Quand l'inconnu connu débarque à Poudlard 

C’est bizarre d’être à Poudlard sans Furcy. Très bizarre, trop bizarre même ! On a passé quatre ans tous les deux, même s’il a un an de plus que moi et qu’on ne sera jamais dans la même classe. Mais pendant quatre ans, on a pu s’amuser ensemble le soir, travailler un peu nos devoirs tous les deux, se raconter des histoires… Et maintenant, pfuit plus rien, on ne se voit plus que pour les vacances – c’est déjà bien diraient certains. Heureusement, on peut s’échanger des lettres mais vous voyez c’est pas pareil car les mots sont écrits et la personne est absente. En plus, je ne peux pas savoir s’il est vraiment heureux là-bas, dans cette école froide, car il a beau dire que ça va je suis sûre que tout n’est pas parfait. Papa dit que rien n’est parfait, mais moi je trouve que si, il y a beaucoup de choses parfaites. Il suffit juste de s’accommoder, d’être heureux avec ce qu’on a ! Ce n’est pas forcément vous savez, car ce n’est pas parce que Furcy n’est plus à Poudlard que je suis triste. Enfin, un peu quand même, mais je m’adapte. Il y a beaucoup d’élèves ici, je peux m’amuser, discuter et travailler avec plein de monde ! Bon, tout le monde n’est pas très ouvert à cette idée mais tant pis, ces personnes-là sont celles qui ont le plus besoin de joie c’est sûr et certain.

N’empêche que s’accommoder d’un si grand changement ne doit pas être facile. Et puis Furcy ne m’a plus moi, et que je ne l’ai plus. Comment je vais faire pour bien réviser les BUSEs ? Il avait dit qu’il m’aiderait. Et comment fait-il pour s’amuser si personne n’est d’humeur à jouer là-bas ? Moi, je suis toujours d’humeur à jouer, et j’ai du mal à comprendre comment on ne peut pas l’être. Cela ne m’empêche tout de même pas de travailler sérieusement : il faut que papa soit fier de moi, alors il faut que j’ai de bons résultats donc que je sois sérieuse. Alors je le suis, je fais de mon mieux. Mais pas besoin de travailler tout le temps non plus… Le cerveau a besoin de se reposer. M’enfin, je pense ça sauf que je suis en route vers la bibliothèque. C’est chouette comme endroit, surtout pour réviser en fait. En même temps entre les livres et les tables il n’y a pas de doutes : c’est fait pour ça ! Et pas pour s’amuser puisqu’il ne faut pas y faire de bruit, je l’ai vite compris. Il y a des lieux où on joue et d’autres où on travaille, c’est comme ça. Et après le repas, on travaille. Parce qu’à cette heure-ci, certains ont cours et il ne faut surtout pas prendre le risque de faire du bruit dans les couloirs alors que d’autres étudient en compagnie d’un professeur.

Alors je suis le mouvement, je monte les escaliers, je ris en voyant les escaliers se réorganiser à leur guise même si ceux qui ont cours doivent s’inquiéter à l’idée d’arriver en retard. Ceux des premiers étages ne risquent pas grand-chose, même si ceux qui ont cours plus haut oui. Mais les professeurs aussi utilisent ces escaliers, ils les connaissent ! Tout le monde sait à quel point ils sont joueurs. Certains élèves sortent au premier étage, ceux de mon année qui ont arithmancie je crois. Je sais plus trop, je ne connais pas vraiment les emplois du temps des autres à part celui de Furcy quand il était encore ici. Oh ! Moi aussi je dois aller par là, direction la fameuse bibliothèque pour travailler. Je me demande bien combien de livres elle contient… Il y en a partout, vraiment partout ! Posés sur des étagères, bien rangés, évidemment. Mais ça reste un grand nombre de livres et c’est assez impressionnant. Et pratique, n’oublions pas : c’est sûr que quelque soit le sujet réclamé, il y aura au moins un livre dessus – si ce n’est plus. Quel sera mon livre du jour ? Je sais pas, peut-être que le manuel et mes cours peuvent suffire. Ou alors je peux trouver un livre de potions. J’aime bien les potions moi, c’est génial comme matière. C’est coloré, ça bulle, ça chauffe, ça demande plein d’ingrédients qu’on n’a pas à la maison. Bref, je ne suis pas sûre que ça vous intéresse. N’empêche que les potions, c’est bien.

