(emily et paul) - monsieur et madame Dracula ont un fils  

Emily vient à son tour poser sa main sur mon épaule. Elle ne manque pas de me faire chavirer avec son magnifique sourire. Mon existence n’a pas forcément été simple ces derniers mois. Je devais me faire à ma nouvelle existence tout en conservant une vigilance accrue, particulièrement auprès de mes élèves. Les bruits de leurs murmures amplifiaient par mon ouïe extraordinaire m’avaient fatigué. Leur lenteur titillait ma patience. Surtout, j’avais chaque jour des litres de sang à l’odeur alléchante à ma merci et je devais lutter pour ne pas céder à la tentation. Je mesurais ma chance de partager ma vie avec Emily, mais mon quotidien n’en restait pas moins complexe. Sauf qu’à cet instant une seule personne comptait et il n’était plus utile que je me maitrise.

La musique. En effet le placement ne suffisait pas. Emily fait son cinéma pour se moquer et je ris avec elle. Il est hors de question que je chante. Si je maitrise quelques pas de danse, j’ai besoin de me concentrer pleinement sur cette tâche. Puis de toute manière je suis un piètre chanteur. Presque aussi bon qu’Emily sous la douche et nous savons tous les deux que ce talent n’est pas le plus évident.


Je lui souris à pleine dent. Etais-je en train de dire qu’elle chantait mal ? Cela n’en faisait aucun doute. Ceci dit Emily avait d’autres caractéristiques qui m’importaient davantage. Durant une fraction de seconde je cherchais des yeux un objet susceptible de diffuser de la musique. Je trouvais près d’une fenêtre un élégant gramophone. Sans mes origines moldu l’outil en question m’aurait échappé et surtout je n’aurais pas su l’actionner. Je lâchais les doigts de ma partenaire pour retrouver ma baguette coinsée dans la poche de mon pantalon. Depuis Juin je ne m’en séparais plus. Je la pointais vers le gramophone pour mobiliser finement le levier. Ma vision surnaturelle me fit percevoir le mouvement du disque. Bientôt la musque allait partir.


Je haussais les épaules avant de saisir de nouveau la main d’Emily. Je ne sais pas combien de temps mon analyse de ma pièce et l’activation du diffuseur de musique m’avais pris. Certainement moins de temps qu’un humain puisque ma vision était redoutable. Mais j’avais certainement perdu du temps avec l’utilisation de ma baguette. Ceci dit je ne me faisais toujours pas à l’idée que ma vitesse était un avantage. C’était encore un élément qui me faisait peur. Si je ne prenais pas mon temps il m’était difficile d’analyser la situation et si je ne le faisais pas, je perdais le contrôle.

( Pando )

Perdre le contrôle. C’était bien la chose qui me terrifiait le plus. Devenir un monstre sanguinaire en une fraction de seconde. Une perte de concentration infime conduisant à un carnage irrémédiable. Sans le soutien d’Emily je ne sais pas comment ces scènes cauchemardesques auraient pu être évitées. Elle m’avait soutenu pendant des mois, surveillant mes arrières pour que je ne puisse faire de mal à aucun bipède. Elle m’avait appris à contrôler mes sens pour qu’ils ne me rendent pas fou. Elle m’avait protégé dans notre cocon en Corse, faisant appel aux bonnes personnes pour que je sois en mesure de reprendre mon travail à la rentrée. Et ceci fait, elle ne m’avait pas lâché. Mes premiers cours de l’année, je la savais proche et en alerte. Elle ne me laissait pas tomber sachant que j’étais terrifié par l’idée de faire du mal. Après avoir sauvé ma vie, elle m’aidait à préserver ce qui me restait de mon existence passée. Si j’en étais là aujourd’hui, à supporter la tentation perpétuelle, c’était grâce à elle. Sans Emily je ne serais rien, surtout je ne serais plus.

Elle me caresse la joie puis m’embrasse. Je ne veux pas lui faire subir mes états d’âme puisque ce serait bien mal la remercier, pourtant elle les perçoit toujours. J’écoute à peine la musique s’enclencher. Je suis concentré sur ses mots, mes yeux plongeant droit dans les siens. Emily comprend que cela demande du temps, après tout j’ai été sorcier sur une plus longue période que vampire. Me servir de ce que m’offrent mes sens décuplés est une chose, me servir quotidiennement de cette vitesse incroyable en est une autre. Elle est encore bien trop reliée à une situation particulière, la chasse. Hors il n’est pas aujourd’hui question de me nourrir mais de danser avec ma partenaire d’existence. Emily était positive et voyait le chaudron à moitié plein. Je n’avais attaqué personne, encore moins à l’école. C’était plus que je ne pouvais l’espérer lors de ma transformation.

La main dans mes cheveux, elle me rappelle la raison de notre présence au milieu de cette vaste pièce. La danse. Je ne voulais certainement pas manquer de lui montrer mes talents en danse de salon. Mais avant cela j’approchais ma bouche de son oreille. Même à l’autre bout de la pièce elle entendrait mon murmure, mais mes mots étaient pour elle et je n’étais jamais aussi bien que proche à l’extrême.


