[Ludlie] Deux mois plus tard. Jalousie et Promesse. 

Avais-je passé l’heure de cours d’étude des êtres magiques et des plantes à lorgner du côté de Cabestany en espérant accrocher son attention ? Oui. C’était presque aussi ridicule que ma tentative ratée de la veille qui m’avait conduit à faire le guet devant la calèche dans le but de lui glisser deux trois mots. Heureusement Babylon était arrivé avant elle. Heureusement car je n’avais pas pu m’empêcher de parler fort pour une raison que je ne pouvais expliquer. Puis techniquement, avoir la surprise de retrouver mon meilleur ami pour ma dernière année à Beauxbâtons était une bonne nouvelle. J’espérais seulement que Baby resterait de bon conseil et ne me parlerait pas trop de son mioche. J’étais là pour étudier et m’amuser, pas cauchemarder sur la vie d’adulte. Enfin il me connaissait suffisamment pour s’en douter.

Cette matière n’étant pas très stimulante pour mon intérêt et mon esprit bien trop dirigé vers la jeune espagnole, je mis quelques minutes avant de me rendre compte que ma première heure de cours de cette septième année était terminée. Bon dernier, je quittais la salle avant que le professeur m’intercepte, il ne manquerait plus que ça. Je n’avais pas envie de l’entendre dire que sa matière, bien que peu utile pour le bac que je préparais, était digne d’un peu plus d’intérêt de ma part. J’avais d’autres choses à faire comme retrouver Babylon qui n’avait pas cours ce matin. En voilà un pour qui l’année commençait bien. Après Durmstrang il devait d’autant plus se sentir en vacances prolongées. Enfin, je pris la direction des jardins où nous étions censés nous retrouver après mon cours.

Je m’installais au bord de la fontaine cherchant Baby des yeux. Si cet idiot était encore en train de pioncer j’allais me le faire. Sérieusement, il me faisait attendre pour rien alors qu’il avait eu toute la matinée pour se bouger les fesses et être à l’heure pour me rejoindre. Parfois la fidélité c’était trop demander. Et en parlant de cette vertu bien trop répandue dans mes fréquentations, le banc le plus proche était occupé par Cabestany. Si elle n’avait pas été là avant moi j’aurais presque pensé qu’elle me suivait pour me torturer. Malgré les lunettes de soleil et un sourire béat qui ne lui ressemblait pas, je la reconnaissais bien trop facilement. En même temps après six ans dans la même promotion et quelques parties de jambes en l’air l’an passé ce n’était pas bien compliqué. Alors qu’elle m’avait limite pleuré dans les bras en juin pour que je l’aide, elle n’avait même pas cherché à me glisser un mot. Qu’elle ne me dise pas qu’elle n’aimait pas les contacts, je l’avais vu câliner une de ses camarades de chambre avant d’entrer en cours. Cette fille était franchement tarée. Il y en avait un autre qu’elle avait bien du câliner durant l’été et qui expliquait qu’elle m’ignorait comme le dernier des laiderons.

Sans réfléchir je m’approchais d’elle. Je l’avais vu avec ce type dans la Grande Ville Marchande. Visiblement un peu plus âgé que nous et pas très beau. Je ne sais pas ce qu’elle lui trouvait mais visiblement elle appréciait se pavaner dans ses bras. Cette vision m’avait fait gerber. Qu’est-ce qu’il avait d’intéressant l’autre abruti, ses services étaient plus agréables que les miens ? Elle m’avait promis tout ce que je voulais en juin contre de l’aide, ce que je voulais c’était qu’elle ne me prenne plus pour un imbécile. Moi qui pensais pourtant après le camp de duel que cela pouvait un jour fonctionner entre nous. La plaie, elle m’avait vraiment transformé en troll.


Bonjour, comment vas-tu, très peu pour moi. Autant aller droit au but.

J’attendais une répartie de sa part, pas des excuses. Je ne suis pas une pauvre petite chose qui a besoin de l’approbation des autres pour avancer. Il y a d’ailleurs une différence entre venir chercher du respect ou des explications. Ce qu’elle pouvait foutre avec ce type la regardait, bien que j’étais curieux de connaitre les circonstances de leur rencontre. Ce n’était pas un ancien de Beauxbâtons, je l’aurais reconnu sinon et il n’avait pas la tête de l’emploi pour être un de ses camarades de l’orphelinat. En revanche, j’aimerais comprendre si elle jouait sur deux tableaux ou si elle avait tout simplement aussi peu d’estime pour nous pour prendre seulement ce qui lui était utile.

