emily s’écarta. Clairement cela ne me rassure pas. Mais j’apprécie qu’elle ne cherche pas à dévier son regard. Nous pouvons nous faire confiance. Je lui ai assuré que je ne laisserai trainer aucune rancœur et en contrepartie j’entendrai la vérité. Aussi simple que ça. De toute manière il était hors de question que nous passions notre éternité à nous mentir sciemment et à ne pas être captables de s’écouter. Encore moins sur ce genre de sujet. Sa manière de buter sur les mots me prépare à la nouvelle que je vais entendre. Un enfant. Elle a déjà eu un enfant. Certainement lorsqu’elle était humaine ce qui remonte à presque un siècle. Petit qu’elle a perdu. Les années n’ont vraisemblablement pas atténué complètement sa peine. À présent je regrette de m’être montré si insistant, même si selon moi il était nécessaire d’aborder cette thématique. Je m’attendais à beaucoup de choses mais à pas ça. Vu son apparence physique elle devait être jeune à l’époque. Ceci soulevait chez moi d’autres questions sur la façon dont elle était devenue un vampire. Qui était le ou la responsable et dans quelle circonstance l’avait-elle rencontré. Enfin pour l’heure je préférais la réconforter. J’attrapais délicatement son visage entre mes deux mains pour redresser sa tête. Avec autant de douceur j’effaçais ses larmes avec mes pouces. Il était hors de question que je lui gâche son week-end avec mes préoccupations.


Pour le meilleur et pour le pire. Parce que nous étions unis, par ce lien qui nous unissait ces dernières années, par notre condition de vampire. À présent par nos lèvres. Un baiser tendre comme pour sceller la promesse que je lui faisais aujourd’hui. Ce qui comptait avant tout c’était notre bonheur et pour le moment notre présence réciproque nous comblait suffisamment.


Comme pour l’inviter à danser je lui pris la main. Changer d’ambiance nous ferait certainement du bien.

( Pando )

En changeant ainsi de sujet, je cherchais à retourner l’ambiance que j’avais fait basculer dans la mélancolie avec la révélation de mes dernières envies. J’avais conscience que ce procédé était assez indélicat. Qu’Emily s’en offusque ou non, elle méritait aussi quelques instants de plus dans cette chambre. Pour méditer, pour se remettre de ses souvenirs sombres, voire même pour décider si elle souhaitait réellement en dire plus. Mon envie de la réconforter paraissait enfantine et encore, j’avais au moins eu la décence de me signaler présent. Habituellement mes paroles étaient pesées avant d’être prononcées, à croire que les confidences d’Emily m’avaient clairement retourné le cerveau. En temps normal je ne lui aurais clairement pas proposé de passer à autre chose aussi vite, je me serais contenté de lui fournir mon entière présence jusqu’à ce qu’elle me propose de changer d’air. D’ailleurs, de mon côté il était aussi plus pertinent de faire une pause pour emmagasiner tout ça. Après tout mon souhait d’être père allait se heurter à un souci plus grand que ceux que j’avais imaginés, les séquelles du traumatisme qu’avait subi Emily en perdant son enfant. La salle de bal pouvait bien attendre.

Je comptais m’excuser lorsqu’elle me demanda un câlin. En temps normal je ne lui refusais pas grand-chose, mais là la question ne se posait même pas. De toute manière la proposition était que purement rhétorique car elle se lova dans la foulée contre mon torse. Il ne me restait plus que de l’envelopper dans mes bras, une main sur les hanches l’autre derrière la nuque. Sans réfléchir non plus. Ainsi nous étions bien et c’était ce qui comptait le plus. Si nous devions passer les vacances dans cette posture, soit, nous aurions une multitude d’autres occasions de départs. S’étreindre ainsi avait de toute manière un effet relaxant. Lorsqu’elle se redressa ma main glissa dans le même mouvement de sa nuque à ses cheveux. Ce fut alors mon tour de jouer avec eux tandis que je l’écoutais parler.