Donc je sautille dans les rayons, c’est par où déjà les potions ? En vrai, je ne suis pas pressée, et j’aime bien prendre le temps de regarder les livres. C’est fou ce qu’il y en a, c’est vraiment immense ! Si jamais vous vous posez la question, oui je me fais toujours cette réflexion. On a le droit d’être impressionnée par un endroit qui est le même depuis la première année, non ? Je suis sûre que vous auriez la même réaction. Ou pas, qui sait, peut-être que certaines personnes voient ici seulement des livres et ne les trouvent pas impressionnant ? Ce n’est pas impossible. En tout cas, beaucoup d’élèves utilisent la bibliothèque, j’en croise plusieurs en marchant. Je ne fais pas trop attention au premier, ni au deuxième. S’il faut travailler, il faut rester concentrée sur sa tâche. Mais le troisième que je vois m’intrigue. Un grand, plus grand que moi, mais pas n’importe quel grand. C’est pas lui, celui qui vient de Durmstrang ? Vous savez, y a des élèves qui font un échange scolaire – ou un truc comme ça, je ne suis plus sûre du nom. Et bien voilà, il y a un élève qui vient de Durmstrang et que Furcy connaît. Alors je m’arrête, je l’observe un instant. Si si, c’est lui qui aide mon grand frère dans une matière étrange qui s’appelle Arts Occultes là-bas, c’est obligé. Comment je le sais ? Et bien, il n’y a pas beaucoup de nouveaux à cette période de l’année, c’est évident.

Ah, je suis trop contente là ! Vous vous rendez compte ? Furcy le connaît de sa nouvelle école, il m’en a parlé, et moi qui croyais que jamais je ne pourrais rien connaître ni voir de son école… Voilà qu’il y a un élève de là-bas ! En plus, un gentil qui aide mon grand frère. Furcy ne m’a jamais parlé d’élèves embêtants ou méchants, mais il ne raconte pas forcément tout et je n’aurais pas aimé rencontrer un élève méchant avec lui. Quoique, j’aurais pu lui demander pourquoi. Enfin ! Ce n’est pas le cas, donc je suis encore plus contente ! «Bonjour !» Je m’approche en souriant joyeusement – oui, je l’interromps comme ça, en anglais parce que c'est un réflexe. Où est le mal ? Il n’est pas, pas encore du moins, en train de travailler. «C’est bien toi qui aide Furcy à Durmstrang ?» Curieuse, je préfère vérifier rapidement parce que je crois que c’est la politesse même si je suis sûre que c’est lui. Qui d’autre aurait-il pu être ? Quelle drôle d’idée vous avez là ! Alors je tends la main comme on me l’a appris, «Moi c’est Niamh ! Je suis sa sœur, petite sœur, il m’a parlé de…» Vous, toi ? Ah ! Bonne question. Tant pis. «… Toi ! Je suis trop contente de faire ta connaissance !» Oh ça, c’est sûr et certain. Mais bon, je suis souvent contente de rencontrer des nouveaux gens.

C’est vrai que Furcy n’avait pas parlé de sourire dans sa lettre au début de l’année qui expliquait qu’il avait un professeur élève… Mais quand même, je m’attendais pas à ne voir aucun sourire de la part de ce presqu’inconnu en allant lui parler. Pourtant c’est le cas, vraiment, je n’exagère pas ! Je n’ai pas l’habitude, souvent les gens sourient même s’ils ne sont pas forcément heureux tout le temps. Est-ce qu’il est super triste, ce Connor ? Ou alors je le dérange beaucoup beaucoup, encore plus que lorsque que je vais discuter avec d’autres élèves ici, même si habituellement ces personnes me le disent. Ce n’est pas cela qui me fait arrêter de parler bien sûr, sinon ce serait nul et je n’aurais personne avec qui bavarder, ce qui serait vraiment triste. Mais c’est bien d’être sincère, non ? Au moins il me serre la main, en plus il a dit qu’il était enchanté, je suis contente parce que c’est une super nouvelle : finalement, je ne dois pas le déranger tant que ça, si ? Non, certainement pas. Sinon il n’aurait pas pu être enchanté comme il dit.