J’attendais donc une remarque sanglante, puisque mes paroles étaient clairement une attaque et qu’elle n’était pas du genre à se laisser marcher dessus. Qu’elle ait capté immédiatement ce à quoi je faisais référence n’était pas certain en revanche. Pourtant, sa réaction fut clairement surprenante. Elle se leva pour m’enserrer de ses bras. Je ne bougeais pas aussi surpris qu’atterré. Je ne cherchais pas à me dégager, mais je ne lui rendais pas l’étreinte pour autant. Je ne savais pas ce qu’elle consommait mais ça devait être fort. Bien plus que ce qu’avait pris Babylon avant de monter dans la calèche la veille. Ses paroles me laissèrent encore plus coi. Mon Charlie. Déjà qu’il était rare qu’elle me nomme directement par mon prénom, le voir en plus précédé de ce pronom beaucoup trop personnel était fou. Le monde marchait sur la tête, les gens devenaient dingues.

Ludmila finit par me lâcher après ces retrouvailles émouvantes de manière unidirectionnelle. Elle resta debout, quitta définitivement ses lunettes pour les ranger dans son sac et repris la parole. Ce n’était pas mon genre mais pour le coup j’étais encore beaucoup trop circonspect pour déblatérer mes conneries habituelles. J’étais également curieux d’entendre ce qu’elle pouvait me dire. Peut-être que j’avais fait preuve d’une imagination beaucoup trop débordante et qu’elle n’avait pas passé son été dans les rues de la Grande Ville Marchande. D’ailleurs, je ne l’avais croisé qu’une fois. Enfin, je n’étais pas retourné là-bas pour m’assurer si oui ou non elle passait son temps avec un homme inconnu. La fois où je les avais croisés, ils semblaient en tout cas bien se connaitre et cela me suffisait pour me faire une idée. Pas à moi, j’étais certain qu’elle était capable de trouver mille excuses pour quitter son orphelinat.


Mon sourire était prudent et mes paroles très peu agressives. Si elle ne s’imaginait pas que je l’avais aperçu elle pouvait simplement interpréter mes mots comme une des remarques acerbes dont j’étais coutumier. Avant de lui lancer toutes les foudres il fallait que j’en apprenne plus et la fin de sa tirade m’inspirait bien.


Allait-elle me mentir ouvertement. J’étais bien curieux d’entendre ça.

Le souci était que j’étais jaloux et que comme tout le reste je ne faisais pas les choses à moitié. Techniquement elle n’avait rien à se reprocher. Elle ne m’avait rien promis, nous ne partagions rien de concret. Je ne pouvais même pas prétendre que de mon côté j’avais été réglo car la nuit précédant notre retour à Beauxbâtons, je l’avais passé dans la chambre d’une camarade renarde. Mon niveau de vexation n’en était pourtant pas moins important. Au fond il y avait quelque chose entre nous parce qu’on ne passait pas son temps à chercher des poux à quelqu’un, puis à alterner des crépages de chignons et des moments intimes, s’il n’y avait rien. Ce n’était pas la relation la plus académique mais cela restait tout de même une relation. D’ailleurs je n’avais pas cherché à batifoler cet été. J’avais passé mon temps libre hors des camps à la plage, avec un maillot cachant mes parties intimes contrairement à la connerie que j’avais prononcée, mais je n’avais pas cherché à fricoter. C’était pour cela que la surprise de croiser Ludmila avec un autre homme que moi m’énervait. Après notre dernière conversation dans la salle de danse et les retrouvailles lors du camp de duel, j’avais eu l’ambition de faire un effort pour elle. Je détestais cette impression de sentiment unidirectionnel, j’étais vraiment un imbécile et ça ne pouvait pas durer.