Il. Je ne connaissais pas ce « il » et pourtant j’avais envie de le retrouver pour lui arracher la tête. Cet instinct primaire ressortait généralement lorsqu’on me rappelait trop souvent les actions des Pozhiratelis. Il avait quelque chose au-delà de l’humain que j’imputais très clairement à ma condition de vampire. Je ne prenais aucun plaisir à tuer pour me nourrir de sang, il n’était pas envisageable que je m’attaque à des humais et pourtant certains hommes me donnaient de réelles envies de carnages. Sans m’en rendre compte j’avais resserré ma prise autour de sa hanche. Si je n’étais pas déjà si pale mes jointures auraient certainement blanchies. Fort heureusement, Emily était aussi forte que moi et je n’étais pas en train de lui causer des dommages irréparables. Pas comme ce fou furieux qui l’avait abandonné après l’avoir transformé, lui avait volé son enfant et l’avait mordu à son tour. Je n’osais pas imaginer l’étendue des tenants et aboutissants de cette histoire, ce qu’elle me relevait était déjà suffisamment chaotique. Comment avait-elle fait pour s’en sortir sans guide. Ma transformation était si proche que je me souvenais encore de chaque détail. Emily avait été là. Elle m’avait nourri avant que je perde le contrôle. Je sais pertinemment que si elle n’avait pas été avec moi, je n’aurais pas eu le recul pour percevoir mes voisins comme des humains. J’aurais vu deux poches de sang géantes, vulnérables et offertes sur un plateau. Elle qui avait fait en sorte de me protéger du tueur que je pouvais devenir n’avait pas eu le choix.


Une larme coula alors parce que ses révélations m’avaient profondément touché. Je n’acceptais que très peu qu’elle ait pu autant souffrir et d’en avoir été aussi peu conscient. Non seulement les conditions de sa transformation m’avait horrifié, mais le chaos ne s’arrêtait pas là. Il avait désigné Emy et son enfant comme ses jouets pour en faire ce qu’il souhaitait. S’il s’était comporté de la même manière avec sa progéniture, le petit avait certainement dû tuer pour survivre. L’image était d’autant plus perturbante si bien que je n’osais pas imaginer comment il ou elle avait pu mourir. Emily devait certainement le savoir, une autre valise qu’elle trainait lourdement depuis des dizaines d’années. Comment faisait-elle pour paraître si gaie depuis que je la connaissais et comment avait-elle fait pour s’en sortir aussi bien seule. Quoi qu’il en soit, il était hors de question que je lui cause le moindre trouble. Bien sûr je n’imaginais pas répéter de tels actes, néanmoins après à peine un an, je savais que je ne faisais pas encore preuve d’un contrôle infini. Je devais m’améliorer encore, je ne pouvais pas lui apporter d’ennuis.

( Pando )

Après s'être retrouvé enroulé l'un à l'autre Emily s'installe sur mes jambes pour être totalement face à moi. Son front contre le mien me réchauffe le cœur, son nez jouant avec le mien me remplit d'amour. Avant de vouloir un enfant je veux aussi profiter d'elle. Ses moments d'intimité hors du temps sont véritablement précieux. Le monde pourrait s'écrouler que je ne souhaiterais pas bouger et rompre ce lien. Même si nous n'avons pas toujours le temps de profiter l’un de l’autre de cette manière à Beauxbâtons, j'ai au moins la chance de l'avoir près de moi au quotidien. Je ne changerais cette situation pour rien au monde.

Je hoche la tête à ses mots. Ce n'est pas un refus définitif. Mon projet peut encore aboutir, seulement la prochaine fois je veillerai à ne pas réveiller autant les mauvais souvenirs. Il est bien entendu évident que je ne l'accablerai pas tous les mois avec mes envies. Il lui faut du temps, pour se remettre du passé, pour trouver le positif dans mon projet, pour en faire le sien. Du temps nous en avons alors autant ne pas s'en priver. Notre baiser scelle le pacte. Elle réfléchira tandis que je rongerai mon frein. Elle peut me faire confiance, je ne la décevrai pas.


Je lui offris un large sourire. Personne ne pourrait nous surprendre dans un si simple appareil. Ceci dit la salle de bal mérite peut-être de se vêtir pour l'occasion. De mon côté je n'ai pas pensé au costume, mais je juge mes vêtements suffisamment élégants pour ne pas paraître débraillé au côté de ma bien aimé. De toute manière nous serons les seuls à profiter de ce spectacle. Une main sur son épaule, l'autre sur sa hanche, je la fais délicatement glisser sur son côté du lit. Après un baiser sur le front, je me lève récupérer ma baguette dans la poche de mon pantalon resté sur le sol. D'ici j'attire nos sacs restés dans le hall. Il n'y a pas plus fainéant qu'un sorcier, mais je ne souhaite laisser filer aucune seconde sans être à ses côtés. Les bagages arrivés dans notre chambre je la regarde à nouveau un large sourire sur les lèvres.


