Philipp von Roppelt 

Munich, le 19 novembre 2116


Papa,

Je crois que j’ai fais une bêtise. Ne m’en veux pas, d’accord ?
Je sais que c’était un secret et que je ne devais en parler à personne… mais j’ai fini par tout avouer à maman. Je ne supportais plus de devoir lui mentir et puis de toute façon je crois qu’elle avait déjà compris toute seule depuis un bout de temps. Elle attendait seulement que ce soit moi qui fasse le premier pas.
J’avais besoin d’avoir son avis, tu comprends ?

Elle ne s’est pas fâchée, tu la connais, mais j’ai bien vu que ça ne l’enchantait pas. D’après elle tu es un très grand sorcier mais tu n’as pas toujours fait les bons choix, et les Pozhirathelis auraient certes bâti de grandes choses, mais aussi des choses terribles. Elle dit aussi que tu t’es attiré des ennuis et que c’est pour ça que tu es parti, et que c’est beaucoup mieux comme ça. Moi je ne comprends pas trop ce qu’il y a de mal à ça… et je veux bien t’aider si tu as des ennuis.

Tu sais, elle ne le dit pas mais j’ai l’impression qu’elle a peur. Mais peur de quoi ? Pourquoi est ce que j’ai l’impression qu’elle me cache quelque chose ? Que tout le monde me cache quelque chose ? Est ce que j’ai fait quelque chose de mal ?

Réponds moi,
Philipp.

Durmstrang, le 2 février 2117


J’y suis retourné hier soir. Je n’étais pas sûr d’en avoir très envie mais Yelverton a insisté. Elle m’a dit que ça t’aurait sûrement fait plaisir que je le fasse et que ce serait utile si je voulais comprendre de quoi il s’agissait vraiment…

Ils ont surtout parlé de politique bulgare et j’ai appris que la moitié de conseil magique étaient en fait des infiltrés pozhirathelis ! D’après eux il y aurait une espèce de secte qui se ferait appeler l’Ordre du Dragon et qui menacerait la paix du pays. Le ministre de la magie lui-même serait partisan de ce groupe ! D’après ce que j’ai compris les pozhirathelis veulent l’éliminer et falsifier les prochaines élections afin de pouvoir contrôler le ministère... Je trouve ça un peu radical et excessif mais l’un d’eux m’a dit que c’était le prix à payer pour construire un monde meilleur.

Tu sais, je ne suis pas sûr d’apprécier ces gens. Je sais que ce sont tes amis, mais certains ont l’air d’avoir des idées vraiment extrêmes… Surtout l’homme qui était assis en bout de table. Il n’a pas arrêté de me regarder de travers pendant toute la soirée, j’avais presque l’impression qu’il pouvait voir ce qui se passait dans ma tête ! Selon lui, les nés-moldus ne devraient même pas avoir le droit d’exercer une profession magique. Et le pire, c’est que ça n’a pas eu l’air de choquer grand monde...

Yelverton m’a donné une semaine pour décider si je voulais faire ou non leur initiation, et elle a bien précisé qu’il n’y aurait pas de retour possible.

Je ne sais pas quoi penser de tout ça… J’aimerais que tu sois là.
Philipp.

Munich, le 9 août 2117


Papa,

On m’avait prévenu que ce serait dur, mais je n’imaginais pas que ce serait à ce point.

Tu te souviens de l’homme qui n’aimait pas les nés-moldus ? En fait il s'appelle Andreï Ivankov et c’est lui qui s’occupe des nouveaux.
Hier soir il m’a dit que tu étais mort depuis longtemps, que croire le contraire serait stupide de ma part et que ce serait miraculeux si j’arrivais au bout de l’initiation. Et puis il m’a giflé parce que j’ai répondu à sa question sans avoir été autorisé à parler. Il dit que c’est pour m’apprendre le respect mais il ment. J’ai vu dans ses yeux que c’était une humiliation gratuite. Il me déteste depuis le début, c’est évident.

Le seul point positif, c’est qu’il a demandé à Kovachev de m’apprendre à maîtriser mon don de légilimancie. Il est génial, et j’ai enfin l’impression d’apprendre quelque chose d’utile. Kovachev est muet, on m’a raconté qu’il avait perdu l’usage de la parole après avoir été torturé par des mangemorts anglais, mais il est très patient et me montre des choses vraiment étonnantes. Maintenant j’arrive à modifier les souvenirs des gens rien qu’avec l’esprit. C’est fascinant !

J’espère que je pourrai te montrer, un jour.
Philipp.

Durmstrang, le 23 octobre 2118


Papa,

Je me demande si je vais passer mes DURMS II finalement… de toute façon à quoi bon ? Je ne veux être ni ministre, ni auror ou encore moins médicomage. Le professeur Lazarov commence sérieusement à me prendre la tête avec ça. Moi ce que je veux, c’est être écrivain. Mais d’après lui c’est tout juste bon pour les moldus… et alors ? Il y a des tas d’écrivains moldus qui sont fantastiques. Sauf que visiblement personne n’est de cet avis à Durmstrang, parce qu’il a fini par me mettre en retenue pour insolence. Tu te rends compte ? C’est tellement injuste ! Tout ça juste parce que je n’ai aucune envie de faire de la politique… Et devine qui a commencé à s’en mêler ? Andreï Ivankov ! Tu t’imagines ? Non mais sérieusement, en quoi ça le concerne celui là ? Comme si ce n’était pas déjà suffisamment pénible quand il n'est pas là ! Mais si il s'imagine que j'ai envie de finir comme lui, en vieux hibou grincheux assis derrière un bureau tous les jours de toutes les semaines, il se fourre la baguette dans l'oeil !