Pour commencer j’avais envie de savoir qui était son Roméo. Rien de plus anodin de débuter par ce qu’elle avait bien pu faire de ses vacances. En attendant l’idée de ma présence sur les plages nudistes semblait l’amuser. Même si ce n’était pas vrai, j’en étais parfaitement capable. Le seul inconvénient était que j’attirerais beaucoup plus l’attention. Ce n’était pas pour me déplaire mais ça risquerait de devenir dangereux avec une horde d’admiratrice dans mon dos. Enfin bref, en plus de rire sa remarque me surprit. Je souris malgré moi, par Merlin, j’étais censé lui en vouloir pas partager un agréable moment avec elle. Lorsqu’elle tira mon bras pour que je m’installe sur le banc à côté d’elle j’avais déjà la sensation de me trouver dans un monde parallèle. Je l’écoutais d’une oreille attentive, tout en restant préoccupé par son comportement.


Parce que franchement sa manière de m’agripper ce n’était pas du tout son genre. C’était plaisant un moment, mais nous n’étions pas ensemble et cela me semblait trop peu naturel pour que je reste satisfait longtemps. Oui j’étais la personne la moins fiable du monde et j’attendais en retour une honnêteté entière de la part des autres. Puis, il manquait une partie de son emploi du temps estivale. Je ne lâcherai pas l’interrogatoire en si bon chemin, enfin elle m’avait posé une question et je devais lui répondre.


Je lui souris encore une fois. J’avais envie de discuter avec elle encore longtemps de manière taquine, mais je n’étais pas venu pour cela. C’était le moment de se ressaisir. Elle n’avait pas évoqué le rendez-vous galant et j’avais besoin de comprendre pourquoi.


Puis je la fixai le visage complètement neutre. Interdiction de se défiler, si elle tentait j’allais devenir nettement moins poli.

Ludmila n’approuva pas l’hypothèse du coup sur la tête, elle était donc devenue tout simplement folle. Quoi qu’une folle perspicace puisqu’elle avait fini par lâcher mon bras. Non pas que ça me dérangeait qu’elle me touche, mais généralement c’était dans d’autres circonstances et je n’étais pas en colère contre elle. Enfin si l’on pouvait parler de colère puisque je me trouvais tout de même à rire avec elle. Qu’est-ce qu’elle avait de si spéciale pour que j’arrive à oublier à certains moments que je lui en voulais ? Jusqu’à lors j’avais réellement apprécié la compagnie de deux autres jeunes femmes. Une féline qui représentait la douceur incarnée et Lynn qui était une furie ambulante. Toutes deux avaient eu le point commun de ne pas tomber dans mes bras au moindre mot adressé. J’aimais avoir un fan club derrière moi, mais je ne voulais pas faire ma vie avec quelqu’un qui me vénérait pour des raisons superficielles. Ludmila, elle, avait la particularité d’être un mélange de ces deux profils. La plupart du temps elle se comportait comme Lynn, mais au fond elle restait une vraie féline. Elle aussi n’avait pas succombé à mes charmes dès le premier regard. Son souci en revanche était qu’elle m’avait eu à mon propre jeu. Volontairement ou non, à cause d’elle j’étais maintenant jaloux et grandement touché dans mon égo.

Pour ne pas perdre de vue la raison qui m’avait poussé à l’accoster, je mis finalement les deux pieds dans le plat. Je feintais l’erreur mais mon regard ne laissait dupe personne. C’était bien elle que j’avais vu dans les rues de la Grande Ville Marchande et ce n’était pas à mon bras qu’elle était. Je la vis perdre son sourire. Touché. Elle regarda ailleurs. Et merde, donc ça devait être sérieux avec ce type et cela ne devait pas lui plaire que je sois au courant. Dans quel foutoir je m’étais mis avec mes conneries. Ludmila finit tout de même par ouvrir la bouche en me demandant de la suivre. Je la laissais une nouvelle fois attraper mon bras et je la suivis sans rechigner. Je voulais une explication, je savais qu’elle allait me la donner alors c’était le moment pour moi de me taire. Si je commençais à l’accabler dès maintenant elle se contenterait de m’envoyer paitre. C’est ce que je ferais à sa place en tout cas. Elle m’entraîna dans un endroit isolé, à l’abri des regards et surtout des oreilles indiscrètes. Nous étions déjà venus là mais pas pour les mêmes raisons. Il n’y avait pas besoin d’être devin pour savoir que la conversation du jour ne se finirait pas de cette manière. Si elle devait se défiler ce ne serait pas comme cela.