Je reculais ensuite la tête pour me positionner bien droit. La valse tenait beaucoup dans la posture ou alors notre professeur nous répétait cela pour poursuivre les enseignements de maintien. Puis au rythme de la musique, je guidais Emily sur l’ensemble de la pièce. Le tempo était lent pour deux vampires, mais c’était celui qui sortait du gramophone. Lorsque la musique s’éteignit, nous étions retournés vers le centre de la salle. L’instant avait été rapide et à la fois si lent. Presque indéfinissable.


Je lui souris avant de lâcher sa main pour caresser ses cheveux.

( Pando )

Le temps est comme suspendu après cette danse. Je suis simplement heureux d’être ici avec Emily et de pouvoir partager ce type de moment. Ils seront encore nombreux, infinis, mais cela ne m’effraie pas. Je sais qu’elle continuera de rendre mon existence paisible et joyeuse, du moins au maximum de ses capacités. Cela me rassure. Voir le chaudron à moitié plein comme elle. J’existe, avec elle et cela doit me suffire. Il y aura forcément du négatif, je pense aux pertes, mais j’ai encore du temps pour me préparer à cela.

Elle n’avait rien à redire sur ma danse. Je lui caresse les cheveux. Il est vrai que je me débrouillais bien. En tout cas je ne lui avais pas écrasé les pieds et nous avions respecté le rythme. Puis pour bien danse, il fallait une partenaire qui tienne la route. Pour Emily non plus je n’avais rien à redire, elle avait été parfaite, comme toujours. Je l’embrasse alors délicatement pour clôturer plus dignement cette danse. Je poursuivrais bien avec une autre, voir même toute la nuit mais Emy m’annonce qu’elle a mal aux pieds. Je ne sais pas si c’est la réalité ou une excuse, mais quoi qu’il en soit cela marque la fin de l’épisode dansant. Tant pis, encore une fois nous aurions bien d’autres occasions de nous mouvoir dans une somptueuse salle de bal.


Je lui souris et je connais son regard si bien que je l’attire vers moi. Mes mains quittent ses cheveux, l’un de mes bras entoure sa taille et je la soulève du sol sans un effort. Mon autre bras entoure avec une rapidité inhumaine ses jambes et l’instant d’après elle se retrouve blottit dans mes bras. Cette force n’est pas qu’un fléau. Elle peut être destructrice lorsque je suis affamé et utile dans les moments de joie. Il suffit simplement de se contrôler, ce qui est le cas avec le ventre plein et la présence d’Emily en mesure de me renvoyer cette force pour se protéger. J’use de ma rapidité vampirique pour rejoindre l’étage, si bien qu’un instant plus tard nous sommes de nouveau dans notre chambre. Je dépose plus lentement Emily sur le lit puis je m’allonge sur le côté collé à elle. Cette fois mes doigts viennent parcourir son bras et mes yeux continuent de la fixer.


Je lui souris. Le séjour n’est pas fini mais, il a déjà été suffisamment riche. Des révélations, une démonstration de danse, ce en moins d’une journée. Nous n’avons pas encore visité mais nous avons le temps de nous reposer. Même si nous ne dormons pas, j’aime mimer cet instant, au moins pour réfléchir. De toute manière, grâce à l’hypnose, la femme de la réception ne risque pas de nous déranger. Nous avons véritablement du temps pour nous, c’est ce qui caractérise justement notre existence.

( Pando )

Je songeais déjà à d'autres destinations. Même si nous pouvions, pour l'heure, nous déplacer seulement au sein de l'Europe, cela nous laissait tout de même une étendue de possibilités. Il était certain que nous aurions bien d'autres occasions de profiter ainsi l'un de l'autre. Certes nous passions déjà la majorité de notre temps ensemble mais c'était agréable d'envisager de casser la routine. Bien sûr nous devrions adapter les déplacements à la météo, mais cela restait un simple détail. En revanche, j'aimerais que les frontières s'ouvrent rapidement pour emmener Emily au Québec. Je n'étais plus autant attaché à ma terre natale, mais cela restait l'endroit où j'avais grandi. Un lieu qui plus est sur cette Terre qui pouvait s'adapter au mode de vie de deux vampires.

Sa main caressant mon visage vint m’extraire de ma rêverie. Je voyais ses yeux remplis d'amour à mon égard et il était certain que les miens devaient refléter la même chose. Nous nous étions bien trouvé malgré la situation qui pouvait paraitre incongrue à la base. Un professeur et son ancienne élève, ce n’était pas vraiment courant. Elle m'embrassa puis reprit la parole. Il était vrai que Maddison ne pourrait pas se permettre de nous voir partir de manière trop régulière. De toute façon je serais bien trop gêné de lui imposer cela. Elle faisait déjà beaucoup pour nous et c'était mon amie. Mais pourquoi pas envisager ce genre de week-end de manière ponctuelle. Puis, Emily avait raison il nous restait toujours l'été pour bouger. Nous pourrions bien profiter de notre cocon en Corse et des aventures dans le même temps.


Je l'embrassai à mon tour. Nous n'avions pas besoin de dormir, mais nous avions le droit de nous reposer pour penser. Les révélations du jour nécessitent justement un temps de réflexion. Voyage et enfant, l'un des sujets donnerait plus de difficultés. Ceci dit, cela pouvait être fait blotti l'un contre l'autre si bien que je l'entourai de mes bras. La présence de ma madame Dracula me comblait déjà suffisamment.

( Pando )