J’ai très envie de tous les laisser tomber et de rejoindre Kara à Beauxbâtons. Tu savais que là-bas les cours de vol ne sont pas obligatoires ? Quelle veine ! D’ailleurs, elle a commencé à m’apprendre le français, au cas où, mais je crois que je ne suis pas tellement doué pour ça… tous les mots se ressemblent !
Tu sais j’aimerais bien te la présenter quand tu seras de retour. Je suis sûr que tu vas l’adorer.

Il faut que je te laisse, Lazarov m’a donné rendez-vous à 19 heures pour la première retenue de ma vie. Je donnerais n’importe quoi pour être loin d’ici et qu'on me fiche la paix !

À bientôt,
Phil

Sofia, le 16 mars 2119


Je t’en supplie, papa, il faut que tu m’aides.
J’ai peur.
J’ai tellement peur.

Je sais que j’ai passé l’âge de pleurer mais depuis que j’ai vu Andreï ce matin, je suis incapable de retenir mes larmes. Il m’a donné deux jours pour accomplir cette dernière mission. Après quoi, soit je serai un Pozhiratheli, soit je serai mort.

Mais je ne peux pas faire ce qu’il me demande, papa. Je ne peux pas. Personne n’a le droit de faire ça, et personne n’a le droit de me demander de le faire. C’est trop horrible. C’est inhumain.

Tu sais je ne suis pas stupide, je sais très bien ce qu’ils font à ceux qui échouent ou ceux qui abandonnent. Je l’ai vu. J’ai vu Andreï le faire. Je n’aurai jamais dû, mais c’était un accident. Et maintenant... je n’ai pas d’autre choix que de réussir... Sauf que si je réussis je ne pourrai plus jamais me regarder dans un miroir, ni affronter le regard de ma mère ou de qui que ce soit d’autre. Le simple fait d'exister avec ça sur la conscience me donne la nausée.

C'est peut-être Andreï qui a raison après tout : si ça se trouve je suis un lâche. Je suis désolé de ne pas être à la hauteur de ce que tu attends de moi, papa. Désolé. Mais je préfère mille fois être un lâche plutôt qu’un assassin.

Aide-moi...

Velingrad, le 13 septembre 2120


La mission de la semaine dernière a été une véritable catastrophe, j’imagine que même toi tu as dû en entendre parler. Yelverton est morte. Ivankov et Timofeïev se sont fait arrêter. Ils seront jugés la semaine prochaine, mais personne ne se fait d’illusions : ils vont être envoyés à Nurmengard.

J’ai entendu des rumeurs horribles sur toi… j’aimerais vraiment croire qu’elles sont fausses mais tant que tu ne les démentira pas toi-même je n’y arriverai pas.

Durmstrang, le 6 juin 2121


Malo,

Excuse-moi de t'appeler par ton prénom, mais je viens de réaliser que tu n’a jamais été un père pour moi. D’ailleurs, je ne crois pas non plus que tu sois parti pour réparer tes erreurs, il y a vingt ans. Cette histoire de monde meilleur est la plus vaste blague que je n’ai jamais entendue de ma vie. La vérité, c’est que tu nous a abandonné.

J’ai toujours pensé que tu étais quelqu’un de bien. Mais si tu avais été quelqu’un de bien tu aurais eu un peu plus de respect pour ma mère. Parce que tu sais, malgré tout le mal que tu lui a fait, elle ne t’en veux pas. Elle ne t’en a jamais voulu. Je sais que ça semble surréaliste, mais elle t’a pardonné. Elle t’a pardonné . Tu te rend compte ? C’est dingue, non ? Ne me demande pas comment elle fait, je n’en sais rien. Et ne vas certainement pas attendre la même chose de moi, je ne suis pas aussi fort qu'elle.

En fait, je crois que c’est la dernière fois que je t’écris. De toute façon à quoi bon ? Tu ne m’as jamais répondu, et je me demande même si tu as lu toutes ces lettres. C’est dommage, pendant toutes ces années je me suis imaginé le jour de nos retrouvailles. Mais cette rencontre n’aura jamais lieu, n’est ce pas ? Parce que même si tu te tenais à côté de moi en ce moment même, je ne te reconnaitrai pas. Je ne sais pas à quoi tu ressemble. Je ne sais même pas si tu es encore de ce monde... Tu pourrais tout aussi bien être mort, ça ne changerait rien. En fait, ce serait sûrement mieux comme ça.

Sofia, le 26 août 2133


Mon très cher père,

Notre relation a commencé sur le papier il y a presque vingt ans et ironiquement, c’est aussi comme ça qu’elle va finir aujourd’hui.

Quand je t’ai vu pour la dernière fois, plus misérable que jamais au fin fond de ta cellule, je me suis dit que la justice n’était peut-être pas qu’une illusion dans ce pauvre monde.

Tu vas mourir, et il n’y aura personne pour te tenir la main. Personne pour se souvenir de toi plus tard.
Ce sera long. Ce sera douloureux.
Mais ça te laissera le temps de te rappeler toutes ces vies que tu as brisées. La mienne, mais aussi celles de Jade, de Tiphaine, et de tous ceux qui étaient là au mauvais endroit, au mauvais moment.

Fais un bon voyage.
Ton fils, Philipp.