Je l’écoutais attentivement. Vengeance, Pozhiratelis, piège. Elle fréquentait un corbeau pour lui tirer des informations. C’était aussi simple que cela. Je bouillonnais. Elle pouvait très bien faire exactement la même chose avec moi. Mon égo était en train de se fracasser en plein vol. Je fermais les yeux un instant avant de les rouvrir pour la fixer. Cela ne voulait même pas dire qu’elle ne l’appréciait pas au fond. Quel cauchemar. J’étais tellement sur le cul que je ne savais pas comment réagir.


Est-ce que je me serais fait aussi facilement rouler dans la farine. Au fond de moi je n’y croyais pas vraiment. Si c’était le cas je m’en serais rendu compte parce que je savais comment fonctionnait ce genre de ruse. Puis initialement je n’avais pas grand-chose à lui offrir mis à part laisser son frère tranquille. Autrement dit c’était une affaire qu’elle aurait pu régler avec un simple maléfice. Puis jamais elle ne m’avait témoigné une quelconque affection. Cela serait un coup de poker trop monumental pour une utilité beaucoup trop médiocre si c’était vraiment calculé. Si elle se servait de moi, ce n’était certainement pas à ce niveau-là.


Je voulais que sa réponse soit sincère. Je n’y croyais pas, mais c’était l’affaire de tous ceux qui se voilait la face. Bien sûr j’étais énervé, mais ce n’était pas pour autant que je laisserai ma colère lui exploser dessus. Puis pour la seconde fois avec elle, une partie de moi commençait à ressentir de l’empathie. Toujours cette histoire avec ses parents. Si elle devait se venger je ne voulais pas qu’elle se sacrifie ainsi et cela m’énervait d’autant plus car j’en devenais faible.

Je ne savais pas comment régir car je ne savais pas ce que je ressentais vraiment. De la colère bien sûr, une part pour elle, une autre pour moi et le reste pour ce corbeau de malheur. Il y avait de la déception aussi, de la crainte de m’être fait berner et d’avoir fait naitre quelque chose d’unidirectionnelle. Puis, contre toute attente, il y avait aussi de la compassion. Cela était le choix de Ludmila, mais elle devait tout de même donner de sa personne pour fomenter la meilleure des vengeances. Le dégout de l’autre m’empêcherait certainement de le faire, alors ne serait-ce qu’un instant je pouvais compatir. J’attendais tout de même sa réponse, croisant véritablement les doigts pour qu’elle me confirme que je n’étais pas le dindon de la farce. J’essayais également de capter son regard, ce qui n’était pas aisé puisqu’elle mettait une certaine application à l’éviter. Je ne savais pas comment interpréter cela. Soit mon opinion lui importait, ce qui pouvait être un bon signe, soit au contraire elle craignait ma colère en sachant que la réponse ne me plairait pas. Par cette simple absence de contact je n’étais pas beaucoup plus avancé.

Elle me fixa enfin avant de prendre la parole. Je l’écoutais avec attention, prêt à analyser la moindre de ses paroles. Elle ne jouait pas avec moi. Même elle ne se le permettrait pas. J’imaginais que c’était positif, enfin le jeu que nous avions débuté il y a bientôt un an n’était pas fictif. Puis elle me distinguait de ce type. C’était d’ailleurs peu flatteur pour lui car il ne faisait pas le poids face à moi. Ludmila revient même sur l’échange que nous avions eu avant de quitter Beauxbâtons. Lors de ce duel qui avait viré au fiasco et dont j’avais été cette fois la victime, nous avions convenu que je l’aiderais à devenir plus rusée et plus forte. J’avais l’impression qu’elle ne m’avait pas attendu pour monter un plan qui était sur le papier prometteur, mais en réalité beaucoup trop incertain. Elle avait fait l’erreur de dépasser la limite de la simple séduction. Je le savais par expérience. Alors que créer de l’attirance et de la convoitise était bénéfique, l’attachement et la projection dans l’avenir virait au fiasco. Ludmila avait dépassé la ligne rouge, peut-être sans le vouloir ou sans s’en être rendue compte et maintenant elle était dans une merde monumentale. C’était même un euphémisme vu la bague qu’elle me montrait et l’évolution de la relation que l’homme envisageait.