Par contre, il a un drôle d’accent. Enfin non c’est pas très drôle, c’est bizarre. Est-ce que Furcy aussi va avoir un accent comme cet élève-là en rentrant de Durmstrang ? Il ne l’avait pas aux dernières vacances, mais peut-être que pour Noël oui ? Je fronce les sourcils : ce serait vraiment très étrange à entendre. Mon grand frère avec un accent de Durmstrang… Berk. Tout ça à cause des Pozhiratelis. Mais bon, ce ne sera pas de sa faute. Il faut juste espérer qu’il reste anglais pour de vrai ! Bref, restons concentrée. Curieuse, je regarde le livre que prend Connor pour le poser sur la table. Oh ! Des potions ! J’adore les potions, c’est une super matière. On mélange plein d’ingrédients dans un chaudron et hop ! On a une super-mixture, et souvent en passant par plusieurs couleurs très jolies. Il faut juste réussir à ne pas être maladroit pour être bien précis, ou à ne pas oublier à quelle étape on en était, c’est là le plus compliqué. Quoique, pas pour tout le monde car certains élèves n’ont aucun mal. Moi si, un peu. Mais ça ne m’empêche pas d’adorer remplir les chaudrons.

Donc il va étudier les potions. J’aurais bien proposé de l’aider, mais je sais qu’il est plus grand que moi… Alors je ne servirais à rien car j’apprends encore ce qu’il a déjà appris. Par contre, il parle lui d’un sujet tout autant intéressant. Évidemment, je ne me suis pas trompée : c’est lui qui aide Furcy pour cette étrange matière appelée Arts Occultes. Ce qui est intéressant, c’est qu’il dit que l’Étude des Runes s’en approche même si leur matière à eux est plus proche de la magie noire. Je fronce un peu les sourcils en l’observant. Est-ce qu’il aime apprendre la magie noire ? Est-ce que Furcy aime apprendre la magie noire ? C’est une très mauvaise magie, c’est mal de l’utiliser. Enfin non, ça ne l’est plus – mais ça l’était ! Et ça le reste d’après moi, après tout c’est pas pour rien qu’elle s’appelle magie noire. Je secoue un peu la tête avant d’affirmer «Non, en Étude des Runes on ne fait pas de magie noire. Mais pourquoi est-ce vous l’étudiez à Durmstrang ? C’est une mauvaise magie…» Les Pozhiratelis sont vraiment bizarres. Sauf que ça, il ne faut pas que je le dise car papa me l’a interdit. Alors je tire une chaise pour m’asseoir à la table comme lui, puis je montre son livre : «C’est bien mieux les potions ! Au moins avec elles, on peut faire beaucoup de choses gentilles.» Je sais que ça ce voit certainement que j’aime pas la magie noire, mais ça m’est complètement égal. Pourquoi cacher une vérité ?

hrp:

La Magie noire, c’est mal, même ce Connor ne peut pas dire le contraire. Et pourtant, la réponse qu’il me donne me laisse penser que non, il n’est pas de mon avis. C’est vrai que c’est pas toujours simple de savoir ce qui est correct et ce qui n’est le pas, mais… Pas de là à dire que c’est bien de lancer des sortilèges pour faire connaître la peur et la douleur à d’autres personnes. Et tout ça uniquement car elles ne sont pas de sang-pur ! Je trouve qu’il n’y a pas de sens à ces actes, ni aux paroles de l’élève à l’accent étrange. Non non, ce n’est pas à Poudlard de changer et d’enseigner la méchanceté ! Comment peut-il dire ça ? J’ai vraiment du mal à croire qu’il pense ainsi. Ce n’est pas du tout ce qu’on m’a appris à moi ! Est-ce ce qu’il est en train d’apprendre à Furcy ? Pas maintenant tout de suite, vu qu’il est là, mais depuis la rentrée ? Il faudra que je demande à mon grand frère. Parce que je me souviens ce qu’a dit papa, et je crois que répondre maintenant serait faire tout le contraire des consignes qu’il a donné.