Je n'attends pas plus pour ouvrir mon propre sac et enfiler en vitesse une tenue appropriée. Pantalon de ville et polo, Emily sera forcément plus apprêtée, mais cela n’a aucune importance.

( Pando )

Bien monsieur. Je la regarde le sourire toujours accroché à mes lèvres. L’époque où j’étais son professeur me parait maintenant bien lointaine. Je dirais même qu’elle me semble surréaliste. Les liens que nous avons finalement tissés sont si prégnants que je ne garde pas beaucoup de souvenirs de l’élève Emily. Dans un sens ce n’est pas plus mal, la gêne des premiers rendez-vous est dissipée depuis bien longtemps. Enfin que les parents d’élèves se rassurent, je n’ai pas l’habitude de rentrer dans un jeu de séduction avec les étudiants. Emily a été un cas unique et à bien y réfléchir elle était elle-même une personne hors du commun.

Elle file ensuite à une vitesse exceptionnelle dans une autre pièce. Je ne doute pas un instant que la surprise sera belle. Sa rapidité ne me surprends plus comme avant puisque je suis capable de l’exercer à mon tour. Seulement je n’en abuse pas vraiment. Je n’ai pas ce réflexe, puis j’ai généralement trop peur de me laisser emporter et de déraper. L’étendue de mes capacités reste restreinte par ma volonté de préserver une certaine normalité. Il est clair que je n’ai pas totalement fait le deuil de mon ancien corps. Après un an, cela ne me semble pas si surprenant. Ce n’est pas une question de regret néanmoins. Au côté de la femme qu’on aime, il est difficile de se lamenter ainsi. En parlant de la louve, elle me retrouve dans une tenue qui lui va à ravir. Je lui rends son sourire. Si c’est parfait pour moi, il en est certain. Ceci dit avec elle n’importe quelle tenue ferait son effet. Enfin peut-être pas un sac en toile, mais elle ne pousserait certainement pas le vis jusqu’à là.


Après s’être enlacés et embrassés, il est temps de prendre la direction de la salle de bal. Nous marchons à pas lent pour des vampires, mais cela ne m’ennuis pas. Au moins je peux l’écouter et réfléchir avant de répondre. Maddison, je n’avais pas pensé à elle. J’espère d’ailleurs que tout se passe bien à Beauxbâtons. Je ne souhaite pas faire une fixette sur l’école ce soir, n’empêche qu’il ne faudra pas que j’oublie de remercier mon amie comme il se doit, une nouvelle fois.


Je souris à cette pensée. J’avais été un élève sérieux, mais je n’en restais pas moins une personne bavarde ce qui pouvait exaspérer mes professeurs. Disons que mes notes remontaient un peu l’estime qu’ils me portaient. Puis de toute manière je ne dépassais jamais la barrière de l’irrespect. Lucas était du même style et dès les premières heures de classe, nous avions formé un duo de choc.


Ses pieds seraient bien gardés. En attendant je tiens délicatement sa main qui a rejoint la mienne en marchant.

( Pando )

Les pièces du château sont décorées d’une manière qui rend l’ambiance chaleureuse. Les meubles et tapisseries sont datés mais gardent un certain charme. Lorsque l’on pense à un personnage comme Dracula et à son histoire sanglante, on pourrait s’attendre à un endroit lugubre. Il n’en est rien. Les pierres froides sont associées à un confort certain. J’apprécie véritablement le lieu et je ne doute pas un instant que le séjour restera plaisant. De toutes les pièces, la salle de balle reste la plus impressionnante. Elle est richement décorée comme une fenêtre sur la fortune du précédent locataire. Je comprends l’émerveillement d’Emily qui me touche également. Je suis certain que des fêtes opulentes ont vu le jour entre ses quatre murs.