J’avais parlé rapidement ce qui soulignait davantage l’urgence. C’était pour la partie aide que je lui avais promis non ? En l’occurrence j’aurais certainement donné ce conseil à n’importe qui. S’ils comprenaient qui elle était, ils l’interrogeraient et cette idée était déjà suffisamment insoutenable. Or le type ne s’arrêterait pas là. Il n’aimait vraisemblablement pas sa femme, mais il n’accepterait pas d’avoir perdu un bon parti pour rien. Surtout il détesterait s’être fait berner de la sorte par une gamine et voudrait qu’elle paye. Sur ce point je le comprenais très bien. Je ne savais pas si Ludmila percevait à ce point le danger ou si elle comptait sur les sentiments du corbeau. Je me moquais bien qu’elle ait en retour des sentiments, ce n’était pas le moment de trainer.


Il était hors de question qu’elle ait des regrets. Si c’était le cas elle n’agirait pas et je refusais de la laisser dans cette merde. Jusqu’à maintenant j’avais été dur et peu compatissant dans mes propos. Je n’avais dit que la vérité sans être insultant, mais un peu de sincérité sur ce que je pensais ne ferais pas de mal. Ainsi, contre toute attente, je passais ma main sur son visage pour effacer ses larmes.

Oh boy. Qu’est-ce que tu fous au juste ? C’est quoi la prochaine étape, lui passer autour du doigt la bague du crime qu’elle m’avait mis dans les mains. Et pourquoi pas prononcer en plus "t’inquiète pas Ludmilou, je ne laisserai pas ces corbeaux toucher à ma femme". Flinguez-moi. Je ne suis pas censé être un gentil. Je n’arrivais même pas à comprendre pourquoi sa situation me peinait. Enfin si, c’était assez évident. Je la trouvais canon, intéressante et dans son histoire de La vengeance d’une orpheline, elle s’était mise dans une merde monumentale. Avec ses larmes j’avais un relent d’humanité qui me faisait agir comme un idiot. Puis, j’avais envie qu’elle s’éloigne de son sang-pur autant pour sa sécurité que parce que cela me rendait jaloux. On était vraiment sur de bonnes bases pour devenir l’abruti prêt à se jeter d’une tour en cas de déboires amoureux. Il était vraiment temps que je me ressaisisse. Or, avant que je n’eus le temps de retirer ma main de sa joue, Ludmila me serra dans ses bras. Sans réfléchir je lui rendis son étreinte. Si c’était Baby, dans cette situation, je ferais certainement pareil. À croire que j’étais capable d’empathie pour les personnes que je considérais. Finalement, ce geste ne voulait rien dire de plus que "je suis là". Bon c’était un changement radical dans notre relation. Nous n’avions jamais été aussi proches, même lorsque nous nous adonnions à des jeux peu catholiques. Là ça n’avait rien d’un mouvement uniquement charnel, c’était beaucoup plus sincère.

Nous restâmes quelques instants ainsi. Je ne savais pas trop quoi penser. Je l’aimais bien mais je n’avais pas envie de devenir faible. Si je devais être prévenant avec elle je devais être certain qu’elle ne retournerait pas cela contre moi. À vrai dire c’était le seul danger. Je ne voyais pas en quoi être sympa avec elle m’empêcherait d’être un gros connard à côté. Me lier d’amitié avec Babylon n’avait rien changé après tout et je ne me retenais pas d’être désagréable avec les personnes qu’il appréciait. Ludmila rompit finalement le silence qui s’était installé. Elle avait de nombreuses questions que je n’avais pas mis en perspective. De mon point de vue c’était simple, elle devait disparaitre de sa vie, mais je n’avais pas anticipé les répercussions sur la vie du corbeau. Serait-il capable de la traquer ? Je n’en savais rien, je ne le connaissais pas. En revanche, s’il avait obtenu son tatouage c’était qu’il avait des ressources pour être en mesure de détruire des vies.


Je m’éloignais alors, avant de m’asseoir dans l’herbe. Il fallait que je réfléchisse un instant. Il n’y avait pas de plan évident, la situation étant beaucoup trop complexe. Que le corbeau tienne ou non sincèrement à elle, il ne la laisserait pas disparaitre aussi facilement. Dans un même temps elle n’avait pas vraiment le choix non plus. Viendrait un moment où il se rendrait compte du mensonge et il était préférable qu’elle ne se trouve plus à sa portée. Je regardais autour de nous, nous étions toujours seuls. Cette fois ce fut mon tour de lui attraper le bras pour l’inciter à se poser à mes côtés. C’était le moment pour elle d’être attentive.