Alors je secoue simplement la tête, préférant m’imaginer qu’il dit ça parce qu’il est obligé, comme moi je dois ne pas dire ce que je pense des Pozhiratelis. C’est bien compliqué tout ça… Le problème, c’est que les Pozhiratelis pensent de cette manière pour de vrai. Je n’arrive pas à comprendre comment c’est possible ! Comment peut-on aimer faire du mal aux autres ? Les gens sont vraiment bizarres parfois. Enfin, il vaut mieux ne pas y penser, sinon je vais finir par en parler. C’est comme ça, à force d’avoir des mots la tête il y en a trop, et certains sortent. C’est qu’un cerveau n’est pas extensible ! En fait je sais pas, je l’ai jamais étudié, je me suis jamais posé la question. C’est mieux de parler des potions, donc c’est ce que je fais en toute simplicité. Mais pourquoi il rit ? Y a rien de drôle ! En tout cas, je ne trouve pas. Au moins j’ai la preuve qu’il sait quand même être amusé, sauf que ce qu’il dit ensuite pour s’expliquer ne me plaît pas beaucoup plus que sa remarque du début sur le fait que c’est Poudlard qui devrait nous enseigner la Magie noire.

Des potions qui relèvent de la Magie noire comme les Sortilèges d’Agmurdoad ? Je fronce les sourcils, horrifiée. Est-ce que celles-là aussi, il les étudie à Durmstrang ? Est-ce que Furcy apprend à être méchant ? Est-ce qu’il va le devenir ? Mais pourquoi est-ce qu’ils apprennent des choses pareilles là-bas ? Le monde serait bien mieux si ce genre de magie n’existait pas ! Comment peut-on vouloir l’utiliser ? C’est comme les potions mortelles dont Connor parle… Oui c’est vrai, ça existe, je ne dirais pas le contraire : j’ai lu des livres. Et souvent je me demande pourquoi des Sorciers ont inventé pareil mélanges. Être méchant ne sert à rien. Faire souffrir ne sert à rien. Je préfère les potions qui aident les autres, celles qui soignent, celles qui sont utiles aussi. Mais il n’y a rien d’utile à faire du mal aux autres ! Curieuse, je regarde le plus grand tourner les pages du livre. Je pourrais m’en aller, le laisser à ses devoirs. Je suis même sûre que je devrais me taire. Sauf que c’est impossible. «Bien sûr que j’ai beaucoup de choses à apprendre… Mais ce n’est pas parce que de telles potions existent qu’il faut les utiliser ! Si personne ne les utilisait, personne n’aurait besoin de les connaître pour savoir quel antidote donner s’il en existe. Et comme ça, personne ne serait méchant ! À quoi ça sert de savoir faire du mal aux autres ?» C’est une question sérieuse. Car il ne peut pas dire qu’utiliser la Magie noire sur des gens est un acte gentil…

Je n’aime vraiment pas l’idée de faire du mal aux autres. Alors apprendre à faire du mal, je trouve ça horrible. On peut apprendre beaucoup d’autres choses sans avoir besoin d’être méchant… La Magie ne devrait pas servir à ça, elle est bien trop belle pour faire souffrir les autres. Et ça, on ne peut pas l’ignorer ni dire le contraire. Mais en voyant Connor fermer son livre, je me dis que j’aurais peut-être mieux fait de me taire. C’est drôle, enfin non pas tellement, mais je m’étais dit la même chose avant de parler. À croire que je ne suis pas capable d’empêcher ma langue de sortir les mots qui se murmurent dans la tête… Oh ça, on le sait depuis longtemps non ?

Évidemment de la part d’un grand qui semble préférer l’enseignement sombre de Durmstrang à celui de Poudlard, j’aurais dû m’attendre à une réponse si compliquée. Je fronce les sourcils tandis qu’il tourne la tête vers moi, perplexe. Vient-il de dire qu’il nous faut apprendre à faire du mal pour pouvoir faire du bien ? C’est idiot. Certes, il a raison sur le deuxième point : si on n’apprend pas ce qui fait du mal, ça ne sert à rien de savoir le soigner. Mais il reste encore beaucoup de choses à apprendre ! Il n’y a pas que les souffrances causées par une méchante potion ou un méchant sortilège, il y a aussi la souffrance d’une blessure ou d’une maladie. Et ça, il faut qu’on sache le soigner.