J’observe Emily s’avancer au centre de la pièce. Pour des vampires toujours en mouvement, le temps est comme arrêté. Pour une fois nous avons l’occasion de ralentir pour profiter de cet instant. La conversation que nous venons d’avoir me semble déjà loin de l’instant présent. Je suis réellement ravi de ce choix de destination, il nous raccroche à ce que nous sommes tout en nous permettant de prendre du temps et d’être ce que nous étions. Lorsque Emily parle, je décroche les yeux du lustre pour me concentrer sur sa question. Nous savons tous les deux que les moldus ne sont pas des pauvres choses. Ils sont capables d’évoluer et d’inventer sans l’aide extérieure de la magie. À bien des égards, ils ont plus d’avance que certains sorciers, surtout ceux qui cherchent temps un repli sur eux. Les sorciers se reposent sur leurs capacités alors que les moldus innovent pour améliorer les leurs. Pour moi il est certain que tant de finesse a dû requérir l’expertise d’humains sans pouvoir. Les cristaux du lustre ne tiennent pas par la magie, ils ont été assemblés avec intelligence et savoir-faire. Les fresques sur les murs sont à coup sûr l’œuvre d’une main et non d’une baguette. Il en est de même pour le tapis qui recouvre une part du parquet. La magie que l’on retrouve ici n’est pas celle que nous pratiquons au quotidien.


C’est peut-être même ce qui rend l’endroit si calme. Rien ici ne fonctionne avec une énergie magique. L’endroit n’est pas caché par le repli des sorciers. Je m’approche d’Emily et pose une main sur sa taille tandis que l’autre vient trouver ses doigts fins.


Je lui souris amusé. Il est temps de danser et je me rends compte que c’est la première fois que nous nous plaçons dans cette situation. Comme quoi, il y a toujours des pans à explorer.

( Pando )

Emily vient à son tour poser sa main sur mon épaule. Elle ne manque pas de me faire chavirer avec son magnifique sourire. Mon existence n’a pas forcément été simple ces derniers mois. Je devais me faire à ma nouvelle existence tout en conservant une vigilance accrue, particulièrement auprès de mes élèves. Les bruits de leurs murmures amplifiaient par mon ouïe extraordinaire m’avaient fatigué. Leur lenteur titillait ma patience. Surtout, j’avais chaque jour des litres de sang à l’odeur alléchante à ma merci et je devais lutter pour ne pas céder à la tentation. Je mesurais ma chance de partager ma vie avec Emily, mais mon quotidien n’en restait pas moins complexe. Sauf qu’à cet instant une seule personne comptait et il n’était plus utile que je me maitrise.

La musique. En effet le placement ne suffisait pas. Emily fait son cinéma pour se moquer et je ris avec elle. Il est hors de question que je chante. Si je maitrise quelques pas de danse, j’ai besoin de me concentrer pleinement sur cette tâche. Puis de toute manière je suis un piètre chanteur. Presque aussi bon qu’Emily sous la douche et nous savons tous les deux que ce talent n’est pas le plus évident.


Je lui souris à pleine dent. Etais-je en train de dire qu’elle chantait mal ? Cela n’en faisait aucun doute. Ceci dit Emily avait d’autres caractéristiques qui m’importaient davantage. Durant une fraction de seconde je cherchais des yeux un objet susceptible de diffuser de la musique. Je trouvais près d’une fenêtre un élégant gramophone. Sans mes origines moldu l’outil en question m’aurait échappé et surtout je n’aurais pas su l’actionner. Je lâchais les doigts de ma partenaire pour retrouver ma baguette coinsée dans la poche de mon pantalon. Depuis Juin je ne m’en séparais plus. Je la pointais vers le gramophone pour mobiliser finement le levier. Ma vision surnaturelle me fit percevoir le mouvement du disque. Bientôt la musque allait partir.


Je haussais les épaules avant de saisir de nouveau la main d’Emily. Je ne sais pas combien de temps mon analyse de ma pièce et l’activation du diffuseur de musique m’avais pris. Certainement moins de temps qu’un humain puisque ma vision était redoutable. Mais j’avais certainement perdu du temps avec l’utilisation de ma baguette. Ceci dit je ne me faisais toujours pas à l’idée que ma vitesse était un avantage. C’était encore un élément qui me faisait peur. Si je ne prenais pas mon temps il m’était difficile d’analyser la situation et si je ne le faisais pas, je perdais le contrôle.

( Pando )