Quant à savoir si elle pourrait vivre normalement après cela. C’était justement mon rôle de la rendre plus forte non ? Puis elle passerait les neuf prochains mois dans l’enceinte sécurisé de l’académie Beauxbâtons.

Je ne pouvais pas être plus clair avec ma tirade. Elle était dans la merde. En même temps si elle m'avait demandé mon avis je lui aurais conseillé de s'abstenir. Le rôle de professeur était vraiment ingrat, les élèves venaient réclamer des conseils quand c'était déjà trop tard. Elle allait ramer pour rattraper ses conneries. Quoi qu'il en soit elle devait arrêter cette folie maintenant et ne pas aggraver davantage la situation. Après ce conseil de mentor, si elle ne m'écoutait pas, ce ne serait plus mon problème. Je voulais bien faire le canard le temps d'une conversation, mais il ne fallait pas trop abuser de ma gentillesse et de ma patience. En tout cas, je me demandais sérieusement quelle mouche avait pu la piquer pour penser que c'était une bonne idée. Elle avait vraiment du chemin à faire dans l'élaboration des plans.

Ludmila était bien assise sur l'herbe à côté de moi. Non pas que nous avions une grande différence de taille, mais ainsi mes yeux plongeaient directement à la même hauteur dans les siens. Puis, après ses révélations, je préférais être près du sol pour ne pas tomber trop de haut à la prochaine connerie. Il ne faudrait pas que j'abîme mon beau visage pour une chute aussi ridicule. Puis, je n'étais pas encore suffisamment suicidaire pour retrouver l'autre tueuse dans son infirmerie. Déjà que ce matin au réveil j'avais eu le plaisir de constater que je ne gueulais plus comme un putois chaque fois que j'ouvrais la bouche. Il s'en était fallu de peu pour que j'inaugure le pire endroit de cette école. Quoi que j'aurais pu traîner Baby avec moi. Vu comment il parlait hier, je n'étais pas le pire. Il m’aurait diverti et servi de bouclier humain par la même occasion. Enfin, revenons sur Cabestany. Je l'écoutais une nouvelle fois avec attention. Ainsi, elle envisageait de suivre mon conseil. C'était déjà ça, au moins je ne gaspillais pas mon temps pour rien et je n'aurais plus de raison d'être méfiant. Ne pas exprimer ma jalousie maladive c'était revenir à la normale et retirer toute débilité en moi. De plus, elle semblait aussi penser que sa présence à l'école était une bonne excuse pour disparaître. En neuf mois le sang pur aurait certainement le temps de se remettre de sa disparition. Par contre, elle comptait vraiment revendre la bague. Quelle harpie. C'était un bijou de famille auquel le type tenait certainement autant qu'à ceux implantés en continu sur son corps. Elle n'était pas sérieuse.


Je levais un sourcil halluciné. Note à moi-même ne jamais lui confier un objet auquel je tenais, elle serait capable de le revendre dans la minute. Son frère ne devait pas me mentir quand il disait qu'elle était locataire d'une chaise à la Brigade Magique. J'étais bien content d'être assis, vraiment j'avais vu juste, j’aurais pu tomber de surprise.


Quelle tristesse, j'avais une autre raison pour la coller en continu. Allais-je m'en plaindre ? Assurément pas !

Revendre l’alliance. Non mais quelle plaie cette fille. Je n’avais pu m’empêcher de soulever l’absurdité de ses propos. Je notais également pour l’avenir de ne jamais rien lui prêter d’important à mes yeux. Maligne et amorale comme elle était, elle le revendrait dans l’instant. Cela dit, sur ce point je n’étais pas très inquiet. Je n’étais pas du genre à confier mes affaires aux autres. L’inverse était plus réaliste avec les notes de cours et les devoirs. Même que certaines filles m’avaient déjà confié des vêtements pour que je garde un souvenir d’elles près de moi avant de m’endormir. Comme si cela pouvait fonctionner. Enfin, de toute manière je rendais toujours les choses à leur propriétaire. Question de bonne éducation et de savoir vivre. Que Cabestany en soit dépourvu m’étonnait peu à vrai dire. Ma remarque la fit tout de même rire, au moins elle avait de l’humour.