Je ne vois vraiment pas où est le problème. Ce n’est pas parce qu’on n’apprend pas à faire souffrir qu’on ne peut plus rien apprendre, il exagère je trouve. Sauf qu’il a l’air vraiment très sérieux, il semble vraiment croire tout ça. À moins que j’ai mal compris à cause de son accent ? Non, impossible : un accent, aussi étrange soit-il, ne change pas le sens d’une phrase. Je ne sais pas quoi faire devant un regard pareil : est-ce vraiment utile que je dise ce que je pense finalement ? M’écouterait-il seulement ? Je ne sais pas… Il est plus grand, et les grands pensent souvent avoir raison. Mais je n’ai pas envie de croire ce qu’il dit moi, je n’ai pas envie de croire au fait qu’apprendre à faire souffrir pour pouvoir soigner ensuite est utile. Néanmoins, Connor a raison : chaque Sorcier a sa définition du bien et du mal.

Enfin. Il a raison jusqu’à un certain point, restons attentif. Comment pourrais-je avoir une vision différente de celle de papa ? En fait, je ne sais pas tellement quelle est sa vision des choses car il n’aime pas trop que l’on parle des Pozhiratelis, donc de ce qui est bien ou mal. Et tatie ? Non, je ne sais pas non plus. Je ne sais pas vraiment comment ils pensent. Mais je suis sûre et certaine qu’ils n’apprécient pas non plus la Magie noire ! Il faut certainement être fou pour aimer voir les gens souffrir par notre faute. Je ne peux pas m’empêcher de protester «Je ne suis pas d’accord, on peut apprendre beaucoup d’autres choses que faire du mal et soigner après ! Faire souffrir, c’est nul, c’est logique. Mais on peut soigner d’autres choses, ce n’est pas parce qu’on n’utilise pas la Magie noire ou celle qui fait du mal qu’il n’y a plus rien à soigner, à étudier.»

J’essaie de ne pas parler trop fort, parce que nous sommes dans une bibliothèque il ne faut pas l’oublier. Et puis, ressaisis-toi, Niamh, papa ne serait pas content. N’empêche que c’est pas ma faute s’il dit n’importe quoi, le grand devant moi. Même s’il y a quelques trucs vrais. «Mais c’est vrai que c’est pas toujours facile de savoir jusqu’où va le mal et le bien. Même en réfléchissant, je ne sais pas toujours dire si c’est bien ou pas, et parfois les adultes non plus, mon papa parfois ne sait pas le dire. Et pourtant, il est trop fort ! Y a quand même des trucs évidents… Moi par exemple, je n’aime pas avoir mal. Alors c’est normal que faire du mal aux autres n’est pas bien, car c’est leur faire ce que je n’aime pas. Mais personne n’aime avoir mal ! Donc ça ne peut être bien pour personne.» Papa serait d’accord avec moi, et Furcy aussi, c’est sûr !

D’ailleurs en parlant de Furcy, voilà que le grand en parle à son tour. Je fronce à nouveau les sourcils : ce Connor a le don de dire des trucs que je ne comprends pas très bien ! Pourquoi croit-il que je ne fais pas confiance à mon grand frère ? Pourquoi dit-il que là-bas, à Durmstrang, les élèves subissent un bourrage de crâne ? Est-ce que c’est vrai ? Qu’est-ce que ça veut dire réellement ? Qu’on leur apprend vraiment que la Magie noire, c’est bien ? C’est horrible ! Mais l’élève dit que la façon ne penser ne change pas. Est-ce vrai, ça aussi ? Furcy va rester gentil pour toujours ? Deux ans là-bas, c’est beaucoup. Mais ça veut dire que Connor est d’accord depuis toujours avec les idées méchantes des Pozhiratelis ? Je trouve que ça devient vraiment compliqué de comprendre. Est-ce que c’est parce qu’il est plus grand que moi ? Pourtant, je comprends bien Furcy. «Bah… C’est normal de s’inquiéter pour les gens qu’on aime, non ?» Est-ce que lui ne s’inquiète pas pour ceux qu’il aime ?

D’habitude, j’aime bien les gens qui sourient. Mais le sourire de l’élève étranger n’est pas de ceux que j’apprécie, il n’est pas… Je ne sais pas comment le définir. Il n’est pas gentil, ou sincère, ou amusé. On dirait plutôt qu’il se moque. De quoi ? De ce que je dis ? Pourtant c’est vrai, non ? Qui peut aimer souffrir ? Qui peut aimer faire souffrir ? Il faut avoir un cerveau sacrément détraqué pour avoir des goûts pareils. Et on a beau être tous différents, je ne peux pas croire qu’on le soit à ce point. L’humanité n’est-elle pas la même pour tout le monde ? En fait, non. Maintenant que j’y pense, on n’a pas tous la même définition de l’humanité. Donc du bien et du mal. Sinon, tous ces nés-moldus n’auraient pas été assassinés, tous ces sangs-mêlés ne seraient pas traités de cette manière. Ainsi, Connor aurait raison ? Il faut aimer faire souffrir pour tuer des gens comme ça. Mais eux n’avaient rien demandés…

Je soupire dans ma réflexion, pensive : moi qui étais simplement passée le saluer et me présenter, je trouve qu’on part un peu loin. Savoir mon grand frère entouré de fous qui utilisent la Magie Noire n’a rien de rassurant, au contraire d’ailleurs. Même si j’imagine que lorsqu’on n’aime pas faire souffrir les autres, on ne peut pas se mettre à aimer ça à cause d’une école. Il y a des gens bizarres, mais pas au point d’emberlificoter Furcy ! C’est sûr et certain. Et ce grand-là, comment pense-t-il ? À mon avis, la Magie Noire ne lui déplaît pas. Comme pour les Pozhiratelis… Ces gens absolument incompréhensibles. Aussi incompréhensibles que les paroles de l’élève-professeur qui ne semble pas persuadé que s’inquiéter pour les gens qu’on aime soit normal. Pourtant, je trouve que oui. Certes, j’ai posé la question, mais ce n’en était pas vraiment une ! Sauf que voilà, il est en train de me faire douter.

Car comme le bien et le mal, le normal et l’anormal sont difficiles à définir. Voir impossibles à définir. Est-ce qu’il en serait capable, lui ? Pas sûr. D’ailleurs, il n’a pas vraiment répondu à ma question… Je ne sais pas s’il s’inquiète pour ceux qu’il aime ou non. Est-ce qu’il aime quelqu’un déjà ? Ce n’est pas parce qu’utiliser la Magie Noire ne semble pas le déranger qu’il n’a pas de cœur du tout, c’est ce qui est étrange également. Peut-on aimer sa famille et vouloir les protéger tout en voulant tuer d’autres personnes ? Voici qui me laisse perplexe, aussi perplexe que devant le reste de ses paroles. Oui, je doute, mais n’est-ce pas en doutant que l’on apprend ? Peut-être pas toujours, ça doit dépendre du moment. Est-ce que maintenant, j’apprends ? Je ne sais pas trop, j’ai plus de questions que de réponses jusque là.

Il faut dire qu’il ne m’aide pas non plus… «Me dévorer vivante ?» Je le regarde avec effroi tandis qu’il montre à nouveau ce sourire pas très agréable. Ça ne se fait pas de manger les gens comme ça ! Je grimace de dégoût avant de poursuivre «On va à l’école pour apprendre, alors c’est normal de se questionner… C’est comme ça qu’on se forge un avis !» Ne plus poser de questions sera une meilleure manière d’essayer de moins douter devant ce grand qui est au final particulièrement compliqué. Je pourrais toujours m’interroger moi-même toute seule devant un livre ! Dommage quand même, j’aime bien échanger avec les autres. Sauf que Connor est très différent, j’ai du mal. «Mais j’ai pas prévu de me faire manger, ça non !» Pour qui me prend-il ? Je ne suis pas folle non plus. Enfin, peut-être un peu vu que je lui parle.