La suite de mon intervention fut en revanche moins plaisante vu sa réaction. Je levais un sourcil. Moi aller me faire foutre ? Elle testait quoi au juste ? Ma capacité à garder mon calme. Puis prétendre que son plan était irréprochable. Je voulais bien me lancer dans des discussions grotesques mais il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin. Son plan était nase dès la conception. N’importe quelle personne avec un tant soit peu de réflexion l’aurait compris. Et c’était quoi ces suspicions. Je ne m’inquiétais pas pour elle. Enfin, pas exactement. Ce n’était pas le terme adéquat disons. Ça me faisait surtout chier qu’elle fricote avec des vieux mecs alors qu’elle avait bien mieux à disposition. Ça m’énervait qu’elle choisisse cette solution, la plus risquée et irréfléchie, alors que j’avais à ma disposition des méthodes plus efficaces. C’était quoi d’ailleurs ce petit sourire suspicieux qui s’affichait sur son visage. Cette fille me rendait fou. Surtout ne pas contester bêtement.


Bordel si après ça je n’avais pas grillé toutes mes chances de l’avoir dans mon lit j’étais prêt à prier n’importe quel dieu toute ma vie. Plus indifférente que ça comme raison tu meurs. C’était une obligation d’enchainer immédiatement sans lui laisser la possibilité de répliquer.


Bien rattrapé Charlie, mais c’est encore trop platonique et sérieux. Allez, juste un dernier effort parce qu’elle ne tiendra pas très longtemps sans l’ouvrir.


Pour la subtilité je repasserai. Promis.

Cette fille me rendait fou. C’était si difficile d’admettre que son plan était naze et que j’avais entièrement raison. Franchement, c’était une simple question de bon sens. C’était même surprenant que le type se soit laissé berner. Ils n’étaient pas très malins chez les corbeaux, ça je l’aurais cramé à dix mille lieux. Puis ça la surprenait vraiment que je m’inquiète pour elle. Ludmila était vraiment nulle dans les relations sociales ma parole. Comme si j’acceptais de rendre service à n’importe qui. Si je lui avais affirmé mon soutien c’était parce que je voyais un intérêt charnel et scolaire, puis pourquoi pas sentimental dans mes moments de faiblesses absurdes. Enfin, j’avais pu livrer mon monologue sans être interrompu et j’avais bien hâte de l’entendre dire qu’elle était désolée et qu’elle comprenait parfaitement ma position. Qu’est-ce que je raconte c’est Cabestany, elle ne va jamais admettre que j’ai raison.

Bingo, miss furie enchaîne tout en poésie. Comment lui expliquer. Ce n’est pas pour moi qu’elle aurait dû arrêter son plan à deux balles, bien que cela aille dans le sens qui m’arrangeait. C’est surtout pour qu’elle s’évite une mort lente et douloureuse. Enfin, si elle ne voulait toujours pas admettre que sa couverture était une catastrophe ambulante, elle ne pouvait pas saisir ma précédente tirade. Cela dit, elle semblait se mentir à elle-même. Si cette relation remontait à un an mais qu’elle avait tout de même l’impression d’avoir besoin d’un coup de main au niveau endurcissement, c’est qu’elle avait bien dû sentir au fond que c’était pas fiable son affaire.


Je lève les yeux au ciel pour bien marquer le fait qu’elle m’énerve tout autant. Je laisse ensuite planer un silence. Surtout ne pas dire de connerie. Visiblement si elle a l’impression d’arrêter cette relation pour me faire plaisir elle ne va pas m’écouter. Il faut que cela concerne sa sécurité et celle de sa famille pour qu’elle se bouge les fesses.


Elle a déjà manqué de m’égorger parce que j’avais demandé à son frangin de me filer des devoirs alors j’espère qu’une menace de mort sur sa tête soit un peu plus important que son égo.


Sur ces mots je me lève et je m’éloigne. Si elle a envie de discuter tranquillement qu’elle vienne, sinon tant pis pour elle. Sérieusement, comment je fais pour bien aimer cette fille, c’est à rien y comprendre.