Un nouveau soupir, et je décide finalement de laisser tout ça de côté : j’aurais le temps d’y réfléchir plus tard, n’est-ce pas ? Ce sera plus simple d’y penser sans un élève qui parle de choses étranges – me faire dévorer, quelle idée… Je ne suis plus une enfant qui croit aux à ces histoires de Trolls venant nous dévorer la nuit si on n’est pas sage. Désignant alors le livre qu’il a devant lui, je lui demande tout simplement «Tu vas travailler sur quelle potion ? Oh d’ailleurs, tu es en cours avec madame Retrac ?» La directrice de l’école, la maman de Cliff, est aussi professeure de potion mais seulement pour les plus grands. À mon avis, Connor l’a sûrement ! Je me demande si elle est aussi effrayante de certains le disent… Les élèves peuvent être bêtes parfois quand il s’agit de se moquer des professeurs. Quoi qu’il en soit, je suis curieuse de savoir sur quoi l’élève de Durmstrang va travailler.

Il ne sait pas. Comment est-ce possible de ne pas savoir ce qu’on va travailler ? Enfin je veux dire, il doit bien avoir une idée, non ? Une potion qu’il a étudié au dernier cours, une potion qui lui a posé des difficultés… Il y a plein de possibilités ! Peut-être veut-il voir selon ce que lui proposera son livre ? Peut-être ! Je suis curieuse de voir ce qu’il va finir par choisir. Sauf qu’il dit ne pas aimer cette matière, et j’ai beau savoir que certains élèves sont ainsi, cela m’étonne toujours. Comment ne peut-on pas aimer les potions ? C’est amusant de pouvoir mélanger des ingrédients, de voir les couleurs changer au fil de la recette, de se dire qu’avec un peu de ça beaucoup de ci et moyennement de ce truc, on obtient un mélange capable de faire ceci, c’est impressionnant également. En tout cas c’est mon avis !

Je fronce le nez alors qu’il dit préférer les ingrédients, sans pour autant aimer la matière qui concerne ingrédients et potions dans son école tout là-bas loin d’ici. Il est un peu étrange ce garçon, non ? Les ingrédients font partie des potions : un ingrédient ne sert à rien si on ne peut pas en faire une potion, et une potion ne peut pas exister s’il n’y a pas d’ingrédients. Voici de quoi laisser pensive… Et perplexe, car ça n’a pas de sens. Peut-être qu’il n’aime pas la matière car ce n’est pas enseigné de la même manière qu’à Poudlard ? Pourtant, il n’y a pas trente six milles possibilités d’étudier. Enfin, qu’est-ce que j’en sais réellement moi ? Je ne suis pas à Durmstrang. Et puis, chacun ses préférences ! Même si les goûts des autres sont parfois étranges, vous ne pouvez pas dire le contraire.

Et puis le voici qui approuve : c’est bien avec madame Retrac qu’il apprend les potions. Mais pourquoi cette question… ? Je hausse les épaules, pensive, car c’est une bonne question ce pourquoi moi, je pose une telle question «Je suis curieuse.» Voici l’explication la plus simple et logique que j’arrive à trouver. «Il y a des élèves qui disent qu’elle fait peur. C’est un peu bizarre je trouve, ce sont sûrement des élèves pas sages en cours qui disent ça. Parce qu’un professeur se met souvent en colère si on n’est pas sage… Mais il n’y a pas de raison d’avoir peur lorsqu’on travaille sérieusement.» Ce qui, en soi, est un comportement normal – le sérieux. Néanmoins, il est vrai qu’un professeur en colère soit effrayant, j’en ai déjà observé en cours… Les élèves sont parfois bêtes en même temps : tout le monde sait qu’on ne peut pas s’amuser en classe !

Mais certains ne le savent pas, ou s’en fiche tout simplement. Connor fait-il partie de ces personnes-là ? Je l’imagine mal s’amuser ou bavarder avec son entourage, du moins pas pendant un cours… Déjà que là, il ne parle pas beaucoup. Et qu’il est bizarre. Bizarre mais intéressant, c’est vrai. Un peu effrayant aussi. Il faudrait que j’écoute les autres voir ce qu’ils pensent de lui… Mais en cinquième année, pourquoi parler d’un élève plus grand ? Mmmh, il va falloir voir ! Quoi qu’il en soit, j’ai bien d’autres questions pour lui dans ma tête. Car au fond, il est aussi intrigant. «Et dis, pourquoi tu n’aimes pas les potions ? Et les ingrédients ? Tu ne trouves pas ça intéressant ? Ou trop compliqué ? Ou alors tu n’aimes pas les professeurs ? Ou…» Non stop voyons ça suffit. Autant l’écouter expliquer tout seul !

Parfois, la curiosité est une bonne chose, parfois non. Car parfois, elle permet d’apprendre de nouvelles choses en cours ou en-dehors de la classe, elle permet de se renseigner et de ses préparer, puis d’autres fois elle ne fait que déranger les Autres. Il faut savoir la séparer en deux parties, pas forcément égales d’ailleurs, pour ne pas paraître malpolie ou méchante. Demander au Connor s’il étudie ici les potions avec Madame Retrac, ce n’est pas malpoli, si ? Pour avoir son avis à lui, son avis de nouveau Poudlarien, sur cette adulte professeure d’une matière super géniale et qui est aussi la maman de Cliff. Je n’ai pas l’impression de faire quelque chose de mal…

Pourtant, le Grand ne dit pas grand-chose sur elle et préfère me dire que je me ferais mon propre avis l’année prochaine si je continue la matière. Je souris au si, hochant joyeusement la tête pour assurer de suite que «Bien sûr que je vais continuer ! Enfin, il faut que je réussisse les BUSEs même si je suis un peu maladroite, mais comme j’adore cette matière j’y arriverais sûrement, je ferais vraiment très attention.» Certes, il s’en fiche un peu. Pas très bavard, pas très joyeux, certainement peu intéressé de savoir si je verrais Madame Retrac en classe l’année prochaine. Qu’importe ? Comme d’habitude, les mots sortent tout seuls, enthousiasmés par le sujet bien que je décide de ne pas insister plus.

Surtout que je suis curieuse – je l’ai déjà dit, non ? Tant pis. Bref, il est intrigant lui aussi. Pourquoi ne pas aimer les potions ? Certains élèves, de ce que j’ai entendu, trouvent qu’il y a trop de choses à retenir. Mais bon, ils sont à l’école pour apprendre alors… C’est idiot de se plaindre d’un truc pareil. D’autres ont du mal à suivre une recette, et même si ce n’est pas si compliqué que ça, je peux finalement le comprendre : on a tous des difficultés quelque part. Mais lui ? Et bien… Il n’a pas l’air d’aimer la question. Son regard est bizarre, pour ne pas dire effrayant. Ai-je déjà dit qu’il n’était pas très joyeux ? Dites-vous que là, c’est encore pire.

Alors il répond, sans vraiment répondre. Une autre raison qui ne me regarde pas ? Je fais la moue, déçue : j’aurais aimé comprendre ! Mais après une courte réflexion, cette curiosité demande d’aller plus loin que ma compréhension et il n’a peut-être pas envie d’en parler plus que ça, donc ça le dérange et on arrive à la vilaine curiosité. N’empêche qu’il y a d’autres manières de le dire ! Poliment, gentiment, dire qu’il préfère parler d’autre chose. Sauf qu’il n’a peut-être plus envie de parler du tout. Avait-il déjà envie de parler tout court ? Voici une bonne question. Clairement, je le dérange peut-être depuis le début. Mince alors… Furcy n’est pas aidé par un élève très commode. Le pauvre…

Un peu déstabilisée, je finis par hocher la tête, murmurant un «Oui d’accord, désolée.» Mon regard se pose sur le livre un instant, pour finalement se relever vers le Grand, décidé. «Bon bah je vais te laisser travailler tout seul alors… Bonnes révisions !» Je me lève, récupère mon sac d’une main, un peu hésitante quant à la manière de saluer une telle personne. Au revoir ? Ou à bientôt ? Vivement qu’on se recroise ? Oui non, quand même pas. J’opte donc pour la solution du milieu, c’est poli et vu qu’il est à Poudlard pour encore un petit moment, on se recroisera sûrement. «À bientôt !» Et je souris avant de sautiller vers un autre rayon, l’objectif de ma venue dans la bibliothèque absolument oublié – mais c’est pas grave.

HRP:

Je vais demander le verrouillage
Pauvre Niamh. La prochaine fois il sera plus gentil promis XD